lundi 12 mai 2025

CRITIQUE, festival. PARIS SAINTE CHAPELLE OPERA FESTIVAL, le 1er avril 2024. JEANINE DE BIQUE (chant), Aaron Wajnberg (piano).

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Après le succès de sa première édition l’an passé, le Paris Sainte Chapelle Opera Festival réinvestit l’écrin de verre de Saint Louis pour une seconde mouture tout aussi étincelante (étalée sur cinq week-end, du 28 mars au 1er mai). Sa directrice artistique, la soprano Fabienne Conrad, a encore su réunir quelques gosiers parmi les plus convoités de la lyricosphère, à l’image de Michael Spyres (qui se produira le 12 avril), Marina Viotti (le 15), Mélanie Sierra (le 21) – ou encore, ce soir 6 avril, Fabienne Conrad herself aux côtés du superbe baryton Alexandre Duhamel et du jeune et prometteur ténor Valentin Thill

 

 

Après une soirée d’ouverture le 28 mars qui, Pâques oblige, était dévolue à la musique sacrée (Les Leçons de Ténèbres de Couperin par Hervé Niquet et son Concert Spirituel), puis le Stabat Mater de Pergolèse par le Choeur d’enfants de l’Opéra national de l’Opéra de Paris le lendemain, le chant lyrique a repris ses droits avec un récital de la soprano caribéenne (originaire de Trinité-et-Tobago) Jeanine de Bique. Accompagné du pianiste flamand Aäron Wanjberg, ils ont offert à un public de connaisseurs et de touristes mêlés, mais venu en masse se recueillir sous les voûtes gothiques pour goûter à la pureté du timbre de la soprano star – qui chantera bientôt Donna Anna dans Don Giovanni à Berlin sous la direction de Marc Minkowski. Mais ce soir, elle fait d’abord honneur à la langue de Shakespeare avec, “en tour de chauffe”,  avec des airs baroques anglais de Purcell (« The Blessed Virgin’s Expostulation« , dans une transcription due à Benjamin Britten), et Haendel (“Endless pleasure” extrait de Semele), avant de s’adonner aux volutes du chant italien avec un extrait de Giulio Cesare de Haendel (“Da tempeste”) et l’Alleluia qui couronne le fameux “Exultate, jubilate” né sous la plume de Mozart. 

 

Etendue, souple, franchement projetée jusqu’aux derniers rangs de la mythique chapelle, Jeanine de Bique démontre le piquant et le charisme qui ont fait sa réputation. Avec son timbre brillant, irisé de mille couleurs, moiré dans le médium, et un aigu insolent (le contre-Ut final de l’Exultate !), elle fait fit des plus vocalises les plus ardues et offre un vrai feu d’artifices vocal à un public médusé. Mais en plus de sa sûreté musicale, qui lui permet des nuances subtiles, l’interprète joint l’intelligence du mot, qui lui fait trouver l’expression pertinente, et se couler avec sensibilité dans les sentiments les plus divers.

 

En maîtresse de cérémonie, après avoir présenté chacun des airs retenus pour ce récital (et en s’exprimant tour à tour en anglais et en français pour le public très international de la Sainte Chapelle), Fabienne Conrad nous apprend que la seconde partie du programme sera consacrée à des Songs et Spirituals caribéens et américains, tranchant ainsi avec une première partie plus “classique”. Jeanine De Bique reprend alors le flambeau “didactique”, pour nous parler de ces chants qui lui tiennent à coeur, mais avec une voix parlée pleine de fêlures, car elle annonce à une audience sidérée qu’elle est en fait malade, ce qui ne s’entend absolument pas dès qu’elle chante, l’artiste parvenant à rassembler toutes ses forces pour n’en rien laisser paraître ! 

Sinon, c’est une des marques de fabrique (et ouverture d’esprit) de la cantatrice trinidadaise de sortir du “carcan” du chant lyrique pour s’adonner à son autre passion des “calypsos” de son pays natal et des negro-spirituals qui ont bercé son enfance. La joie ou la mélancolie des premiers (“Rosebud”, “Cutie pak”, “Morena osha”…) se mêlent à des gospels tour à tour déchirants ou débordant de joie (pour l’amour du Christ), retrouvant là un répertoire où sa magnifique santé vocale joue pleinement son rôle, avec une immédiateté jubilatoire, des phrasés réellement sublimes et des vocalises qui rappellent inévitablement la regrettée Jessye Norman. Le brillant de l’accompagnement pianistique d’Aaron Wanjberg contribue à magnifier ces Spirituals, et il sait soutenir sa partenaires, lui donnant un peu d’air quand il le faut, et surtout dérouler sous sa voix un tapis d’un lyrisme magnifique, sincère et non ampoulé, dans tous les styles musicaux abordés par la soprano ce soir. 

 

Bref, avec une telle qualité d’émotion, le premier week-end du Paris Sainte Chapelle Opera Festival ne pouvait démarrer sous de meilleurs auspices !

 

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CRITIQUE, festival. PARIS, Sainte-Chapelle, le 1er avril 2024. JEANINE DE BIQUE (chant), Aaron Wajnberg (piano). Photos (c) Mélanie Florentina.

 

Toutes les infos, le détail des programmes, les modalités de réservations, directement sur le site du Festival : https://www.operafestival.fr/

 

Lire aussi notre présentation du Paris Sainte Chapelle Opera Festival :
https://www.classiquenews.com/paris-sainte-chapelle-opera-festival-28-mars-1er-mai-2024-marina-viotti-michael-spyres-fabienne-conrad-julie-fuchs-alexandre-duhamel-melanie-sierra-jeanine-de-bique-matthieu-justine/

 

VIDEO : Jeanine de Bique interprète l’aria « Rejoice greatly » extrait du « Messiah » de Haendel au BBC Proms de Londres

 

 

 

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