jeudi 26 juin 2025

CRITIQUE, théâtre musical. PARIS, Théâtre du Châtelet, le 25 juin 2025. STRAVINSKY : L’Histoire du Soldat. N. Holz, V. Galard, X. Guelfi… Karelle Prugnaud / Alizé Léhon

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

L’Histoire du Soldat, chef-d’œuvre né en 1918 des génies Igor Stravinsky et Charles-Ferdinand Ramuz, renaît au Théâtre du Châtelet dans une production dirigée par Karelle Prugnaud. Loin d’une simple reprise, cette version fusionne théâtre, musique, danse et arts du cirque pour un résultat électrisant ! Inspirée du mythe de Faust, L’histoire du soldat qui troque son violon contre un livre magique – et son âme contre la richesse – prend une dimension hypnotique sous le chapiteau imaginaire de Prugnaud

La grande nouveauté de cette production ? L’intégration époustouflante des circassiens de la compagnie Pré-O-Coupé, transformant le conte en une féerie acrobatique et poétique. Ici, le Diable surgit dans un numéro de corde lâche, symbolisant la précarité des choix humains. Les pièces d’or promises au Soldat deviennent des balles fluorescentes, tandis que La princesse (rôle dansé) est littéralement « sauvée » par un duo de main-à-main, mêlant grâce et tension physique. Ces ajouts ne sont pas décoratifs ; ils incarnent visuellement les thèmes de la tentation, de la chute et de l’illusion, propres au récit.

Le spectacle offre aussi des séquences muettes, où le Soldat (acteur) et le Diable (mime hallucinant) dialoguent par gestes, amplifiant la tension psychologique. La musique de Stravinsky, déjà riche en tangos et ragtimes, s’épanouit dans des clowneries mélancoliques et des mouvements corporels inspirés du cabaret berlinois. Ces ajouts servent le propos : ils matérialisent le « temps perdu » du Soldat, central dans la fable.

La musique, interprétée par un septuor live (dirigé par Alizé Léhon), est un personnage à part entière. Le violon du Soldat pleure, rage et ensorcelle, porté par une soliste virtuose, tandis que Batterie, cymbales et tambour ponctuent les apparitions du Malin avec une énergie tribale. Dans sa partition, Stravinsky fusionne les genres – les cuivres glissent du klezmer au paso doble avec une fluidité étourdissante. Et la mise en scène souligne cette hybridité : un cornettiste surgit en haut d’une échelle ; le bassiste devient arbre ou spectre…

La metteure en scène Karelle Prugnaud opte pour un dispositif épuré mais malicieux, conçu par Pierre-André Weitz, et composé d’un castelet forain qui évoque les origines « tréteaux » de l’œuvre, avec rideaux rouges et projecteurs à manivelle. Des valises-armoires, un livre géant en toile de fond, des ombres chinoises… l’économie de moyens se mue en poésie. Tantôt feu de camp, tantôt spot de cabaret, les lumières sculptent l’espace et isolent les âmes en conflit .

Le Diable de Nikolaus Holz, en mime-acrobate, est un caméléon glaçant, tandis que le Narrateur de Vladislav Galard, voix grave et regard perçant, guide le récit comme un shaman. La distribution est complétée par le Soldat de Xavier Guelfi, la Princesse d’Alexandra Poupin, et leurs « doubles » joués par Quentin Signori, Samanta Fois et Chiara Bagni.

Cette Histoire du Soldat transcende le spectacle classique : elle est un laboratoire vivant où s’expérimentent, avec génie, les possibles du théâtre musical. Les ajouts de pantomime et de cirque ne l’alourdissent pas ; ils l’aèrent, lui donnant une légèreté tragique et une modernité éclatante. Courez-y avant que le Diable n’emporte la dernière place !…

 

 

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CRITIQUE, théâtre musical. PARIS, Théâtre du Châtelet, le 25 juin 2025. STRAVINSKY : L’Histoire du Soldat. Jusqu’au 29 juin 2025. Crédit photo © Thomas Amouroux

 

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