jeudi 18 avril 2024

Compte-rendu, récital. Montpellier, le 12 juillet 2018. Mélodies en duo. Crebassa / Say

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SAY_fazil_pianoCompte rendu, récital. Montpellier, opéra Berlioz, Festival Radio France Occitanie, Montpellier, le 12 juillet 2018. Mélodies en duo. Marianne Crebassa / Fazil Say. Notre mezzo, dont la maturité épanouie fait miracle, est associée à Fazil Say, avec qui elle a gravé son deuxième CD (Erato, oct 2017),  auquel le programme de ce soir emprunte ses œuvres vocales. Le récital, déjà donné à Saint-Denis, reprend donc – pour l’essentiel – les œuvres  enregistrées sous le titre « Secrets », ponctuées d’interventions du piano seul, en relation avec les mélodies.

Chacune des parties est construite comme un immense crescendo. La première s’ouvre sur les Trois mélodies de Paul Verlaine (La mer reste plus belle ; Le son du cor s’afflige vers le bois ; L’échelonnement des haies), que publia Debussy en 1891. Servi par une voix d’exception, large, ample et colorée, d’une diction exemplaire, avec une délectation de la langue que Marianne Crebassa illustre magistralement, ce cahier permet également d’apprécier un piano que l’on n’attendait pas aussi transparent et fluide, dans ce répertoire si rarement illustré par Fazil Say. S’il a enregistré avec tel violoniste ou violoncelliste, notre pianiste pratique peu l’accompagnement. Pour autant, son écoute, jointe à ses qualités rares en font un partenaire idéal, humble et concentré, toujours au service de l’œuvre.
Avant de revenir à Debussy avec la cathédrale engloutie, immense, magique, et Minstrels, plus bondissant que jamais, ce sont les trois gnossiennes de Satie qui retiennent l’attention. Telles un mouvement lent de Mozart, où chaque note a son poids, son timbre, Fazil Say les détaille sur l’ostinato obsédant du rythme, l’effet est magique.
crebassa erato cd-crebassa-oh-boy-220x216Enfin, Ravel vint. Les trois mélodies de Shéhérazade demandent une maturité vocale et humaine à laquelle la plupart des interprètes  n’accèdent que tardivement. Marianne Crebassa brûle les étapes, pour notre plus grand bonheur.  Sa maîtrise lui permet de se hisser au plus haut niveau. La voix est sonore, chaude, sensuelle, et sait se faire caressante comme véhémente, avec, toujours, une diction admirable. Du très grand art, servi par un piano qui nous fait oublier l’orchestration ravélienne. Il est vrai que le compositeur édita simultanément les deux versions. Directement enchaînée, la rare Vocalise-étude en forme d’habanera couronne la première partie, confirmant toutes les qualités de nos deux interprètes et leur parfaite entente..

La seconde partie du récital tient le public en haleine jusqu’aux généreux bis qui récompenseront son attention. De Fauré, deux mélodies tardives de Mirages, subtiles, aux textes ampoulés, aux harmonies complexes. On n’en apprécie que plus la puissance émotionnelle de Duparc, sa densité d’écriture. L’exigence vocale considérable que sollicite La pays où l’on fait la guerre nous introduit à celle – démesurée – qui suivra. Pour faire suite à Duparc – osons le calembour – du parc Gezi, qu’écrivit Fazil Say après la répression brutale des manifestations pacifiques de juin 2013, nous écouterons deux versions. La première, sonate amplement développée, dramatique, pour piano, familiarise l’auditeur aux formules thématiques qu’il retrouve dans la ballade pour mezzo-soprano et piano. Entièrement vocalisée, vertigineuse, parfois a cappella, c’est l’occasion pour Marianne Crebassa de déployer toutes les facettes de son art. L’émotion est constante et le public fait un triomphe aux deux artistes qui lui offrent deux bis : Un Summertime revisité et le Voi che sapete (Chérubin), plus délicieux que jamais. Soirée mémorable.

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Compte rendu, récital. Montpellier, opéra Berlioz, Festival Radio France Occitanie, Montpellier, le 12 juillet 2018. Mélodies en duo. Marianne Crebassa / Fazil Say. Crédit photographique © Festival Radio France Occitanie Montpellier

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