samedi 26 avril 2025

CRITIQUE, concert. TOULOUSE. Halle-aux-Grains le 23 mars 2023. Rimski-Korsakov, Raskatov, Chostakovitch: symph 9. Orch Nat Capitole. Ogrintchouk / Sokhiev

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Moins de 8 jours après le concert historique dans cette même salle avec les Wiener Philharmoniker, Tugan Sokhiev récidive dans un nouveau programme entièrement dédié à la musique russe. A n’en pas douter, c’est un acte de foi qui l’anime. Tant blessé par cette guerre, l’ostracisme qui en a suivi vis-à-vis des artistes russes et la menace faite par certain à la culture russe, le chef défend la musique de son pays avec énergie.

 

Retrouvailles pascales à Toulouse
Grand retour de Tugan Sokhiev vers son public avec son ex orchestre

Le concert débute avec La Grande Pâques Russe de Rimski-K. Page colorée, variée et vivante, elle offre un voyage vers la Russie éternelle et dans les couleurs rutilantes de l’orchestre. Tugan Sokhiev confiant et heureux semble « revenir à la maison ». Coté salle également, il y a de la joie et de la nostalgie. Salle bondée comme au bon vieux temps, lorsque le chef nous faisait découvrir sa riche programmation et entraînait l’orchestre sur des voies nouvelles. L’alchimie perdure, voici le 2ème des 3 concerts de la saison que le chef accorde à l’Orchestre du Capitole. La 2ème œuvre est la création française d’une œuvre de 2022. Crée au Concertgebouw d’Amsterdam pour son hautboïste solo, Alexei Ogrintchouk. Le soliste créateur est là ce soir. L’œuvre, très variée, est dédiée à la fuite du temps ; thème oh combien éternel… Ce concerto sonne élégant et clair, il n’y a là rien de révolutionnaire, ni rien de convenu non plus. Par moment, il y a des passages très beaux et très lyriques. L’orchestre est composé avec soins en petit nombre mais savamment utilisé ; les percussions sont subtiles, la harpe surprenante. Le temps passe, l’eau coule et le hautbois tour à tour joyeux ou plaintif, montre toute sa palette expressive dans une virtuosité constamment sollicitée mais sans ostentation. Bien évidemment chacun semble y trouver du plaisir ; Tugan Sokhiev est très attentif, l’orchestre est engagé et le soliste est très impliqué. Le public lui n’est pas conquis dans sa totalité. Les applaudissements fusent devant la performance, il n’y aura pourtant pas de bis du soliste.

Pour la 2ème partie du programme, place à la 9ème de Chostakovitch. C’est une œuvre que Tugan Sokhiev et son orchestre ont déjà jouée en public. Il y a dans ce choix une véritable provocation tant cette partition garde une capacité d’irritation encore chez une partie du public. Alors que Staline et le monde attendaient une œuvre grandiose avec chœur final à la manière d’un hommage à Beethoven, à la fin de la guerre et à la gloire du régime soviétique, Chostakovitch offre une courte œuvre que lui-même qualifiait de « cirque »… Humour grinçant, jubilation féroce et pourtant gracieuse, l’orchestre et le chef s’y lancent avec panache. Les musiciens brillent de mille éclats et Tugan Sokhiev se défoule; il s’engage dans cette lutte contre tous les pouvoirs abusifs. C’est brillant, virtuose, douloureux dans le 2ème mouvement mais au final ce n’est pas vraiment heureux et même un peu frustrant. La dérision est bien l’arme la plus adaptée dans notre monde à la dérive.

Le concert a scellé l’accord entre les musiciens de l’orchestre, Tugan Sokhiev et le public. Ce n’est pas rien cela. Souvenons-nous de la démission fracassante de Tugan Sokhiev il y a juste un an. Nous étions peu nombreux à croire à ce retour possible. L’émotion n’était pas feinte lorsque Tugan Sokhiev a remis le bouquet de fin de carrière à François Laurent, la flûte solo de l’orchestre si aimée du public. Souriant en bord de scène, le grand flûtiste n’avait pas joué ce soir, diminué par la maladie. Et quel subtil hommage du pupitre des flûtes avons-nous entendu ! Cette image en disait long sur le combat actuel sur la retraite, le prix de la vie, la puissance de l’amitié, l’appel à la paix ; surtout le besoin de musique plus que jamais.

 

 

 

 

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CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 23 mars 2023. Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) : La Grande Pâques Russe op.36 ; Alexandre Raskatov (né en 1953) : Time’s River, concerto pour hautbois, création française ; Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°9 en mi bémol majeur op.70 ; Alexei Ogrintchouk, hautbois ; Orchestre National du Capitole ; Tugan Sokhiev, direction. Photo : Romain Alcaraz

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