baryton
Au début des années 1950, l’astre DFD se lève s’affirmant dans son premier Wagner, Wolfram (Tannhäuser) et bientôt dans la fine ciselure du lied, de Schubert et Strauss à Wolf, conviendra tout autant que l’opéra à son timbre de diamant. Le 28 mai 2010, le baryton berlinois a soufflé ses 85 ans. Portrait anniversaire et discographie de circonstance…
Né à Berlin, le 28 mai 1925, le baryton allemand Dietrich
Fischer-Dieskau a cessé de se produire sur les scènes lyriques depuis
1983, à l’âge de 58 ans. Il avait consacré les dernières années de sa
carrière à la création dont témoigne sa participation aux premières
mondiales du Requiem d’Aribert Reimann (Kiel, 1982), de Porträt
des Holofernes de Siegfried Matthus (Leipzig, 1981), Lear de
Reimann (Munich, 1978). Sa collaboration avec le compositeur Aribert
Reimann avait commencé avec la création de Zyklus à Nuremberg en
1971.
Débuts, formation berlinoise
A 17 ans, DFD poursuit ses études de chant à la Musikhochschule de
Berlin dans la classe d’Hermann Weissenborn. En 1943, il n’ a que 18 ans
quand il donne son premier récital en public. Pendant la guerre, il est
soldat et est fait prisonnier de guerre en Italie (1945).
Après la Guerre, l’envol
Le jeune homme de 22 ans enregistre pour la radio, le Voyage
d’hiver de Schubert (1947). Sous la baguette de Ferenc Fricsay, il
chante Posa (Don Carlo de Verdi) au Städtische Oper de Berlin, en
1948.
A 24 ans, il épouse la violoncelliste Irmgard Poppen. Trois
fils naissent de ce premier mariage: Mathias (1951), Martin (1954, qui
deviendra chef d’orchestre), Manuel (1963). Dans son premier
enregistrement discographique pour Deutsche Grammophon, le baryton
chante les Quatre chants sérieux de Johannes Brahms.
Années 1950
A 25 ans, DFD connaît ses premiers engagements d’importance. Certes,
il a chanté son premier Wagner, Wolfram (Tannhäuser) qui lui
permettra de faire ses débuts à Bayreuth en 1954. Mais trois
compositeurs accompagnent ses premiers succès, tremplins pour une
reconnaissance de plus en plus importante: Mahler (Lieder eines
fahrenden Gesellen, sous la baguette de Wilhelm Furtwängler), Mozart
(Don Giovanni en 1953 sous la direction de Karl Böhm, à l’opéra
de Berlin. Puis, le Comte Almaviva des Noces de Figaro, à
Salzbourg, en 1956), Verdi (Falstaff, à Berlin, en 1957).
Années 1960
La décennie suivante est marquée par un deuil personnel:
en 1963, s’éteint son épouse Irmgard. Fischer-Dieskau élargit son
répertoire, prenant soin d’approfondir selon son habitude, la vérité
psychologique des personnages choisis. Premier Wozzek de Berg
(Opéra de Berlin, 1960), création du War Requiem de Britten
(Coventry, 1962). Puis viennent deux rôles qu’il va marquer de façon
mémorable: l’un correspond déjà à un approfondissement qui poursuit un
caractère déjà amorcé en 1957, Falstaff (Opéra de Vienne, sous la
baguette de Leonard Bernstein, en 1966, dans la mise en scène de
Visconti); le second est son premier Strauss et correspond à ses 40 ans:
Mandryka dans Arabella (Londres, 1965 sous la direction de Sir Georg
Solti). Diseur inégalé, le baryton tout en poursuivant la scène lyrique,
n’a pas abandonné l’univers intimiste et ciselé du lied: en 1996, il
commence le cycle complet des lieder de Franz Schubert, une
intégrale pour le disque (avec Gerald Moore, pour Deutsche Grammophon)
qui s’achèvera en 1972. Il épouse en 1965, la comédienne Ruth Leuwerick.
Années 1970
Presque quinquagénaire, DFD qui a rencontré Daniel Barenboim,
entreprend une tournée de récital en Israël. Il commence à travailler
avec le compositeur contemporain Aribert Reinmann (création de Zyklus,
Nuremberg, 1971). Le chanteur cède le chant pour la baguette: premières
tournées et enregistrement comme chef d’orchestre. Tournées avec
Sviatoslav Richter en 1973 (Varsovie, Prague, Budapest). Retour à Wagner
en 1976, à l’âge de 51 ans pour son premier Hans Sachs, dans Les
Maîtres chanteurs de Nuremberg (Opéra de Berlin). Rencontrée à
Munich en 1974, dans la production d’Il Tabarro de Puccini sous
la direction de Wolfgang Sawallich, la soprano Julia Varady devient sa
nouvelle compagne. Leur mariage est célébré en 1977.
Les années 1980
Avant de se retirer de la scène en 1983, Dietrich Fischer-Dieskau
organise sa première exposition de peintures en 1980. Il participe
cependant à la vie musicale contemporaine comme récitant et comme chef
d’orchestre, en particulier depuis 1992.
Discographie
Les 85 ans, le 28 mai 2010
Dietrich Fischer-Dieskau: « The birthday edition »
Fischer-Dieskau). Pour les 85 ans du baryton légendaire, Audite a
sélectionné 4 nouveaux cycles composant ces 4 albums là encore
phénoménaux et complémentaires. Certes les visuels de couverture
évoquent le jeune interprète (photos noir et blanc de très belle
facture, de la fin de vingtaine à la quarantaine rayonnante): mais les
documents audio ici améliorés (bandes originales remastérisées) datent
des années plus récentes…

La tendresse souveraine du timbre s’empare de la même façon (élégante, mesurée, travaillée mais si naturelle et humaine) des lieder de Schumann (Liederkreis de 1840 avec Moore toujours en 1954 (cd5). On passe plusieurs décennies avec Brahms (1970: Die Schöne Maguelone opus 33, avec Richter: voici le diseur mûr quadra).
L’intérêt du coffret est de restaurer l’ouverture du talent et la finesse déployée comme Schubert chez Mahler (cd 7: Lieder eines fahrenden Gesellen, Des Knaben Winderhorn, Rückert-Lieder, avec au piano Daniel Barenboim, dans un studio berlinois en 1978: jamais le texte de Mahler n’ a été autant projeté avec une telle séduction de timbre. Même accomplissement avec le cd 8 dédié à Hugo Wolf: autre domaine d’excellence pour le baryton qui retrouve Gerald Moore dans les cycles qu’il connaît pour les voir traversés et incarnés en récital de nombreuses fois: Eichendorff-Lieder (1959), Mörike-Lieder (1957), Goethe-Lieder (1960): les dates révèlent que nous voici comme Schubert au commencement d’une carrière et d’un travail exemplaire. Schubert et Wolf sont bien les premières pierres d’un édifice dont on relève aujourd’hui l’immense portée. Avouons notre prédilection pour les cd suivants: lieder de Strauss, de 1967 à 1970 avec Moore, le partenaire incontournable du baryton (cd9); le dernier cd d’archives (cd 10) éclaire d’autres pistes pour un talent rayonnant qu’il faut reconnaître comme le modèle des chanteurs de lieder: Loewe, Mendelssohn, Wagner, surtout Liszt (1971) et Peter Cornelius (1967). Le cd 11 propose des extraits d’un entretien radiophonique accordé en 2000 et 2005: y surgissent pépites complémentaires quelques illustrations sonores dont pour évoquer l’art du chanteur lyrique (étrangement passé à la trappe chez les éditeurs pour son anniversaire), le Credo de Iago à l’ acte 2 d’Otello de Giuseppe Verdi… L’art du chanteur est immense et nous plonger dans son legs vocal pour ses 85 ans nous fascine toujours autant. Incontournable. Dietrich Fischer Dieskau, The Great Emi recordings: 1957-1978, 11 cd Emi classics.
Illustrations: Dietrich Fischer Dieskau (DR)