Claude Debussy
150 ème anniversaire
Paris, Opéra Bastille
Pour le 150è anniversaire de Claude Debussy, l’opéra national de Paris propose un véritable festival lyrique Debussy: au programme reprise de la production de Pelléas et Mélisande (version Robert Wilson) sous la direction de Philippe Jordan, puis en un diptyque plus rare, Le Diable dans le Beffroi et la Chute de la maison Usher…
Pelléas et Mélisande
Philippe Jordan, direction
Robert Wilson, mise en scène
Du 28 février au 16 mars 2012
Avec Stéphane Degout, Elena Tsallagova, Anne Sofie Von Otter, Vincent Le Texier… Orchestre et choeur de l’Opéra national de Paris
Diffusion live en direct, le 16 mars 2012 à 19h30 sur le site de l’Opéra de Paris. Lire aussi notre dossier spécial Pelléas et Mélisande
Pourquoi voir cette production? La reprise du spectacle scénographié et mis en lumière par Robert Wilson dont la sensibilité atemporelle et le minimalisme énigmatique s’accordent idéalement à l’atmosphère suspendue du Pelléas Debussyste profite en 2012, de la direction, attentive, intérieure voire mystérieuse de Philippe Jordan, et de l’excellent baryton Stéphane Degout dans le rôle de Pelléas… reprise événement.
Le Diable dans le beffroi
La Chute de la maison Usher
Opéras inachevés d’après Edgar Allan Poe
Les 29 février, 1,3 et 5 mars 2012
Jeff Cohen, piano et direction
Jean-Philippe Clarac et Olivier Delœuil, mise en scène
Solistes de l’Atelier Lyrique
Edgar Allan Poe (1809-1859) inspire les compositeurs d’opéras dont surtout Debussy. Révélé en France par les symbolistes et Baudelaire, Poe excite l’imaginaire poétique à l’opéra. Après le scandale de la création américaine de Pelléas au Metropolitan Opera de new York en 1908, son directeur commande à Debussy un nouvel opéra d’après Poe. Debussy, passionné depuis son adolescence par le poète, choisit deux nouvelles : La Chute de la Maison Usher et Le Diable dans le beffroi, lues et admirées dans la traduction de Baudelaire. Le projet du compositeur envisage un diptyque qui restera hélas à la mort de Debussy, inachevé.
Un diable ambivalent et la chute de la maison Usher
A partir du matériau disponible et exploitable (plusieurs esquisses chant piano des tableaux principaux), l’Opéra national de Paris présente « de fascinantes fleurs du mal : névroses familiales, atmosphères incertaines, et la constante menace de la folie ».
En 2009 déjà, l’Opéra Français de New York , à l’occasion du bicentenaire de la naissance d’Edgar Allan Poe présentait un spectacle de théâtre musical combinant opéra, théâtre et vidéo dans une pièce originale,qui en 2011, sert de base ouverte à la production parisienne. La mise en scène n’ambitionne pas une reconstitution mais une évocation des univers debussystes, de ses thèmes obsessionnels, souvent en commun avec la prose et les poèmes de Poe: « névroses familiales, atmosphères décadentes et le macabre ».
Conçue pour quatre chanteurs, un acteur et un pianiste, la totalité du spectacle se déroule dans/devant la
bibliothèque de Roderick Usher, elle-même sise au sein de la Maison Usher. Une imposante bibliothèque,
remplie de centaines de livres, occupe ainsi le plateau en permanence. Livres, bois brut, néons… nos « outils »
habituels structurent l’espace. Et cette vaste bibliothèque, dans laquelle Roderick passe la plupart de ses
journées à lire et à rêvasser, comme cerné par ses livres, nous délimite la scène de la représentation: à la fois chambre pour le
héros, et métaphore pour la Maison Usher elle-même.
Utilisé comme un Prologue à La Chute de la Maison Usher, le satirique Diable dans le beffroi évoque le temps de
l’innocence heureuse entre Roderick Usher, sa sœur Madeline et leur Ami narrateur. Il prolonge l’intention de
Debussy et trouve un « équilibre joyeux entre le réel et le fantastique ». Pour Debussy, le Diable est moins une incarnation trop simpliste du Mal, qu’une figure plus subtile et ambivalente, métaphore légère de « l’esprit de contradiction ». « C’est dans ce sens que, dans le scénario inachevé laissé par
Debussy, le personnage du Diable aurait du se contenter de siffler ses lignes, et non de les chanter, comme on
peut normalement l’attendre d’un chanteur d’opéra. Dans notre adaptation, les esquisses au piano accompagnent donc une pantomime satirique, jouée devant nous par le narrateur, qui raconte l’histoire du Diable dans le beffroi, tout en sifflotant les parties réservées au Diable », précise les deux metteurs en scène.
La Chute de la Maison Usher se déroule ensuite entièrement dans la bibliothèque de Roderick. Au fil de l’œuvre, la structure rectangulaire remplie de livres évolue constamment. Elle se subdivise, se déforme, on en retire aussi quelques étagères… La bibliothèque familiale est un univers mouvant, organique, inquiétant; elle devient ainsi un lit, un canapé, et finalement un cercueil.
Dans La Chute de la Maison Usher, la quasi-totalité des actions dramatiques (toujours minimales) sont toujours reliées à un livre, ou à un extrait précis d’un livre que Roderick et sa sœur ont lu, ou voudraient relire encore…
Tout au long de l’œuvre, les personnages piochent régulièrement dans la bibliothèque, qui est ainsi constamment reconfigurée. Cette évolution constante de la bibliothèque (et sa détérioration continue) illustrent visuellement la décadence progressive de la famille Usher.
« A la fin du spectacle, l’imposante bibliothèque se retrouve quasiment vide et mise à nue, laissant les enfants Usher, morts, épuisés par trop de lectures, de littérature, devenus eux-mêmes débris, seuls au milieu d’un tas de livres abandonnés », concluent Philippe Clarac et Olivier Delœuil.
