samedi 26 avril 2025

CRITIQUE, opéra (chinois). BORDEAUX, Grand-Théâtre, le 17 octobre 2024. T. XIANZU : Le Pavillon aux Pivoines. Luo Chenxue, Hu Weilu, Zhou Yimin, Tan Xiao… Shanghai Kunqu Opera Troupe / Nin Guangjin (mise en scène).

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Oublier ce que l’on connaît. Accepter un autre univers. Entendre. Voir. Découvrir. Venu du 17ème siècle, ce Pavillon aux pivoines de Tang Xianzu n’est en rien l’opéra « exotique » que nos oreilles occidentales imaginent. Pas de Pays du sourire ni de Turandot ici. Nous voici face à une tradition finalement peu connue en Europe, bien que vieille de plusieurs siècles. Ainsi, les origines de l »opéra kunqu« , genre auquel appartient Le pavillon aux pivoines (1598), sont situées au milieu du 16 e siècle, dans la ville de Kunshan. Il se développe durant la Dynastie Ming, répondant aux aspirations de l’élite d’alors, avant d’inspirer l’opéra de Pékin, autre genre, d’une certaine manière plus populaire. 

 

Crédit photographique © Pierre Planchenault

 

Le « kunqu » se caractérise par une mélodie spécifique (kunqiang), une structure dynamique, son inspiration littéraire et son goût pour les intrigues fleuves : certaines œuvres comprennent quarante à cinquante actes ! De fait, pour ses représentations en France, Le Pavillon aux pivoines est donné dans une version abrégée, en six tableaux. L’on y suit les amours hésitantes de Du Liniang et de Liu Mengmei. Recluse, Du Liniang rencontre son amant dans un rêve puis, revenue au monde réel, finit par mourir de chagrin. La voici aux Enfers : le juge Hu lui rend la vie, comprenant que son destin est lié à celui du jeune Liu Mengmei. Ce dernier est entre temps tombé amoureux d’un portait de jeune femme, qu’il finit par rencontrer en la personne de Du Liniang. 

Ces marivaudages « orphiques », que l’on nous pardonne ce double anachronisme, sont prétexte à de douces rêveries, épanchements du cœur mais aussi contemplation admirative de la nature au printemps ou vision nocturnes fantomatiques. Mise en scène contemplative, costumes soyeux, masques grimaçants… : c’est toute une tradition qui se révèle et dont on discerne progressivement les codes et conventions. Les chanteurs minaudent, se déplacent en ondulant, esquissent des pas de danse, agitent des éventails ou se mirent dans une glace.

Certains tableaux, tel celui « des Enfers, » s’enrichissent d’acrobaties, ce qui ajoute au caractère spectaculaire de cette représentation. La troupe nationale d’opéra traditionnel de la Shanghaï Kunqu Opera Troupe y fait forte impression. Le chant, longues et lancinantes mélodies, courant dans les aigus avec force ornementations, peut avoir quelque chose de lancinant pour une oreille qui le découvre, mais les prestations et l’engagement des solistes balayent vite cette réserve : le charme opère et la beauté de l’œuvre s’impose.

Assuré par une quinzaine de solistes, l’accompagnement musical se caractérise d’abord par ses sonorités typiquement chinoises, qui créent une atmosphère envoûtante, parfois joyeuse, souvent mélancolique voire lancinante. Ou alors tonitruante, par la force des cymbales. Pour la plupart absents voire inconnus des orchestres occidentaux, les instruments utilisés, du guzheng au gong en passant par l’erhu, ajoutent à cette étrangeté.

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CRITIQUE, opéra (chinois). BORDEAUX, Grand-Théâtre, le 17 octobre 2024. T. Xianzu : Le Pavillon aux Pivoines. L. Chenxue, H. Weilu, Z. Yimin, T. Xiao… Shanghai Kunqu Opera Troupe / Nin Guangjin (mise en scène). Photos © Pierre Planchenault

 

VIDEO : Teaser du « Pavillon aux Pivoines » de Tan Xianzu au Grand-Théâtre de Bordeaux

 

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