vendredi 19 avril 2024

Compte-rendu, oratorio. Festival Berlioz, le 25 août 2018. Berlioz : l’Enfance du Christ. Jean-François Heisser

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berlioz Hector Berlioz_0Compte rendu, oratorio. La Côte Saint-André, Festival Berlioz, Château Louis XI, le 25 août 2018. Berlioz : l’Enfance du Christ. Jean-François Heisser. Le texte est de Berlioz, le plaçant dans la bouche du Père de famille, ismaélite, qui accueille Marie et Joseph lors de la fuite en Egypte, dernier volet de sa trilogie sacrée « L’Enfance du Christ ». Par-delà le message évangélique,  cette hospitalité fraternelle n’est –elle par encore d’une actualité brûlante ? Même s’il nous laisse une fameuse Grande messe des morts et un Te Deum, Berlioz ne s’est jamais signalé par son adhésion à l’Eglise de son temps, en dehors de son enfance. Oratorio de portée universelle, malgré l’emprunt  fait aux évangiles, l’Enfance du Christ n’appartient pas à cette littérature  sulpicienne,  un peu mièvre, qui fleurissait alors. Du reste le succès, exceptionnel et durable, que remporta l’ouvrage ne doit rien au clergé ni à l’institution ecclésiale.

« La porte n’est jamais fermée, chez nous, aux malheureux »

Le livret,  totalement rédigé par le compositeur, se signale par sa qualité. On connaît les extraordinaires qualités d’écriture de Berlioz, et qu’il s’agisse de versifier tel passage ou d’animer la prose des récitatifs, ses textes, délibérément simples, voire naïfs, archaïsants, ont la fraîcheur comme la force requises par le sujet.  Toujours sa prosodie est intelligible, aussi naturelle que celle de Lully en son temps. Disparate pour certains, le langage musical apparaît extrêmement varié : de la musique de chambre (trio des jeunes Ismaélites) à la tragédie lyrique (air d’Hérode,  halluciné,  ordonnant le crime), en n’oubliant pas le finale séraphique, éthéré, confié au seul récitant et au chœur a cappella, tout ce dont est capable Berlioz se trouve condensé dans cet oratorio si étrange, aux couleurs les plus douces comme les plus agressives.
C’est Jean-François Heisser qui dirige l’orchestre de chambre Nouvelle-Aquitaine (ancienne appellation « Poitou-Charentes »). La direction, attentive, efficace,  est au service exclusif de l’œuvre qui trouve là une interprétation exceptionnelle. C’est clair, construit et coloré à souhait, les modelés, les phrasés sont superbes. La complicité du chef et de son orchestre est parfaite. Il n’est pas de pupitre qui n’ait l’occasion de s’exprimer de façon magistrale. Les cordes, ductiles, précises, aux phrasés superbes, tout au long de l’ouvrage, bien sûr, mais aussi les cuivres (en fanfares puissantes au chœur des devins), et, par-dessus-tout, les bois, si souvent sollicités. Evidemment le célèbre trio des Ismaélites (deux flûtes et harpe) est magistralement joué. L’équilibre entre pupitres, entre l’orchestre et le chœur ou les solistes, est dosé avec subtilité et concourt à la pleine réussite de cette production. La probité du chef n’a d’égale que sa maîtrise. Les chœurs de l’orchestre de Paris, si décriés il n’y a pas longtemps par le syndicat des professionnels du chant choral, parce que bénévoles, atteignent à l’excellence : sonores, articulés, avec de beaux phrasés et des couleurs rares (chœur des devins, chœur des anges, andante mistico de la fin), toujours équilibrés.
La distribution ne connaît pas la moindre faiblesse, y compris dans les petits rôles, fort bien tenus. On ne sait par qui commencer tant les principaux solistes méritent des éloges. Eric Huchet, dont la carrière est jalonnée de succès mérités, nous vaut un récitant puissant, d’une parfaite élocution, au timbre chaleureux, un parfait évangéliste. Laurent Alvaro qui chante aussi le père de famille, est un splendide Hérode, dont le songe (« Ô misère des rois ») et la rage (« Eh bien, par le fer, qu’ils périssent ») sont justes, habités. La voix, sonore, imposante, sait se colorer à propos, qu’il s’agisse de sa méditation douloureuse comme de sa folie meurtrière. Marie est …Marie Lenormand, touchante de sensibilité, de douceur. Franck Lopez,  Joseph, partage cette expression jusqu’au moment où il lui faut se montrer insistant pour que  sa famille soit hébergée. Quant  à Polydore, hospitalier, ismaélite, c’est l’impressionnant Christophe Gutton, dont la belle voix de basse, chaleureuse, va apaiser les souffrances des migrants. Le finale, dès avant le trio chambriste, nous touche par sa justesse expressive, dépourvue de mièvrerie. Le chœur a cappella, de plus en plus ténu, qui s’achève par un quadruple piano, nous étreint. Le long silence qui suit le dernier accord traduit bien l’intense émotion qui a gagné un public dont les applaudissements sont enthousiastes et chaleureux, malgré le vent froid qui s’est abattu sur la structure.
Le Festival pouvait-il trouver meilleure introduction à l’année Berlioz qui va s’ouvrir ?

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Compte rendu, oratorio. La Côte Saint-André, Festival Berlioz, Château Louis XI, le 25 août 2018. Berlioz : l’Enfance du Christ. Jean-François Heisser. Crédit photo © Festival Berlioz – Bruno Moussier

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