L’Opéra de Saint-Etienne clôt sa saison avec ‘Macbeth’ de Verdi, dans une production signée Daniel Benoin qui a déjà eu les honneurs de la scène de l’Opéra Nice Côte d’Azur, maison coproductrice du spectacle. L’ancien directeur du Théâtre National de Nice (TNN) transpose ici l’action pendant la période de la Première guerre mondiale et des Années folles qui la suivent, et c’est d’emblée dans les horreurs de la guerre de tranchées qu’il plonge le public stéfanois, au travers d’images d’archives (coloriées) du conflit, auxquelles ont été ajoutée la présence de Macbeth et Banco par un tour de passe-passe numérique. Un procédé très impressionnant, mais tempéré par la scène des sorcières qui n’apparaissent ici que comme de modestes ouvrières, travaillant dans une fonderie qui fabrique de la métallurgie lourde pour fabriquer des armes de guerre que leurs maris, partis au front, utilisent ensuite ! Avec leur tenues grises et leurs fichus sur la tête, sortant la tête de leur baraquement en briques qui jouxte leur usine, on les prend au début pour quelques cigarières (égarées) d’une production de Carmen ! L’effroi ne sera pas au rendez-vous avec leur prosaïque traitement, et c’est bien dans les images vidéos de Paulo Correia (et le jeu de Lady Macbeth) qu’il faudra aller le chercher, comme le moment où elle tend à son pleutre de mari, non le poignard mais le revolver qui permettra de perpétuer le crime qui ensuite ne cessera de les hanter jusqu’à les mener à la tombe.
En dépit / à part un aigu malheureux lors du toujours très attendu contre-ré bémol qui clôt la fameuse scène de somnambulisme (à cause d’une régisseuse trop zélée qui est entrée en collision avec la soprano à sa sortie de scène !…), le spectacle est indéniablement dominé par notre soprano dramatique “nationale” Catherine Hunold qui vole largement ici la vedette au rôle-titre. Dans la redoutable partie de Lady Macbeth, elle fait en effet valoir ses indéniables qualités dramatiques et un fort tempérament, tout autant qu’un profil vocal de grand relief. Le métal du timbre, d’abord, est idéal pour certains aigus à pleine voix. Le vibrato, ensuite, confère intensité et mordant à des pages telles que l’air d’entrée “Vieni, t’affretta”. L’incisivité de l’accent, également, sert admirablement les nombreux passages de récitatif. Enfin, sa scène de somnambulisme, malgré le contre-ré bémol escamoté (malgré elle !), s’avère particulièrement poignante. Aux moments des saluts, le public a largement manifesté son plaisir devant une incarnation aboutie d’un des rôles les plus exigeants du répertoire.
Originaire de Lettonie, le baryton Valdis Jansons privilégie les mezza-voce plutôt que les sonorités ouvertes et forcées que nous infligent trop souvent, dans la partie de Macbeth, nombre de ses collègues. Mais en se montrant si soucieux de la ligne, il manque de l’impact vocal requis par le rôle, l’acteur s’avérant, par ailleurs, d’un bien moindre charisme que sa consœur.
La basse italienne Giovanni Battista Parodi campe un excellent Banco, au timbre superbe, à la voix puissante, avec un grave rond et plein. De son côté, le jeune ténor français Samy Camps assume, avec une voix franche et vaillante l’air célèbre de Macduff, “Ah, la paterna mano”, tandis que la production bénéficie de luxueux Malcolm et Suivante de Lady Macbeth grâce aux très prometteurs Léo Vermot-Desroches et Cyrielle Njdiki.
Dernier bonheur de la soirée, et pas des moindres, la direction de Giuseppe Grazioli, à la tête d’un chœur et d’un orchestre dans une forme superlative. Le premier est saisissant d’engagement, en particulier dans le célèbre “Patria oppressa », et il faut saluer ici le travail de précision accompli par Laurent Touche à la tête du chœur maison depuis de nombreuses années maintenant. Quant à l’Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire, il s’avère – dans les mains du maestro italien – un instrument parfaitement aux ordres ; exemplaire dans les nuances les plus délicates comme dans les passages les plus spectaculaires. Le public stéphanois ne s’y trompe pas qui adresse une interminable et joyeuse ovation à l’ensemble de l’équipe artistique !
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CRITIQUE, opéra. SAINT-ETIENNE, Grand-Théâtre Massenet, le 20 juin 2023. VERDI : Nabucco. V. Jansons, C. Hunold, G. B. Parodi, S. Camps. D. Benoin / G. Grazioli. Photos © Cyrille Cauvet
VIDÉO : Catherine Hunold chante l’air de Lady Macbeth “Vieni ! T’affretta !” et sa cabalette “Or tutti sorgete” aux Chorégies d’Orange (le 19 juin 2023… soit la veille de la représentation stéphanoise à laquelle nous avons assistée) !
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