vendredi 25 avril 2025

CRITIQUE, FESTIVALS 2023. MUSIQUE & MEMOIRE, les 28, 29 et 30 juillet 2023. Florissante édition des 30 ans.

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Le dernier weed end du 30ème Festival Musique et Mémoire souligne les caractères généraux d’une édition particulièrement réussie : diversité et excellence. Pour cet ultime cycle, après entre autres temps forts, la Passion selon Saint-Jean de BACH par a nocte temporis ou les non moins excellents Masques dans l’opéra de John Blow, Venus et Adonis, sans omettre les deux sessions de la chanteuse et flûtiste Diana Baroni [autour de ses deux derniers cd, « Pan Atlantico » et « Mujeres »] , voici pour débuter le cycle de ce dernier week end conçu par Fabrice Creux, fondateur et directeur artistique, un programme qui associe deux éléments rarement associés et pourtant complémentaires, voix et orgue.

 

 

 

Vendredi 28 juillet 2023, BELFORT, Temple Saint-JeanSaskia Salembier ose et réussit une sélection à partir de toutes les cantates de Bach ; la soprano qui est aussi violoniste en déduit un cycle spirituel qui passe des ténèbres à la lumière avec plusieurs inserts contemporains de son cru, conçus en complicité avec l’organiste Marc Meisel.
Propre à Musique & Mémoire, ce nouveau programme est une traversée entre plusieurs états de conscience que l’on soit croyant ou pas. D’autant plus ardente et expressive que les airs forment comme les stations d’une nouvelle cantate, ou chaque volet d’un polyptique imaginaire ; soit un parcours structuré entre veine tragique et veine libératrice. Des vertiges misérables et désespérés de l’âme solitaire et démunie, à l’ivresse lumineuse du croyant fortifié et apaisé, Saskia Salembier réalise un cheminement suprême des ténèbres à la lumière.

 

 

Cantate imaginaire d’après JS BACH,
Un cheminement suprême
de l’ombre à la lumière

Pas facile d’associer orgue et voix sans risquer un déséquilibre entre les deux parties, souvent en faveur de l’instrument.
Maître de la balance sonore, les deux musiciens ont choisi de se placer comme en face à face… La chanteuse à l’extrémité de la nef du temple Saint-Jean à l’opposé de l’emplacement de l’orgue nordique.
La complicité entre les deux artistes et la configuration même du temple permet cette disposition que d’aucun jugerait périlleuse. Le résultat force l’admiration autant par le risque assumé de la combinaison musicale que le dramatisme des textes qui forment une collection de séquences contrastées au très fort impact émotionnel.
La voix ample, suave, articulée de la soprano excelle autant dans la couleur et les phrasés que la caractérisation de chaque épisode, sachant nuancer son timbre selon la nature même des textes : angélique ou dramatisme grave des airs retenus ; inquiétude sourde ou profondeur fulgurante des récitatifs ; distanciation heureuse des chorals…

 

 

Ce qui m’émeut, me forge

Apport non négligeable pour la cohérence et l’impact poétique du spectacle, les lumières filtrées, finement teintées, de Benoît Colardelle qui envelopent la chanteuse dans une parure évanescente laquelle s’inspire des grands peintres maîtres du clair obscur … Celui de La Tour et de Rembrandt, rien de moins. Dont ce halo onirique indéfinissable en réalité qui sublime chaque séquence vocale et spirituelle.

Entre chaque air extrait des cantates de Bach, s’inscrit un récitatif de style contemporain sur les textes de la chanteuse elle-même, qui ponctue dans une intranquillité appelant au mystère, chaque étape vocale de cette ascension progressive, de la matérialité du corps souffrant à la conscience libératrice d’une âme devenue pur esprit.
Ce cheminement qui vaut métamorphose est une gageure pour la chanteuse et aussi le plus bel hommage à la richesse infinie de l’offrande musicale de Bach à travers ses cantates. On reste admiratif devant l’itinéraire musical proposé, l’intelligence littéraire qui a rédigé le texte des récitatifs, leur éclat poétique et leur fulgurance [« ce qui m’émeut, me forge »] et l’endurance de la cantatrice, habitée d’un bout à lautre par cette fabuleuse traversée artistique et spirituelle.

 

 

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Samedi 29 juillet 2023, SERVANCE, église. Les Timbres. JS BACH : L’art de la fugue. Les Timbres confirment leur prodigieuse virtuosité au service de la transmission et de l’accessibilité des œuvres fussent-elles aussi complexes que les surprenantes et vertigineuses architectures de Jean Sébastien Bach. Comment expliquer l’art de la fugue chez BACH et la virtuosité fascinante dont le compositeur est capable dans ce genre périlleux et complexe par excellence : le vocabulaire requis suppose une connaissance préalable pour mieux en mesurer la maîtrise : rectus et inversus, mélodie ou thème 1 de départ, et son pendant en miroir ; même motif mais cette fois, avec ornements ; puis le même thème initial mais 2 fois plus rapide et superposé… Tout cela dans  un jeu combinatoire d’une liberté totale.

 

 

Ludiques, facétieux, brillants
Les Tmbres et l’Art de la fugue

 

 

Il faut une technique éblouissante pour échafauder un geste aussi libre qui sait autant exprimer qu’expliquer : Myriam Rignol prend la parole et explicite ce en quoi le génie de Bach tisse l’une des tapisseries sonores parmi les plus vertigineuses… Et les plus ingénieusement élaborées. À chaque fugue, son propre défi et le suivant, plus audacieux encore que le précédent.

Ici l’agilité le dispute à l’imagination la plus libre ; Les Timbres se montrent toujours inspirés sur le métier particulièrement exigeant d’un BACH  qui ne cesse d’avancer, d’explorer, d’édifier à l’infini… Concert et sensibilisation vivante, la performance hybride séduit immédiatement : l’auditeur en sort plus aiguisé dans son jugement, mieux informé et même connaisseur. Aucun d’entre nous ne pourra plus écouter une fugue désormais comme avant.

Le spectateur et l’auditeur suivent pas à pas chaque fugue, ses défis, ses enjeux : au delà de la présentation pédagogique, la performance est aussi un concert particulièrement délectable, ou le geste articulé et sensible des Timbres montre combien ils ont grandi et mûri ici en terre formatrice. Pour ses 30 ans, le Festival Musique & Mémoire ne pouvait accompagner ainsi ambassadeurs plus convaincants, si emblématiques  de son exigence musicale comme de sa volonté exploratrice. Un régal.

 

 

 

 

30ème Festival MUSIQUE & MÉMOIRE 2023 – Suite de nos critiques des concerts des 28, 29 juillet 2023

 

 

 

LIRE aussi notre présentation annonce du 30ème Festival Musique & Mémoire, Vosges du Sud (15 – 30 juillet 2023) : https://www.classiquenews.com/festivals-vosges-du-sud-musique-memoire-15-30-juillet-2023-les-30-ans/

 

 

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