samedi 28 juin 2025

CRITIQUE, concert. METZ, Cité musicale, le 27 juin 2025. MAHLER : Troisième Symphonie. Orchestre National de Metz Grand-Est, Orchestre National de Mulhouse, David Reiland (direction)

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Quel souffle prométhéen ! Quel torrent sonore ! L’exécution – hier soir à la Cité Musicale de Metz – de la Troisième Symphonie de Gustav Mahler sous la direction électrisante de David Reiland restera gravée dans les annales de la maison lorraine. Réunissant exceptionnellement les forces des Orchestres Nationaux de Metz Grand Est et de Mulhouse, l’événement était titanesque à l’image de l’œuvre elle-même – 1h50 d’un voyage cosmique et tellurique. Le résultat ? Une fusion réussie, une synergie éblouissante, et une intensité qui a soulevé la salle entière, avec plus de 10 minutes de rappels !


Dès les premières mesures du fracassant premier mouvement (« Kräftig. Entschieden« ), Reiland a imposé sa vision : une énergie foudroyante, mais aussi une clarté texturale remarquable dans ce déferlement orchestral. Il a magistralement sculpté les contrastes titanesques entre les cuivres guerriers, les cordes déchaînées et les moments de suspension quasi mystiques. Sa battue, précise et incroyablement communicative, a tenu l’immense appareil (orchestre + chœurs + soliste) d’une main de fer tout en laissant s’exprimer la poésie la plus fragile. Un véritable exploit de direction.


La fusion des Orchestres Nationaux de Metz Grand Est et de Mulhouse a révélé une richesse et une puissance inouïes. Les cordes, unifiées et profondes, ont déployé un tapis sonore luxuriant, des grondements les plus bas aux envolées les plus éthérées. Les cuivres, massifs mais jamais écrasants, ont rayonné avec une splendeur héroïque (trompettes étincelantes, trombones d’airain) et une douceur surprenante (les cors dans l’Adagio final, à couper le souffle). Les bois, véritables peintres de l’âme, ont été constamment sublimes : Le trombone solo (dans le 1er mouvement) de Loris Martinez alliait l’éloquence, la majesté et la profondeur déchirante propres à ce solo fondateur :une voix venue des abîmes, affirmant la puissance de la vie. Le Hautbois de Pauline Cambournac et le Cor de Julien Meriglier (3ème mouvement) ont offert des dialogues champêtres, espiègles et nostalgiques, d’une finesse et d’une poésie exquises. Le cor anglais a particulièrement touché par sa mélancolie douce. La flûte de Nora Hamouma et la clarinette de Florent Charpentier (2ème mouvement « Tempo di Menuetto« ) ont distillé luminosité, grâce et une légèreté presque aérienne, contrastant magnifiquement avec les épisodes plus sombres. La trompette postée (3ème mouvement) de Xavier Ménard, dans sa lointaine évocation, comme un appel perdu dans la nuit, a été jouée avec une justesse de ton et une expressivité parfaite, créant une magie immédiate. Et le violon solo de Nicolas Alvarez (dans le 6ème mouvement, Adagio) fut d’’une pureté céleste et d’une tendresse infinie, guidant l’orchestre vers l’apothéose finale avec une émotion palpable. 

La mezzo-soprano québécoise Michèle Losier a investi le quatrième mouvement (« O Mensch! Gib Acht!« ) avec une présence dramatique et une profondeur émotionnelle rares. Sa voix, d’un timbre riche et velouté, aux graves magnétiques, a épousé chaque nuance du texte de Nietzsche. Le « O Mensch! » initial, lancé comme un avertissement sombre et solennel, puis l’envolée mystique du « Blicke nicht auf die Leiden der Welt » étaient d’une intensité bouleversante. Un moment de pure transcendance.


La combinaison du Chœur Philharmonique de Strasbourg, du Chœur de Haute-Alsace et du Chœur d’enfants du CRR Gabriel Pierné de Metz, préparés avec soin par Catherine Bolzinger, a été un pur enchantement. Le cinquième mouvement (« Es sungen drei Engel ») a littéralement irradié de joie. La clarté, la précision rythmique et la fraîcheur juvénile des chœurs d’enfants apportaient une lumière céleste. Le dialogue joyeux entre eux et les femmes des chœurs adultes (« Bimm, Bamm ») était d’une énergie communicative et d’une pureté sonore envoûtante. L’équilibre et la lisibilité des textes étaient remarquables. Leur intégration subtile et puissante dans le finale apothéotique ajoutait une dimension quasi cosmique à la glorification de l’amour. Catherine Bolzinger mérite des applaudissements nourris pour la préparation impeccable, la cohésion et la beauté sonore déployées par ces masses chorales impressionnantes.


Les vingt dernières minutes ont transcendé le concert. David Reiland a mené l’Adagio avec une lenteur sacrée, une respiration ample, laissant chaque phrase des cordes (d’une chaleur et d’une plénitude enivrantes) et des cuivres (d’une noblesse irradiante) s’épanouir pleinement. L’accumulation vers la culmination finale, puis la dissolution dans une paix sereine, ont provoqué un silence religieux dans la salle avant une explosion d’acclamations méritées, debout, interminables. Bravissimi !!

Chapeau bas à tous les artistes et bon vent pour la réplique ce soir samedi 28 juin à La Filature de Mulhouse ! Que la même vague sonore, porteuse de cette joie profonde et de cette puissance vitale, traverse l’Alsace-Lorraine !…

 

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CRITIQUE, concert. METZ, Cité musicale, le 27 juin 2025. MAHLER : Troisième Symphonie. Orchestre National de Metz Grand-Est, Orchestre National de Mulhouse, David Reiland (direction). Crédit photo (c) Emmanuel Andrieu

 

 

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