vendredi 29 mars 2024

Concert du 60e anniversaire de la Société de Musique de Chambre, (SMC) Lyon. Mercredi 18 mars 2009

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60e anniversaire
de la
Société de Musique de Chambre


Lyon. Mercredi 18 mars 2009

Mozart, Franck, Debussy, Chostakovitch, Antignani
Par les Quatuors Debussy et Varèse, et le pianiste François Dumont

La Société de Musique de Chambre Lyonnaise a 60 ans : cette institution au rôle indispensable dans la vie musicale de la Cité et à l’histoire jalonnée d’invitations prestigieuses s’adapte aux temps actuels, et en renouvelant ses modes d’activité, veut fêter tout cela par un concert d’exception. Le Quatuor Debussy (et leurs élèves du très jeune Varèse), le pianiste François Dumont interprètent classique, romantique, moderne et contemporain.


Peter, Benjamin, Clara et tant d’autres




Si on n’est pas sérieux quand on a 17 ans, – selon Rimbaud -, que dire de l’heure grave qui sonne pour un 60e anniversaire ? Et puisque le début de ce qu’on appelle 3e âge est « remonté » dans la chronologie de tout un chacun, il semble que désormais à 60 ans on ne soit pas « encore » vieille dame ou vieux monsieur. Comment se sent donc la SMC, l’honorable et si lyonnaise Société de Musique de Chambre ? Sûrement en forme, et en état de continuer sa mission définie à la fin des années 40 par le Directeur du Conservatoire et si musicien, homme du monde et du cœur, Ennemond Trillat : « permettre au public d’entendre in vivo les artistes majeurs qui marquent de leur personnalité un répertoire immense et les chefs-œuvre éternels ». Et quand, grâce aux célébrations de ce 60e, on feuillette l’album de famille, on est tout de même un peu estomaqué d’apprendre qu’en 1955, la kitsch-Salle Molière vit passer Clara Haskil, Gérard Souzay et le Quatuor Amadeus, en 56: les Musici, l’orchestre de chambre Hewitt, le Quatuor Vegh et Lili Kraus, en 57: Peter Pears et Benjamin Britten (photo ci-contre), en 58 le Quatuor Parrenin, Christian Ferras et Pierre Barbizet, en 59 Vlado Perlemuter, Karl Ristenpart… Et si on est assez…âgé pour avoir lu très tôt avec ardeur le Maître-livre de Jean-Victor Hocquard sur La Pensée de Mozart, on retrouve dans ces années le nom de deux cantatrices venues chanter des lieder, Teresa Stich-Randall et surtout Irmgard Seefried, dont le musicologue-philosophe français avouait en pleine page qu’il était mozartiennement l’amoureux transi, par delà les Alpes.


No star-system, and in progress




Bref, « tout un monde lointain »… où la mémoire étudiante demeure tout de même d’avoir entendu à la SMC quelques murmures et sifflets saluant un Quatuor de… Bartok : nul n’est parfait, même si la distance adoucit, voire attendrit, les mœurs musicales, et en gomme les aspérités. Comme l’écrit le Président actuel, Pierre Baltassat, à la SMC « on n’a jamais cédé à la facilité du star-system…(Mais en général) on sait le public par nature assez frileux et traditionnaliste, plutôt réticent vis-à-vis d’œuvres, contemporaines ou jugées trop difficiles d’accès. » Fautes confessées au nom des collectivités responsables, fautes à demi-pardonnées, surtout si cela s’inscrit dans une perspective d’inlassable pédagogie « in progress » ! Il est vrai qu’il faut aussi faire coexister non seulement générations mais modes d’approche de la musique dans un public où abondent les « mélomanes avertis, souvent instrumentistes amateurs eux-mêmes, connaissant bien le répertoire – certains étant fidèles depuis plusieurs décennies – côtoyant des auditeurs à qui cette musique est moins familière ». Un « public qui ne serait pas ce qu’il est sans la présence permanente des jeunes, en nombre considérable dans les conservatoires et les écoles de musique, et qui sont l’avenir ». Et certes on n’est parfois pas sans ressentir un fossé de comportement ou de non-dit entre une certaine conception à l’ancienne, parfois un rien affleurante, qui aurait – si on la poussait à sincérité – le sentiment fort sociologique de détenir la vérité du goût appuyée sur la « propriété » de fondation, et une manière plus moderniste, qui n’en a rien à faire du droit d’aînesse et d’élite. Force est bien aussi de constater qu’après les 40 Glorieuses, à la fin desquelles (1991) le nombre d’abonnés atteignait les 700 – ce qui explique le redoublement, mardi et mercredi, des concerts, jusqu’à une date récente -, une époque de moindre « facilité » est venue. C’est aussi l’évident mérite des actuels Mentor (s) – selon la mythologie transcrite par Fénelon : «Minerve se masquant en guide du jeune Télémaque » : ici c’est normal de la jouer culture ancienne, non ? -, Pierre Baltassat, et Eric Desnoues ( Producteur Délégué, à qui la Société confie désormais sa politique de communication et de mise en œuvre), de mieux adapter la SMC aux temps modernes et aux différents aspects de la crise que connait la musique classique dans sa diffusion.


Le rôle éminent des Debussy




En tout cas, il n’y a aucune raison de ne pas faire la fête en mars 2009, et les groupes réunis sur scène pourront chanter le « happy birthday to you, SMC ! » sans arrière-pensée morose. D’autant que le programme musical et les interprètes choisis sont parfaitement représentatifs du changement dans la continuité qui guidera les saisons à venir. Du côté des ensembles, invitation a été faite au plus lyonnais des Quatuors de stature internationale : les Debussy, fondés entre Rhône et Saône il y aura bientôt 20 ans et nommés Grand Prix à Evian en 1993, Victoires de la Musique en 1996. Ils ont une véritable action de groupe culturel, et ne se contentent pas d’être à un niveau de jeu internationalement reconnu – ce qui pourtant serait déjà beaucoup ! -, car ils s’investissent dans une pédagogie permanente et inventive (avec les écoles et les conservatoires), dans un lien de spectacle vivant avec la danse, le théâtre et la littérature, dans des formules complexes d’intervention autonome sur le terrain (leur festival ardéchois de Cordes en ballade). Ils font autorité particulière dans le domaine de la musique française ( évidemment sans nationalisme idéologique), et se sont consacrés au patrimoine des compositeurs injustement délaissés comme E.Bonnal ou G.M.Witkovski, l’ardent ex-officier polonais qui a composé entre le Lac Paladru et Lyon une œuvre dans la tradition franckiste et digne de mémoire (voir leurs disques chez ARION). Mais les grands Etrangers ont été visités par eux, ce dont témoignent leurs intégrales en concert de Bartok , et plus encore de Webern et de Chostakovitch (au disque, ARION). Les Debussy – dont les deux membres fondateurs, Christophe Collette et Vincent Deprecq, ont été rejoints par Alain Brunier puis Dorian Lamotte – sont en quelque sorte passés dans la catégorie des (jeunes) aînés, et ils se préoccupent de la transmission du savoir, une activité dont témoigne – au niveau de la manifestation en concert, notamment en stages« ardéchois » d’été – la présence de quelques ensembles chambristes en (haute) formation. C’est ainsi que symboliquement et concrètement, le concert-anniversaire verra joindre à eux un très jeune Quatuor Varèse, leurs anciens et toujours conseillés élèves (F.Galichet, J.L.Constant, M.Duchesne, T.Ravez), qui joueront un Mozart de jeunesse (K.172, les Quatuors Viennois), et à 8, avec leurs maîtres, l’ Octuor de Chostakovitch.


Ne fallait-il pas exécuter Varèse ?




« Tout seuls » et à cordes, les Debussy interpréteront – c’est naturel ! – l’Unique quatuor de Claude-Achille (alias Monsieur Croche), puis une partition commandée par la SMC. au jeune Italien Luca Antignani. Car, comme l’écrit Pierre Baltassat, « la SMC, sans outrance, a toujours fait une place aux œuvres des contemporains, et a constamment tenu à faire entendre des œuvres essentielles, difficiles ou non : Jolivet, Dutilleux, Ligeti, Kurtag, Goubaidulina, Hersant, Jolas, sans oublier la mise en perspective du Livre pour quatuor de Boulez. » L.Antignani – 33 ans – a étudié dans son pays à Milan et Rome, en France à Paris (IRCAM), et il a été présent du côté d’Acanthes, du Festival Berio de Rome, de la Biennale de Venise, de France-Culture et Musique, des Festivals européens tel Musica de Strasbourg. Titulaire de nombreux Prix internationaux, il est aussi musicologue, et enseignant à Reggio (Italie) mais aussi au CNSM de Lyon (où l’on retrouve ses « pairs (pères spirituels) », les Debussy – qui furent élèves au bord de Saône -), sans oublier sa résidence de compositeur (conservatoires d’Annecy et Chambéry, et Centre des Musiques Inventives d’Annecy (M.I.A).Les Debussy seront accompagnés, dans ce généreux programme, du jeune pianiste – déjà fort prestigieux – François Dumont (au disque, les sonates piano-violon de Beethoven, avec S.Tran-Ngoc ; et avec le Trio Elégiaque, Messiaen et Dusapin, TRITON), pour le capital Quintette de César Franck.
Allons, faisons-nous plaisir (un peu amer quand même, rétrospectivement, pour une époque où les jeunes du Quatuor Varèse ne risquaient pas d’être nés, et où la SMC jouait encore au jardin d’enfants), et citons ce qu’écrivait en 1954 un certain R.L., autoproclamé critique dans la presse musicale française, lors de la scandaleuse création parisienne des Déserts de Varèse : « une œuvre de fou, pompeusement baptisée électro-symphonie, avec grands bruits de casseroles, soli de chasse d’eau et fanfares de stock-cars. Ce M.Varèse devrait être fusillé séance tenante. C’est le Dominici de la musique. » Et la chute, qui se veut amusante, et dont le grotesque sinistrement référencé au réel si pérenne d’outre-Atlantique rappelle aussi des temps de guerre totale : « Fusillé ? Et puis non, ça ferait encore du bruit, il serait trop content. C’est la chaise électrique qui convient à cet électro-symphoniste ! » Alors, jeunes Varèse, vous la connaissiez, celle-là ? On espère que non, ou alors vous ne la racontiez pas pour ne pas faire la honte à des personnes âgées de vos relations musiciennes ?

Lyon, Salle Molière. Mercredi 18 mars 2009. Concert anniversaire de la SMC. W.A.Mozart (1756-1791), Quatuor K.172 ; César Franck (1822-1890), Quintette ; C.A.Debussy (1862-1918), Quatuor ; D.Chostakovitch (1906-1975), Octuor ; L.Antignani(né en 1976), Quatuor Renseignements et réservation : T. 04 78 38 09 09 ; www.musiquedechambre-lyon.org

Illustrations: Peter Pears et Benjamin Britten, Quatuor Debussy, César Franck (DR)

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