samedi 12 octobre 2024

CRITIQUE, concert. LYON, Concert d’ouverture de la saison 24/25 de l’Auditorium-Orchestre National de Lyon, le 12 septembre 2024. ONL / Sergey Khatchatryan (violon), Nikolaj Szeps-Znaider (direction).

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

C’est dans une salle pleine à craquer qu’a eu lieu le concert d’ouverture de la saison 24/25 de l’Auditorium-Orchestre national de Lyon – que nous avons récemment présenté dans ces colonnes -, et qui s’est achevé dans un véritable triomphe pour la phalange lyonnaise et son chef, le danois Nikolaj Szeps-Znaider (pour sa 4ème saison in loco). Et pour ce concert d’ouverture, Nicolas Droin, le directeur général de l’institution lyonnaise, et Laurent Joyeux, son conseiller artistique, ont eu la bonne idée d’inviter l’un des (si ce n’est le…) violonistes les plus enthousiasmants du moment : l’arménien Sergey Khatchatryan !

 

 

Intitulée “Rêveries d’été”, la soirée ne pouvait débuter que par la fameuse ouverture mendelssohnienne “Le Songe d’une nuit d’été » auquel la preste phalange lyonnaise, nullement rouillée par les vacances estivales, fait un sort, le chef-violoniste mêlant ici avec un même bonheur, contrastes et nuances, lyrisme et drame, dans un phrasé très descriptif. Puis arrive notre violoniste préféré, le magicien-poète Sergey Khatchatryan, pour une exécution du redoutable Concerto pour violon de Jean Sibelius. A peine arrivé au milieu du vaste plateau de l’auditorium lyonnais, le svelte et fringant violoniste empoigne son instrument. La musique de Sibelius naît alors doucement du silence, et le violon se pose sur le trémolo à peine perceptible des cordes. Le charme opère aussitôt. D’une pureté de trait exemplaire, quasi immatériel à force de finesse, ce violon ne force jamais nuances ou phrasés. Le son est somptueux, mais tenu dans les bornes strictes d’un classicisme mesuré, introspectif ; les deux premiers mouvements, pris dans des tempi très modérés, se transforment ainsi en méditation vibrante et fervente. Le musicien prend le temps de faire chanter chaque phrase sans jamais solliciter le texte qui s’écoule avec naturel, et les plus extrêmes difficultés semblent presque expédiées du bout de l’archet. Entièrement tourné vers la musique qu’il interprète, le jeune violoniste n’a rien de l’esbrouffe dont certains de ses collègues s’embarrassent parfois, et cette approche toute de discrétion demande sans doute un effort de la part de l’auditeur, comme si Khachatryan nous invitait à le suivre mais sans nous forcer à l’écouter. La rigueur et l’équilibre de la direction très attentive de Nikolaj Szeps-Znaider se marient parfaitement à cette approche mesurée et sensible, sincère et attachante. En bis, après deux tentatives infructueuses de s’y coller – suite à l’incapacité d’un indélicat spectateur à éteindre la sonnerie de son téléphone portable… -, Sergey Khatchatryan annonce non sans humour un “second bis”, celui qu’il interprète habituellement pour le plus grand bonheur du public, et celui de nos charges lacrymales, en l’occurrence une mélodie du Xe siècle du moine arménien Grégoire de Narek, où toute l’âme et les souffrances du peuple arménien semblent condensées. Après un long silence qui en dit long sur l’état d’émotion du public lyonnais (certains spectateurs pleuraient…), c’est un triomphe qui lui ait fait de la part d’une assistance particulièrement jeune et chaleureuse.

Il fallait bien un entracte pour se remettre de ses émotions, et c’est avec la rare Première symphonie (dite “Rêves d’hiver”, et dans sa version révisée de 1874) de Piotr Ilitch Tchaïkovsky que se poursuit la soirée. Le chef danois propose une version plutôt dépouillée et sobre de cet ouvrage, où se mêlent mélancolie et pittoresque, et l’on apprécie la force évocatrice à laquelle parvient l‘Orchestre National de Lyon, suscitant une atmosphère de voyage en traîneau sur une piste enneigée. Le deuxième mouvement (Adagio cantabile ma non tanto), intitulé « Contrée lugubre, contrée brumeuse », est particulièrement enthousiasmant. Avec beaucoup de naturel, Szeps-Znaider maintient au sein de son orchestre un équilibre qui va faire toute la beauté de certaines pages, comme la reprise du thème par les violoncelles. Les contre-chants que font alors entendre les vents s’intègrent idéalement à la mélodie principale, dévoilant la richesse de la partition. Le climax est atteint quelques instants plus tard lors de la réexposition par les cors, dont la sonnerie péremptoire produit tout son effet sur le public, qui renouvelle le triomphe manifesté en fin de première partie. C’est ce qu’on appelle un début de saison placé sous les meilleurs auspices !

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CRITIQUE, concert. LYON, Concert d’ouverture de la saison 24/25 de l’Auditorium-Orchestre National de Lyon, le 12 septembre 2024. ONL / Sergey Khatchatryan (violon), Nikoaj Szeps-Znaider (direction). Photos (c) Emmanuel Andrieu.

 

VIDEO : Sergey Khatchatryan interprète le Concerto pour violon de Sibelius (avec l’OPMC dirigé par Kazuki Yamada)

 

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