Dans les légendes ancestrales de toutes les cultures la Terre est à la fois la mère d’un tout en mutation et la constante fertilité de toute richesse civilisatrice. Qu’elle soit la puissance assoiffée de chair et de sang Tlaltecuhtli des Mexicas ou la profonde Erda des peuples germaniques, la terre n’a pas une seule langue, elle s’exprime dans l’épanouissement des frondaisons et la régénération des vies diverses. Dans une époque où la terre a ses chantres engagés dans la préservation de son équilibre, il était naturel que la musique de création, voix du XXIème siècle chante la terre, ses bienfaits et célèbre nos liens immémoriaux.
« Il y avait un jardin qu’on appelait la terre, il brillait au soleil comme un fruit défendu » – Georges Moustaki
Laurent Cuniot que l’on connaît comme un excellent chef d’orchestre et directeur artistique de l’ensemble TM+, est aussi un prolifique compositeur. L’écriture de Laurent Cuniot saisit l’auditrice et l’auditeur avec des contrastes inusités dans la musique de création. On sent la présence de son esprit curieux par l’utilisation des rythmes ou des percussions de différentes cultures. Sans aucun doute, Laurent Cuniot, par son esprit curieux et sa connaissance encyclopédique des expressions musicales du monde, est un des rares compositeurs à pouvoir chanter notre terre dans toutes ses nuances.
Ce nouveau Chant de la Terre est un pendant contemporain au monumental ‘ »Das Lied von der Erde » de Gustav Mahler. Suite à une commande de Bruno Mantovani pour Le Printemps des Arts de Monte-Carlo, Laurent Cuniot reprend les vers de Hans Bethge dans une traduction française et compose une version aux couleurs bigarrés à l’image de notre « belle bleue ». Le résultat est une partition d’une richesse extraordinaire dans un lyrisme empreint de dissonances. On a plaisir à voyager dans la musique de Laurent Cuniot et s’emparer de chaque émotion suscitée par les vers qui évoquent le calme printanier, la ronde bachique ou les mystères d’une cérémonie secrète.
Le ténor Benjamin Alunni, annoncé souffrant, a tout de même réussi à nous émerveiller avec une interprétation habitée et très précise. La mezzo-soprano Pauline Sikirdji nous ravit avec un timbre riche et d’une grande souplesse idiomatique qui servent la partition de Laurent Cuniot à merveille. Les musiciennes et musiciens de l’Ensemble TM+, à la précision sans faille, offrent un sens du phrasé qui fait ressortir les belles floraisons de cette magnifique partition. Mentionnons en particulier le fantastique percutionniste Pierre Tomassi qui dessine habilement l’horizon rythmique de l’écriture de Laurent Cuniot et nous convie à la danse mystique de ce chant ancestral.
Laurent Cuniot convie alors l’esprit de Mahler à une nouvelle danse. Dans le cœur battant de sa musique on sent le cours du sang fébrile de notre mère terrestre. Le jardin des délices des Bosch ou Moustaki réveille ce désir du fruit défendu que Laurent Cuniot a invoqué dans ce Chant de la Terre où seule la contemplation peut nous connecter définitivement avec l’esprit maternel que notre temps de bitume et de feu nous empêche d’entendre.
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CRITIQUE, concert. MASSY, Opéra de Massy, le 4 avril 2024. CUNIOT : Le Chant de la Terre. B. Alunni, P. Sikirdji, Ensemble TM+, Laurent Cuniot (direction). Photo (c) Alice Blangerot.
Lire aussi notre présentation du Chant de la terre de Laurent Cuniot :
https://www.classiquenews.com/opera-de-massy-mahler-laurent-cuniot-le-chant-de-la-terre-jeudi-4-avril-2024-tm/
Lire aussi notre interview de Laurent Cuniot :
https://www.classiquenews.com/entretien-avec-laurent-cuniot-a-propos-de-son-chant-de-la-terre-dapres-gustav-mahler-presente-en-creation-mondiale-a-lopera-de-massy/
VIDEO : Laurent Cuniot raconte « son » Chant de la Terre à l’occasion de sa création mondiale au Printemps des Arts de Monte-Carlo (avril 2014)
