samedi 20 avril 2024

CRITIQUE CD événement. CORELLI – MELANI : Trionfo Romano (1 cd Château de Versailles spectacles – juin 2021)

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique et à l’opéra - et notamment avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

CRITIQUE CD événement. CORELLI – MELANI : Trionfo Romano (1 cd Château de Versailles spectacles – juin 2021) – La couverture indique le prestige de la Cour de France à Rome tel qu’elle fut honorée en grande pompe et splendeur musicale, à Rome, en 1686, alors que le jeune monarque solaire venait de s’installer à Versailles… A travers cette évocation monarchique, Emmanuel Resche-Caserta célèbre aussi le génie de Corelli (mort sexagénaire en 1713) qui aura écrit et conçu la musique romaine telle que la rêvait les patriciens de la Ville Eternelle, la Reine Christine en tête… Le violoniste a dirigé alors nombre de concerts en plein air, Piazza di Spagna (dont celui gravé par Schor) ; l’un d’eux honore Louis XIV (12 mai 1686). C’est cette fête musicale et pyrotechnique en plein air qu’évoque le programme, présenté à Versailles en juin 2021 (Péristyle du grand Trianon) puis enregistré dans la foulée.

 

Quand Corelli célèbre le Roi-Soleil

 

Les oeuvres sélectionnées sont les fameux sinfonie, concerts de violons avec « trombe » et « tymbales », à la fois éclatants et raffinés que Corelli assemble pour l’édition de 1714, soit 30 ans plus tard, entre autres pour son Opus VI, sommet de sa créativité. Le corpus ainsi constitué réunit en un tout homogène, plusieurs séquences dont le style s’accorde à la sinfonia de Santa Beatrice d’Este, oratorio de Corelli de 1689, unique témoin de la pratique des Concerto Grossi corelliens propres aux années 1680 (la sinfonia d’ouverture avec trombe / trompettes est issue de l’oratorio). Emmanuel Resche-Caserta ajoute la Sonate X opus I (1681), avec partie d’alto (signée Geminiani) et celle de l’Opus II (1685).
Au programme de cette fête romaine, est mentionnée aussi la Cantate pour le Roi de France (Cantata per la sera / Cantate pour le soir, con sinfonie) reconstituée, car si le livret est parvenu, la musique manquait. Emmanuel Resche-Caserta s’appuie sur la similitude entre le premier récit de la dite cantate et celui de la Cantate « Qual Mormorio giocondo » de Alessandro Melani lequel, proche alors du milieu français de Rome (il était compositeur à Saint-Louis des Français : « musicae praefecto ») était mentionné comme participant à la fête de 1686.

Les interprètes soignent chaque climat de chaque sinfonie, traitées comme autant de paysages sonores, préparant la cantate qui va suivre, prolongeant sa construction harmonique. Le geste du violoniste E. Resche-Caserta exprime le sentiment de grandeur comme l’espérance et l’exaltation que suscite l’acte collectif qui honore ainsi le souverain de France. Judicieux aussi, le choix de la soprano Emmanuelle de Negri : le timbre lumineux, le soin de la diction, la flexibilité de la ligne fusionnent idéalement le caractère solennel comme l’intimisme d’une prière individuelle ; la soliste y prend à témoin le public, évoquant une nature enfin maîtrisée, toute à l’écoute d’une célébration qui réunit ainsi « la Seine et le Tibre » pour la plus grande gloire de Louis.
La vitalité du concertino (trio composé de 2 violons et de la basse continue dans les Concertos grossi), l’assise rythmique et la sonorité fluide et bondissante du ripieno – grand effectif qui lui répond en un dialogue des plus animés, concourent à la réussite de cette recréation certes festive, mais jamais creuse.

L’ajout de clavecins aux côtés des archiluths attestés, nourrit l’éclat sonore du continuo ; tandis que la caractérisation du concertino et du concerto grosso gagne en acuité grâce à l’usage respectivement du violoncello (plus virtuose) et des « bassi » ou basses de violons. Les trompettes (intégrées aux sinfonie de cordes) comme les timbales évoquent l’éclat de la fête de 1686. Ainsi l’Opus VI de Corelli brille d’une sonorité régénérée, particulièrement expressive, accordée aux dimensions spectaculaires des cérémonies musicales en plein air place di Spagna, telles qu’elle sont peintes alors, véritables emblèmes des fastes de la Rome Baroque du dernier Seicento. Emmanuel Resche-Caserta met en parallèle Corelli et … Bernin, dont l’emphase et l’invention formelle offre ainsi de nouvelles perspectives à l’esthétique corellienne. On adhère.

 

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CRITIQUE CD. CORELLI – MELANI : Trionfo Romano (1 cd Château de Versailles spectacles – juin 2021)

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