lundi 5 mai 2025

Cuenca. Eglise d’Arcas: La chapelle musicale d’Albert le magnifique; Cathédrale: visite acoustique, le 7 avril 2012. L’Echelle. Caroline Marçot et Charles Barbier, chant et direction

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Depuis ses débuts, l’ensemble L’Echelle, à la fois choeur seul et collectif de musiciens associant chanteurs et instrumentistes, favorise et cultive les expériences nouvelles au concert. Caroline Marçot et Charles Barbier savent exploiter toutes les ressources acoustiques et visuelles d’un lieu pour mieux y développer une lecture inventive et libre, devenue geste musical dont ils réinventent à chaque programme, le mouvement et le rythme; la circulation dans l’espace ainsi investie y gagne aussi une nouvelle signification: quand instrumentistes et chanteurs se déplacent dans le corps de la nef, c’est tout le public qui prend conscience qu’une musique sans espace ne peut tout simplement pas s’épanouir…

Ainsi, voyez, dans la petite église médiévale d’Arcas (nef unique), comment les interprètes circulent, démultiplient les points de diffusion sonore; selon les pièces abordées, duos, quintettes, trios pour voix et instruments de Lassus, très proche du souci linguistique des plus grands madrigalistes de la Renaissance, L’Echelle investit différemment le lieu pourtant compact; dans le choeur, ou sur les côtés, le programme sait caractériser chaque partie, vocale ou instrumentale. Accompagné par la sacqueboute (Sandie Griot), du cornet (Lambert), …, les chanteurs membres fondateurs de L’Echelle défendent la souple articulation des duos, trios, quintettes d’un Lassus maître du contrepoint, attentif à chaque image du texte: vertige des entrelacs vocaux, articulation du verbe … Le programme déjà présenté avec une flamme égale à Paris aux Invalides, qui est devenu dans sa foulée, un album discographique majeur dans l’interprétation de Lassus (éditions Paraty), confirme l’excellente démarche des musiciens de L’Echelle, leur versatilité vocale, leur souci de l’intelligibilité et de la couleur…





réinventer le concert



Cuenca. Cathédrale, le 27 mars 2012. Visite acoustique.
L’expérience mobile et concrète franchit même un seuil décisif quand ce sont tous les spectateurs qui déambulent dans le lieu du concert, à l’invitation des chanteurs acteurs; c’est ce qui n’a pas manqué de se dérouler à Cuenca, dans l’extraordinaire vaisseau de la Cathédrale dont les bas-côtés, la multitude de chapelles, la disposition singulière entre l’autel principal et le choeur des chanoines, fermé à l’entrée du bâtiment permettent de varier l’enchaînement des stations sous la voûte.

A deux chanteurs, puis rejoints par l’organiste Pascal Marsault, parfait claviériste des deux orgues jumeaux affrontés (perles de l’organologie ibérique du XVIIIè, conçues par Julian de la Orden dans les années 1770), L’Echelle réalise une visite acoustique d’autant mieux adaptée au lieu que son programme musical, sait répondre aux oeuvres peintes et sculptées; prières et hymnes à la Vierge, dont la représentation est omniprésente dans la Cathédrale; Codex Las Huelgas qui évoque aussi l’oeuvre d’Alphonse VIII dont la figure est indissociable à l’histoire de la Cathédrale… en respect à l’éventail artistique très large présent dans l’édifice, les deux chanteurs créent en première mondiale, au coeur de la nef, Etude de climatologie de Lionel Sow: hymne dédié à l’oeuvre vitale de la lumière, résonance aux vitraux contemporains de Gustavo Torner… point d’orgue d’une visite-concert hors normes auquel la pièce de Jean-Bernard Mâche, donnée elle aussi pour la première fois en Espagne, sublime également la présence du sacré tout en récapitulant l’alternance du chant déclamé et de la marche (superbe prestation a voce sola de Caroline Marçot).

L’agencement des morceaux choisis, le parcours sous la voûte, la variété des stations, la présence d’une actrice commentant l’architecture et les oeuvres du décor sacré offrent aux spectateurs mobiles, une expérience diverse, multisensorielle, exceptionnellement riche, émotionnellement forte: un autre temps fort de la 51è édition de la SMR de Cuenca. Et pour les musiciens de L’Echelle, un nouveau point d’accomplissement dans la beauté d’un geste sonore et spatiale totalement réinventé.

A lire aussi:

Espagne, Cuenca (Castille). 51è Semana de Musica Religiosa.
Même en voilure allégée, le premier festival de musique sacrée espagnol
conserve son cap, dans l’exigence, la qualité, le rythme. La
diversité des approches est préservée; le lien moteur, exemplaire entre
programmes choisis et lieux investis, maintenu; l’excellence des
tempéraments artistiques composant une nouvelle cohérence générale,
magnifiquement illustré. Pendant la Semaine de la Passion, les concerts à
Cuenca offrent une expérience musicale unique en Europe. Festival majeur
Illustrations: Santiago Torralba SMR 2012
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