Niché à deux pas du Château de Versailles, le Théâtre Montansier — inauguré en 1777 en présence de Louis XVI et Marie-Antoinette — demeure un joyau architectural du XVIIIe siècle. Classé monument historique, ce théâtre à l’italienne, avec son auditorium bleu et or, porte l’âme de sa fondatrice visionnaire, Marguerite Brunet, dite « La Montansier », l’une des premières femmes entrepreneures de l’histoire des arts. Sous la direction actuelle de Geneviève Dichamp et Frédéric Franck, il allie tradition et innovation, proposant une saison 2024/2025 riche en découvertes : des pièces classiques (Le Dindon, Andromaque) aux spectacles musicaux audacieux comme ces « Oiseaux fantastiques », en passant par des créations contemporaines et de la danse.
Ce dimanche 24 novembre 2024, le Trio Arcadis (piano, violon, violoncelle) et le dessinateur Grégoire Pont ont transformé la scène du Théâtre Montansier en un laboratoire de poésie sensorielle. Leur spectacle, Les Oiseaux fantastiques, a conquis un public (composé en grande partie d’enfants) suspendu entre rêve et réalité, grâce à une symbiose rare entre musique illustrée en direct et narration visuelle.
L’ouverture du spectacle s’est tissée dans la douceur mélancolique de Mel Bonis (Soir et Matin). Les arpèges du piano, soutenus par les cordes enveloppantes, ont évoqué le crépuscule puis l’aube naissante, tandis que les traits de Grégoire Pont dessinaient des oiseaux nocturnes s’évaporant en volutes colorées à l’écran.
Avec Ma Mère l’Oye de Maurice Ravel, la magie a également pleinement opéré. Chaque conte musical a pris vie sous les pinceaux numériques de Grégoire Pont : les Entretiens de la Belle et la Bête ont vu leurs dialogues transcrits en arabesques entrelacées, tandis que Le Jardin féerique a explosé en floraisons lumineuses synchronisées avec les crescendos du trio. Le dessin, projeté en temps réel, est devenu partition visuelle. Le Trio avec piano (toujours de Ravel) fut l’apothéose de la soirée. Les motifs tourbillonnants du premier mouvement ont inspiré à Pont des nuées d’oiseaux géométriques, voltigeant au rythme des staccatos. Le finale, fiévreux et lyrique, s’est achevé dans un déferlement de couleurs où chaque instrument semblait tracer sa propre trajectoire dans le ciel numérique.
Le Trio Arcadis a fait preuve d’une complicité virtuose, naviguant entre la délicatesse onirique de Ravel et la densité romantique de Bonis. Le violoncelle, tantôt grondant tantôt aérien, a incarné l’âme des oiseaux mythiques évoqués par le titre. Mais la révélation fut Grégoire Pont : son dessin live, alliant esquisse minimaliste et explosions chromatiques, a transcendé l’illustration pour devenir chorégraphie. Un moment d’anthologie : dans Le Petit Poucet, les cailloux blancs tracés à l’écran s’envolaient en oiseaux à chaque note de piano, fusionnant conte et abstraction.
Pour les amoureux des saisons artistiques audacieuses, le Théâtre Montansier réserve encore bien des trésors jusqu’en juin 2025 : courrez-y avant que les oiseaux ne s’envolent!
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Théâtre Montansier • 13 rue des Réservoirs, Versailles • Réservations : 01 39 20 16 00 • www.theatremontansier.com – Tarifs : de 10€ (strapontins) à 39€
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