vendredi 23 mai 2025

CRITIQUE, opéra. TOULOUSE, Théâtre du Capitole, le 22 mai 2025. WAGNER : Der Fliegende Holländer. A. Isaev, I. Brimberg, A. Hernandez… Michel Fau / F. Beermann

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Michel Fau, fidèle à sa collaboration avec le Théâtre du Capitole après Wozzeck et Elektra, plonge pour la première fois dans l’univers wagnérien avec une approche résolument ancrée dans le romantisme allemand. Refusant les transpositions modernes, il situe l’action à la fin du XVIIe siècle, dans une esthétique baroque et fantasmagorique inspirée des peintures marines néerlandaises. Le décorateur Antoine Fontaine crée des toiles peintes en trompe-l’œil, où le navire de Daland et le Vaisseau fantôme aux voiles rouges surgissent avec une puissance visuelle stupéfiante.

 

La scénographie joue avec l’illusion théâtrale : au deuxième acte, un cadre doré transforme la scène en tableau vivant du Hollandais maudit, dont le portrait s’anime pour rejoindre Senta à l’avant-scène. Les lumières de Joël Fabing, évoquant l’éclairage à la bougie du XIXe siècle, renforcent l’atmosphère spectrale du spectacle. Les costumes de Christian Lacroix subliment le folklore scandinave, comme le manteau-armure du Hollandais ou les robes brodées des fileuses, mêlant réalisme historique et poésie.

Dans le rôle-titre, le baryton russe Aleksei Isaev impose une présence vocale et scénique magistrale. Son timbre sombre et puissant, notamment dans la scène d’entrée, captive par son autorité tragique et sa profondeur. Face à lui, la soprano suédoise Ingela Brimberg (en remplacement de Marie-Adeline Henry initialement annoncée) livre une performance lumineuse et intense en Senta. Son vibrato large mais maîtrisé et sa projection incandescente servent parfaitement le rôle de l’héroïne sacrifiée. Le ténor espagnol Airam Hernández (Erik), grand habitué des lieux, incarne un fiancé désespéré au timbre cuivré et à la justesse expressive, apportant une humanité touchante au drame. Dans le rôle de Daland, la basse française Jean Teitgen (Daland) donne au père cupide une dimension tragique, avec des harmoniques riches et une puissance vocale remarquable. Les rôles secondaires ne sont pas en reste : Eugénie Joneau (Mary) et Valentin Thill (Le Pilote) impressionnent par leur engagement, tandis que les chœurs, remarquablement préparés par Gabriel Bourgoin, offrent des moments d’une puissance spectrale, notamment dans l’acte III où marins norvégiens et fantômes hollandais s’affrontent en une tempête sonore.

Autre habitué des lieux, l’allemand Frank Beermann, chef wagnérien aguerri, dirige l’Orchestre national du Capitole de Toulouse avec un équilibre parfait entre romantisme flamboyant et tension dramatique. Les cuivres grondent comme les flots, tandis que les solos de cor anglais et hautbois ajoutent une poésie mélancolique. Plus largement, les excellents instrumentistes de la phalange occitane restituent à la perfection la violence des éléments et la psyché tourmentée des personnages.

Pour l’anecdote, le public a frissonné à l’arrivée sur scène de Christophe Ghristi avant la représentation, mais ce n’était pas pour nous annoncer quelque indisposition de l’un des artistes, mais pour souhaiter un bon anniversaire au grand Richard Wagner… né un 22 mai !…

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. TOULOUSE, Théâtre du Capitole, le 22 mai 2025. WAGNER : Der Fliegende Holländer. A. Isaev, I. Brimberg, A. Hernandez… Michel Fau / F. Beermann. Crédit photographique © Mirco Magliocca

 

 

VIDEO : Michel Fau présente « son » Vaisseau fantôme de Wagner au Théâtre du Capitole

 

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