Depuis ses débuts, l’ensemble L’Echelle, à la fois choeur seul et collectif de musiciens associant chanteurs et instrumentistes, favorise et cultive les expériences nouvelles au concert. Caroline Marçot et Charles Barbier savent exploiter toutes les ressources acoustiques et visuelles d’un lieu pour mieux y développer une lecture inventive et libre, devenue geste musical dont ils réinventent à chaque programme, le mouvement et le rythme; la circulation dans l’espace ainsi investie y gagne aussi une nouvelle signification: quand instrumentistes et chanteurs se déplacent dans le corps de la nef, c’est tout le public qui prend conscience qu’une musique sans espace ne peut tout simplement pas s’épanouir…
Ainsi, voyez, dans la petite église médiévale d’Arcas (nef unique), comment les interprètes circulent, démultiplient les points de diffusion sonore; selon les pièces abordées, duos, quintettes, trios pour voix et instruments de Lassus, très proche du souci linguistique des plus grands madrigalistes de la Renaissance, L’Echelle investit différemment le lieu pourtant compact; dans le choeur, ou sur les côtés, le programme sait caractériser chaque partie, vocale ou instrumentale. Accompagné par la sacqueboute (Sandie Griot), du cornet (Lambert), …, les chanteurs membres fondateurs de L’Echelle défendent la souple articulation des duos, trios, quintettes d’un Lassus maître du contrepoint, attentif à chaque image du texte: vertige des entrelacs vocaux, articulation du verbe … Le programme déjà présenté avec une flamme égale à Paris aux Invalides, qui est devenu dans sa foulée, un album discographique majeur dans l’interprétation de Lassus (éditions Paraty), confirme l’excellente démarche des musiciens de L’Echelle, leur versatilité vocale, leur souci de l’intelligibilité et de la couleur…
réinventer le concert
Cuenca. Cathédrale, le 27 mars 2012. Visite acoustique. L’expérience mobile et concrète franchit même un seuil décisif quand ce sont tous les spectateurs qui déambulent dans le lieu du concert, à l’invitation des chanteurs acteurs; c’est ce qui n’a pas manqué de se dérouler à Cuenca, dans l’extraordinaire vaisseau de la Cathédrale dont les bas-côtés, la multitude de chapelles, la disposition singulière entre l’autel principal et le choeur des chanoines, fermé à l’entrée du bâtiment permettent de varier l’enchaînement des stations sous la voûte.

L’agencement des morceaux choisis, le parcours sous la voûte, la variété des stations, la présence d’une actrice commentant l’architecture et les oeuvres du décor sacré offrent aux spectateurs mobiles, une expérience diverse, multisensorielle, exceptionnellement riche, émotionnellement forte: un autre temps fort de la 51è édition de la SMR de Cuenca. Et pour les musiciens de L’Echelle, un nouveau point d’accomplissement dans la beauté d’un geste sonore et spatiale totalement réinventé.
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Illustrations: Santiago Torralba SMR 2012