jeudi 12 juin 2025

CRITIQUE, opéra. PARIS, Opéra Bastille, le 9 juin 2025. MASSENET : Manon. Amina Edris / Roberto Alagna… Vincent Huguet / Pierre Dumoussaud

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

L’Opéra Bastille clôt sa saison avec une production de Manon de Jules Massenet, dirigée avec fougue et brio par Pierre Dumoussaud et mise en scène par Vincent Huguet. Si cette reprise de la production (créée en 2019) a déjà séduit le public parisien, la représentation du 9 juin 2025 restera marquée par l’entrée en scène magistrale de Roberto Alagna dans le rôle du Chevalier Des Grieux – reprenant le flambeau de son jeune collègue Benjamin Bernheim (lire ici notre première chronique) pour les 5 dernières représentations. Une performance qui a électrisé la salle !

 

Dès son « Je suis seul ! » lancé dans l’acte II, Roberto Alagna a captivé l’auditoire par sa présence vocale et dramatique. Son timbre toujours aussi solaire et immédiatement reconnaissable, son aisance dans les nuances (le chanteur a multiplié les pianissimi et des demi-teintes envoûtantes !) et son engagement physique ont offert un Des Grieux d’une intensité rare. Son « En fermant les yeux » (rêverie de l’acte II) fut un moment de grâce absolue, tandis que son rayonnement vocal dans l’acte « de Saint-Sulpice » et sa fureur désespérée dans le dernier acte ont montré l’étendue de son art. À 61 ans, le ténor prouve une fois de plus qu’il incarne les rôles lyriques français avec une maîtrise inégalée !

 

 

À ses côtés, la soprano égyptienne Amina Edris a déployé une voix souple et plutôt charnue pour camper l’héroïne fragile et capricieuse qu’est Manon. Son interprétation manque cependant de la profondeur psychologique requise (notamment dans la scène de la mort), tandis que la voix manque également de toute la puissance nécessaire pour remplir le vaste vaisseau qu’est l’Opéra Bastille. Le Lescaut du baryton polonais Andrzej Filonczyk possède, en revanche tout, ce qu’il faut pour affirmer ce rôle au cynisme sympathique : la voix est pleine, rayonnante, le personnage puissant. Tout comme l’excellentissime Comte Des Grieux de Nicolas Cavallier, décidément une des meilleures basses françaises, dont le personnage s’affirme en quelques mesures. Un bon Guillot (Nicholas Jones) et un excellent Brétigny (Régis Mengus) un exquis trio de péronnelles (d’où le timbre de Marine Chagnon ressort particulièrement), toute la distribution est soignée, jusqu’aux plus petits rôles, marque de la première maison lyrique de France.

À la tête d’un Orchestre de l’Opéra national de Paris des grands soirs, Pierre Dumoussaud livre une lecture dynamique et colorée de la partition, privilégiant les tempi vifs et les contrastes. La phalange parisienne offrent à entendre des sonorités riches et goûteuses, des bois savoureux, des cordes soyeuses et bien projetées, l’ensemble étant mené avec un brio soutenu par le jeune chef Français. De son côté, la mise en scène de Vincent Huguet s’avère à la fois minimaliste et élégante, transposée dans les Années 30 de Joséphine Baker -jouant sur des décors épurés (signés Aurélie Maestre), et des jeux de lumières (signés par Christophe Forey) pour souligner le drame intime. Si certains pourraient regretter un manque de folie dans l’acte de l’Hôtel de Transylvanie, la sobriété des choix renforce la centralité des personnages. Et le public n’a en tout cas pas boudé son plaisir… en faisant une fête particulièrement appuyée à l’ensemble des protagonistes de la soirée !

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. PARIS, Opéra Bastille, le 9 juin 2025. MASSENET : Manon. Amina Edris / Roberto Alagna… Vincent Huguet / Pierre Dumoussaud. Crédit photographique  © Sébastien Mathé 

 

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