vendredi 6 juin 2025

CRITIQUE, festival. SIX-FOURS-LES-PLAGES (« La Vague classique), Maison du Cygne, le 3 juin 2025. BRAHMS / SCHUMANN / MOUSSORGSKI. Benjamin Grosvenor (piano)

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Guillaume Berthon
Guillaume Berthon
Enseignant-chercheur en littérature, Guillaume Berthon est aussi un insatiable mélomane. Les billets qu'il écrit pour ClassiqueNews.com n'ont pas d'autre prétention que celle de partager son goût pour la musique, l'interprétation et les interprètes, en toute subjectivité.

En donnant la possibilité d’écouter en quelques semaines une brillante galerie de pianistes (Yulianna Avdeeva, Bertrand Chamayou, Lucas Debargue, Benjamin Grosvenor, et, en formation de musique de chambre, Guillaume Bellom, David Fray, David Kadouch, Célia Oneto-Bensaid), le florissant festival « La Vague classique » de Six-Fours (Var) semble peu à peu se rêver en petite Roque d’Anthéron sur mer. Le cadre principal de ces concerts (qui mélangent pour l’essentiel récitals de piano, concerts de musique de chambre et quelques récitals de chant) est celui de la Maison du Cygne, belle bâtisse du début du XXe siècle immergée dans le parc de la Coudoulière, au milieu des pins et des chênes méditerranéens, entourée d’un superbe jardin paysager. La scène est installée en plein air, entre la façade de la maison et un délicat bassin qui rappelle encore, toute proportion gardée, celui sur lequel est aménagée la scène du festival de La Roque d’Anthéron. Disposé en amphithéâtre (sans gradins) sous les pins, le public profite du concert dans un écrin très intime.

 

La première partie du récital du 3 juin, celui du pianiste britannique Benjamin Grosvenor, a lieu sous la douce lumière d’une journée de printemps finissante. Vêtu d’un impeccable smoking, le jeune homme qui n’a pas encore trente-trois ans ouvre son récital par la poésie douce-amère des Intermezzi opus 117 de Brahms, naguère enregistrés pour Decca. L’expérience d’écoute en plein air varie sensiblement : le pianiste est obligé de composer avec les bruits de la nature, le chant des oiseaux et une réverbération plus faible que dans le studio d’enregistrement. En ressort un Brahms décanté de vieil ermite élégant, à moitié misanthrope, à moitié amoureux. D’un toucher de haute lisse, avare de pédale, comme pour mieux écouter, Benjamin Grosvenor goûte une à une les harmonies racées du vieux compositeur, comme autant de fruits rares dont le nombre serait compté. Magnifique entrée en matière !

 

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NDLR : le dernier cd du pianiste BENJAMIN GROSVENOR a obtenu le CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2025 – mai 2025 / Récital CHOPIN : Sonates n°2 et n°3, Nocturnes opus 55 (1 cd DECCA classics) – LIRE ici notre critique complète : https://www.classiquenews.com/critique-cd-chopin-par-benjamin-grosvenor-sonates-n2-et-n3-nocturnes-opus-55-n15-et-16-1-cd-decca-classics-2024/

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Suit la grande Fantaisie de Schumann. Dans le premier mouvement, le pianiste évite toute précipitation, creusant les sonorités et les ruptures, comme si la douleur brisait tous les élans. L’énergie conquérante est réservée au redoutable second mouvement, virtuose et étincelant dans lequel Benjamin Grosvenor lève le voile sur les moyens impressionnants qui sont les siens, sans aucune ostentation toutefois. Le troisième mouvement déploie alors sa sublime cantilène, renouant avec l’idéal du début de récital : celui d’une musique pure, qui émanerait d’un philosophe revenu de tout.

Après l’entracte, alors que s’amorce la seconde partie du concert, la nuit est tombée, les oiseaux se sont tus et les chants des grenouilles ont pris le relais. L’atmosphère est propice à la fantasmagorie des Tableaux d’une exposition ainsi qu’au « pianisme » parfois déconcertant de Moussorgski, a fortiori lorsque la sérénade grimaçante des batraciens se superpose aux lugubres résonances des « Catacombes » ! Benjamin Grosvenor y est partout admirable, dans l’inquiétante étrangeté de « Gnomus » (qui semble de la même famille que Scarbo) ou de la « Cabane sur des pattes de poule », dans l’espièglerie de « Tuileries » parfaitement ciselées, dans la pesanteur désespérée de « Bydlo » ou la mélodie désenchantée du « Vecchio castello » qui se décompose peu à peu. Monumentale, la « Grande porte de Kiev » donne toute la mesure de la puissance du pianiste, qui sait ne jamais être brutal en trouvant un son d’orgues.

Chaleureusement acclamé par le public, le pianiste offre sans se faire prier trois superbes bis, qui montrent les ressources dont il dispose encore à l’issue d’un long récital. Les Jeux d’eau de Ravel d’abord, irisés comme jamais et libres comme l’eau ; une phénoménale Toccata de Prokofiev ensuite, obstinée et implacable comme il se doit ; enfin, le célèbre Prélude en si mineur de Bach revu par Siloti, d’une douceur mélancolique et étreignante. Quel artiste !

 

 

 

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CRITIQUE, récital de piano. SIX-FOURS-LES-PLAGES, Maison du Cygne, le 3 juin 2025. BRAHMS, SCHUMANN, MOUSSORGSKI. Benjamin Grosvenor. Photos © Sixfoursvagueclassique2025

 

 

VIDÉO : Benjamin Grosvenor interprète le Finale de la 3ème Sonate de Chopin

 

 

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