dimanche 13 octobre 2024

Compte rendu, opéra. Paris, Opéra Bastille, le 17 avril 2017. Rimsky-Korsakov : La Fille de Neige. Mikhail Tatarnikhov / Dmitri Tcherniakov

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rimsky korsakov Nikolay_A_Rimsky_Korsakov_1897Compte rendu, opéra. Paris, Opéra Bastille, le 17 avril 2017. Rimsky-Korsakov : La Fille de Neige. Mikhail Tatarnikhov / Dmitri Tcherniakov. Après-midi féerique ce lundi de Pâques à l’Opéra Bastille. L’opéra « Snegourotchka » ou la Fleur/Fille de Neige du maître russe Rimsky-Korsakov investit la maison nationale dans une nouvelle production signée Dmitri Tcherniakov. Une distribution largement russophone et un orchestre en forme, sous la direction du chef Mikhail Tatarnikov, régalent l’auditoire. Une production très russe, folklorique, impériale… Curieusement intéressante au niveau musical et historique, néanmoins non sans lourdeur et lenteur, en dépit des coupures opérées sur la partition.

Rimsky-Korsakov et Tcherniakov, un concert de conventions

Bien que le maître russe, appartenant au Groupe des 5, Nikolaï Rimsky-Korsakov (1844 – 1908) soit surtout connu hors Russie pour ses compositions instrumentales issues du romantisme nationaliste typique du XIXe siècle, – comme la célèbre suite symphonique Shéhérazade, le poème Sadko, ou encore sa deuxième symphonie, à programme, dite « Antar », il a composé au moins 13 opéras, dont la majorité est toujours au répertoire du monde russophone. Professeur de conservatoire, ses talents d’arrangeur et d’orchestrateur s’avèrent aussi dans ses interventions, bien intentionnées mais pas toujours réussies, sur les œuvres de ses camarades du Groupe des 5, qu’il aimait ré-orchestrer par souci d’attachement à des conventions formelles. Des exemples flagrants se trouvent dans ses remaquillages des oeuvres de Moussorgsky, qui sous sa plume éditrice et professorale, devient un sage musicien, tandis que les orchestrations d’un Stokovski ou d’un Shostakovitch révèlent des œuvres à la finition moins lisse mais beaucoup plus authentiques (voir les différentes versions d’Une Nuit sur le Mont Chauve ou de Boris Godounov, entre autres).

Génie de la couleur orchestrale et de l’exotisme, Rimsky est en même temps attaché et limité par son attachement aux conventions. Sa Fille de Neige, aux couleurs féeriques ravissantes et avec une histoire mignonne inspirée du folklore slave, devient dans les mains de Dmitri Tcherniakov, une histoire mignonne d’une platitude pourtant bien ennuyeuse. Dans la vision de Tcherniakov, -vedette actuelle de la mise en scène d’opéra (-pour des raisons qui nous échappent), La Fille de Neige est la fille de la Dame Printemps, en l’occurrence devenue pseudo-maîtresse de Ballet, et du Père Gel, dont le costume moderne et le jeu d’acteur ne nous renvoient à rien de glacial ni de pittoresque, mais à un espèce de monsieur grognon, ma non troppo. La pauvre Fille de Neige est maudite par le méchant Dieu Soleil qui veut faire fondre son cœur de glace, une fois tombée amoureuse. Elle tombe amoureuse parmi les Berendeïs, un peuple qui dans l’histoire précède l’histoire mais qui dans cette mise en scène vit dans des campings cars, dans les bois. Pour combler la surdose de formalisme très niais et pas très cohérent, quelques figurants à poil, se promènent parfois sur scène. Cela a le mérite de distraire le public parisien assez exigeant, mais seulement pour quelques secondes.

snegourochtka opera de paris direct au cinemaHeureusement, il y a le chant. Décevants d’abord, le remplacement de Ramon Vargas dans le rôle de Tsar des Berendeïs, par Maxim Paster dont nous apprécions néanmoins l’effort, comme celui de Rupert Enticknap par le contre-ténor Yuriy Mynenko dans la meilleure des formes au niveau vocal et faisant preuve d’un investissement scénique à l’allure décontractée, peu évidente ! Distinguons cepedant sa chanson d’entrée au premier acte, un sommet inattendu de beauté mystérieuse. La Dame Printemps d’Elena Manistina a un bel instrument et une belle présence scénique, même si de temps en temps l’équilibre avec l’orchestre est compromis et nous avons du mal à l’entendre. Le Père Gel de Vladimir Ognovenko est solide, sans plus. Fort contraste avec la prestation, parfois superlative, souvent fabuleuse, de Martina Serafin dans le rôle piquant de Koupava. La Serafin maîtrise son instrument avec aisance et son implication dans l’action théâtrale est pétillante. Son partenaire, le wagnérien Thomas Johaness Mayer dans le rôle de Mizguir qui la délaisse pour la Fille de Neige, est peut-être moins maître de son instrument, certes, large, mais fait tout autant preuve d’un bel engagement. Si la Fille de Neige d’Aida Garifullina est la vedette de la soirée (sa lamentation au premier acte est un autre sommet troublant de beauté), avec une voix jolie et seine ainsi qu’une allure idéale pour le rôle, nous n’oublierons pas les prestations formidables de quelques rôles secondaires comme l’Esprit des Bois de Vasily Efimov ou encore l’excellent Franz Hawlata en Bermiata. Les choeurs sont toujours présents, fidèles à leur réputation, dans les opéras russes. Pas d’exception pour la Fille de Neige où les choeurs de l’Opéra dirigés par José Luis Basso sont à la fois dynamiques et spirituosi.
Et l’orchestre ? La phalange parisienne rayonne en un coloris et des timbres inouïs, surtout chez les vents, cuivres et bois confondus. Si les cordes sont toujours très sages, la partition révèle d’agréables surprises. Le chef paraît avoir un jeu quelque peu décontracté qui ne nuit pas du tout à la qualité de la performance, mais nous nous demandons si d’autres choix artistiques auraient pu dynamiser davantage le drame, (trop?) riche en lenteurs malgré les coupures. Au final la nouvelle production est une belle et bonne curiosité, idéale pour chauffer les cœurs en ce début de printemps, avec une musique féerique et un livret exotique, pas négligés par la mise en scène, mais pas mis en valeur non plus. A ne pas manquer. Encore à l’affiche les 20, 22, 25, 28 et 30 avril 2017 ainsi que le 3 mai 2017.

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Compte rendu, opéra. Paris. Opéra Bastille, le 17 avril 2017. Rimsky-Korsakov : La Fille de Neige. Aida Grifullina, Yuriy Minenko, Martina Serafin, Franz Hawlata… Orchestre de l’Opéra National de Paris, Mikhail Tatarnikhov, direction. Dmitri Tcherniakov, mise en scène. Diffusion dans les salles de cinéma, le 25 avril 2017

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