jeudi 28 mars 2024

Compte-rendu, opéra. Nantes, Théâtre Graslin, le 2 novembre 2015. Viktor Ullmann : Der Kaiser von Atlantis. Avec Pierre-Yves Pruvot, Wassyl Slipak, Natalie Pérez, Sébastien Obrecht, Anna Wall. Louise Moaty, mise en scène. Philippe Nahon, direction

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique et à l’opéra - et notamment avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

angers-nantes-opera-saison-lyrique-2015-2016-ullmann-empereur-d-atlantisDepuis son apparition à Amsterdam en 1975, le petit opéra de Viktor Ullmann n’a cessé de poser le cas (de conscience) de cette « musique des camps » sur laquelle la mort plane constamment comme un épée de Damoclès : Theresienstadt en l’occurrence, antichambre d’Auschwitz, où les artistes juifs trouvaient l’opportunité macabre d’une activité créatrice qu’ils n’avaient pas connue antérieurement ; il s’avère impossible d’oublier la force prégnante de ce contexte en écoutant cette modeste et délicate partition, que l’auteur n’a pu même voir représenter avant sa mort, gazé par les nazis qu’il fut en 1944. Avec ses personnages abstraits, esquissés à grand traits, la très courte durée de l’action de son acte unique (une petite heure) et la quasi-inexistence de l’action, l’œuvre paraît ainsi très problématique à la scène.

 

 

atlantis-tour-empereur-ullmann-opera-nantes-graslin-compte-rendu-critiqueC’était sans compter le travail intelligent, minutieusement élaboré, au souffle poétique constant – et dont la qualité première est celle d’une sobriété exemplaire – de Louise Moaty. La fidèle collaboratrice du célèbre metteur français Benjamin Lazar cultive ici le mystère – formidablement aidée par sa décoratrice Adeline Caron, qui a imaginé de grands parachutes blancs descendants des cintres, baignés dans d’irréelles lumières (conçues par Christophe Naillet), qui renforcent l’onirisme prégnant de la régie. Pour assurer plus qu’un succès d’estime à une entreprise aussi problématique, cette production confirme l’idée que la brièveté et la modestie apparente de l’ouvrage exige, en fait, une équipe vocale de toute première force. C’est ce qu’a su réunir l’ARCAL (dirigé par Catherine Kollen) pour la Maison de la Musique de Nanterre – où la production a initialement été montée – avant de tourner dans plusieurs théâtres, pour finir sa course au Théâtre Graslin à Nantes.

 

 

 

 

Les chanteurs-acteurs réunis dans la capitale des Pays de la Loire doivent affronter ici des tessitures particulièrement tendues, et tous s’acquittent de leur partie avec des rares talents de comédiens et des qualités vocales idoines. Dans le rôle-clé de l’Empereur, à qui revient la plus belle part dans son discours final, l’excellent baryton français Pierre-Yves Pruvot nous gratifie de son timbre clair et sonore à la fois, qui fait fi des notes aiguës dont sa partie est truffée ; il faut également saluer un engagement scénique qui force l’admiration. Très investi également, l’ukrainien Wassyl Slipak qui – dans le double rôle de La Mort et du Haut-Parleur – offre une superbe voix de basse, donnant toute leur portée aux deux belles tirades que lui offre la partition. Tout aussi exposé, le Tambour de la magnifique mezzo britannique Anna Wall éblouit autant par ses aigus souverains que par son registre grave, plutôt nourri. Enfin, bien qu’annoncé souffrant, le jeune Sébastien Obrecht ne démérite pas dans les rôles d’Arlequin et du Soldat, tandis que Nathalie Perez ravit grâce à son timbre lumineux et bien projeté.

 

 

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A la tête des treize solistes issus de l’Ars Nova Ensemble Instrumental leur directeur musical Philippe Nahon livre une lecture sans complaisance de la partition d’Ullmann, c’est à dire à la fois sarcastique, sèche, tranchante, voire burlesque. Ils comptent pour beaucoup dans la réussite de la soirée. Saluons – en guise de conclusion – l’audace de la saison concoctée par Jean-Paul Davois, qui outre ce titre-phare du XXe siècle, proposera – plus tard dans la saison – deux œuvres du XXIe siècle : Maria Republica de François Paris (en création mondiale) et Svadba d’Ana Sokolovic (créé cet été au Festival d’Aix-en-Provence).

Der Kaiser von Atlantis.de Viktor Ullmann à Nantes (Théâtre Graslin), à l’affiche les 2, 4 et 7 novembre 2015.

 

 

Illustrations : vue générale ; Pierre-Yves Pruvot, l’Empereur d’Atlantis © Nathaniel Baruch

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