samedi 24 mai 2025

CRITIQUE, concert. STRASBOURG, Palais de la Musique et des Congrès, le 23 mai 2025. MAHLER : 2ème Symphonie (dite « Résurrection »). Valentina Farcas (soprano), Anna Kissjudit (mezzo), OPS, Aziz Shokhakimov (direction)

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Ce vendredi 23 mai 2025 restera gravé dans les mémoires des mélomanes strasbourgeois ! Sous la direction électrisante d’Aziz Shokhakimov, l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg a offert une interprétation grandiose de la monumentale Deuxième Symphonie (dite « Résurrection ») de Gustav Mahler au Palais de la Musique et des Congrès. Une performance où chaque note, chaque silence, chaque frémissement orchestral a vibré d’une intensité quasi mystique, portée par les solistes Valentina Farcas (soprano) et Anna Kissjudit (mezzo-soprano), ainsi que par les Chœurs réunis de l’Opéra National du Rhin et du Chœur Philharmonique de Strasbourg.

 

Aziz Shokhakimov, dont le contrat vient d’être prolongé à Strasbourg, a confirmé son statut de magicien des partitions colossales. Connu pour sa précision chirurgicale et son énergie contagieuse, il a sculpté les cinq mouvements de la Symphonie avec une maîtrise rare. Son approche, alliant rigueur des répétitions et spontanéité sur scène, a permis à l’orchestre de déployer une palette sonore allant des murmures les plus délicats aux fracas apocalyptiques. Les cuivres, d’une puissance héroïque, dialoguaient avec les cordes enveloppantes, tandis que les bois apportaient une poésie troublante, notamment dans le troisième mouvement (« In ruhig fließender Bewegung »), où les soli de hautbois et de clarinette ont évoqué une nostalgie spectralement belle.

L’entrée de Valentina Farcas dans l’ »Urlicht » (quatrième mouvement) a suspendu le temps. Sa voix cristalline, d’une pureté angélique, a apporté une lumière surnaturelle, contrastant avec la profondeur chaude et envoûtante de Anna Kissjudit, dont le timbre semblait émerger des abîmes pour appeler à la rédemption. Le Finale (« Im Tempo des Scherzos »), avec l’explosion des chœurs, a été un moment d’extase collective. Les Chœurs de l’Opéra National du Rhin et le Chœur Philharmonique de Strasbourg, préparés par Hendrik Haas, ont déployé une puissance tellurique, murmurant les textes de Klopstock et Mahler avec une ferveur quasi religieuse avant de culminer dans un « Aufersteh’n » (« Résurrection ») à couper le souffle. La Salle Érasme, réputée pour son acoustique claire et puissante, a magnifié l’œuvre. Les nuances les plus subtiles — un pizzicato des contrebasses, un frisson de harpe — résonnaient avec une netteté prodigieuse, tandis que les climax orchestraux, comme la fanfare finale, embrasaient l’espace d’une vibration cosmique. Le public, subjugué, a retenu son souffle pendant les silences tendus avant d’éclater en ovations interminables !…

Dans un entretien récent, Shokhakimov confiait son amour pour Mahler, soulignant la « dimension philosophique » de sa musique. Cette affinité s’est traduite par une lecture à la fois architecturale et émotionnelle de la partition. Le premier mouvement (Allegro maestoso), funèbre et tourmenté, gagnait en tension dramatique grâce à des contrastes dynamiques audacieux. Le deuxième mouvement (Andante moderato), souvent interprété comme une évasion lyrique, prenait ici des accents dansants, presque ironiques, rappelant que Shokhakimov est aussi un virtuose de Stravinsky.

Cette exécution n’était pas qu’un concert — c’était un voyage métaphysique. Entre les frémissements initiaux de la mort et l’éclat triomphal de la renaissance, Shokhakimov et ses musiciens ont transcendé la partition pour toucher à l’universel. Les solistes, les chœurs et l’orchestre, unis dans une même ferveur, ont offert une expérience qui, à l’image de l’œuvre elle-même, oscillait entre désespoir terrestre et espérance céleste.

 

 

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CRITIQUE, concert. STRASBOURG, Palais de la Musique et des Congrès, le 23 mai 2025. MAHLER : 2ème Symphonie (dite « Résurrection »). Valentina Farcas (soprano), Anna Kissjudit (mezzo), OPS, Aziz Shokhakimov (direction). Crédit photographique © Grégory Massat

 

 

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