jeudi 10 juillet 2025

CRITIQUE, festival. MONTPELLIER, 40e Festival Radio France Occitanie Montpellier, le 7 juillet 2025. Mahler Chamber Orchestra, Yuja Wang (piano et direction)

A lire aussi
Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Le Festival Radio France Occitanie Montpellier célèbre cette année ses 40 ans avec une programmation audacieuse, mêlant répertoire classique et modernité. Avec le concours artistique de nouveaux talents et de maîtres confirmés, cette édition met à l’honneur l’excellence orchestrale et la créativité. Les concerts se déploient dans des lieux emblématiques comme l’Opéra Berlioz, écrin acoustique parfait pour des formations prestigieuses comme le Mahler Chamber Orchestra, à l’affiche de la deuxième soirée du festival occitan, aux côtés de la virtuose (et sulfureuse !) pianiste chinoise Yuja Wang.

 

Yuja Wang, prodige chinoise au jeu fulgurant, ne se contente pas de conquérir les claviers : elle incarne une star médiatique globale. Ses tenues audacieuses (robes sculpturales signées Armani ou Versace, paillettes et coupes architecturales) font autant parler qu’interprétations. Ce soir, son apparition en robe moulante rouge vif a électrisé la salle avant même qu’elle ne joue. Loin d’être un simple effet, son style affirme une liberté artistique assumée – et rappelle que le spectacle visuel participe à l’émotion musicale. Les critiques la comparent à une « tigresse du piano », alliant élégance sauvage et précision diabolique.

L’ouverture du concert nous plonge dans le néoclassicisme ciselé d’Igor Stravinsky, avec son Octuor pour instruments à vents. Le MCO a livré une interprétation mathématiquement parfaite mais pleine de souffle. Les dialogues entre bassons, trompettes et clarinettes ont dessiné des lignes géométriques sonores, soulignant l’inventivité rythmique du compositeur. Un moment d’abstraction pure, où chaque phrasé respirait la modernité des années 1920. Coup de génie programmatique (?), la pianiste a troqué le matin même le Deuxième Concerto pour piano de Frédéric Chopin contre le Concerto pour piano n°4 (1987) du plus obscure Nikolaï Kapustin, provoquant le mécontentement d’une partie du public à l’annonce du changement de programme par l’animateur de Radio France (le concert était diffusé en direct sur les ondes de Radio France…). L’œuvre du compositeur ukrainien Nikolai Kapustin, fusion explosive de jazz syncopé et de virtuosité classique, a néanmoins eu l’avantage de révéler toute l’étendue du talent de Wang. Son jeu a épousé les accents swings et les cascades de notes avec une aisance déconcertante. La Toccata finale fut un tourbillon de doubles croches où piano et orchestre se sont livrés à une joute rythmique endiablée. Le public, subjugué, a ovationné cette rareté audacieuse.

En seconde partie de soirée, le MCO a su capter l’essence tragique et héroïque de la fameuse ouverture « Coriolan » (1807) de Ludwig van Beethoven. Les cordes sombres et les cuivres menaçants ont campé le drame shakespearien de Coriolan, tandis que les silences tendus scandaient son destin fatal. Une interprétation nerveuse et concentrée, rappelant la puissance narrative de Beethoven. Mais le Clou de la soirée était bien évidemment le Concerto pour piano n°1 en si bémol mineur op. 23 de Piotr Illitch Tchaïkovsky, ouvrage qui l’a rendue mondialement célèbre – après qu’elle ait remplacé au pied levé Martha Argerich dans le même ouvrage, comme l’a d’ailleurs relevé le commentateur de Radio France dans ses propos liminaires au spectacle. Dirigeant elle-même l’orchestre depuis son piano, Yuja Wang a dompté ce monument avec une autorité souveraine. Dès les accords inauguraux du piano, sa puissance a empli la salle. Dans le premier mouvement, son dialogue avec les cors fut d’une tendresse lyrique, avant que la cadence ne fuse comme un éclair. Le deuxième s’est transformée en une rêverie délicatement brodée, où son toucher velouté a évoqué des paysages russes sous la neige. Et dans le troisième, les gammes fuselaient, les octaves tonnaient – l’orchestre et Wang ne formaient plus qu’un torrent sonore !

Juya Wang, rayonnante, a offert trois bis avec une grâce espiègle face à un public conquis, en partie debout : elle a prouvé qu’elle était bien plus qu’une icône de mode : une sorcière du clavier qui métamorphose chaque note en or !

 

 

__________________________________________
CRITIQUE, festival. MONTPELLIER, 40e Festival Radio France Occitanie Montpellier, le 7 juillet 2025. Mahler Chamber Orchestra, Yuja Wang (piano et direction). Crédit photo © Festival Radio France Occitanie Montpellier

 

 

Derniers articles

CRITIQUE, festival. LILLE, « Les Nuits d’été » (Casino Barrière), le 8 juillet 2025. KURT WEILL : Les 7 péchés capitaux. Bella Adamova, Jess Gardolin… Orchestre...

C'est déjà la 4ème édition, la promesse à chaque début d'été d'une nouvelle aventure lyrique à Lille... Présentées à...

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img