vendredi 19 avril 2024

COMPTE RENDU, Festival. LE CROISIC, festival Tempo piano : 10-13 mai 2018.

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COMPTE RENDU, Festival. LE CROISIC, festival Tempo piano : 10-13 mai 2018. Il ne faut pas s’y tromper: classique, mais pas seulement! Piano, mais pas uniquement! Le festival Tempo Piano Classique du Croisic fêtait, du 10 au 13 mai, son dixième anniversaire, avec une programmation hors normes et audacieuse, concoctée par le pianiste Romain David, son directeur artistique. Décliné en cinq concerts, le festival a pris en dix ans une dimension qui va aujourd’hui bien au-delà du récital de piano de ses débuts. Retour sur cet évènement.

 

 

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Festival Tempo Piano Classique du Croisic:
10 ans de fêtes musicales

 TEMPO Concert 10 mai 2018 (6)

 

Le moment de l’Ascension est un temps fort de la vie musicale croisicaise. À en juger par la file qui s’allonge sur plusieurs mètres le long du quai quelques quarts d’heures avant chaque concert, la réputation de Tempo Piano Classique n’est plus à faire, et ce festival est très prisé du public local, fidèle. L’ancienne criée du Croisic, magnifique bâtiment daté de 1878, orné d’armoiries à l’hermine bretonne, ne résonne plus depuis 1982 des cris des marchands de poissons. En proue sur l’océan, entourée de gréements au mouillage, elle vibre à présent des musiques qu’elle abrite le temps de ce festival. Cette dixième édition a été des plus festives et des plus vivantes: Romain David peut se féliciter de sa réussite, qu’il doit à son esprit d’unité et son éclectisme tout à la fois,  à son ouverture sur des esthétiques et des genres éloignés du répertoire à proprement parler « classique », et enfin à son choix éclairé et exigeant de musiciens de très haut niveau.

Un duo de haut vol ouvrait l’édition, avec un premier concert à deux pianos. La grand-voile hissée en fond de scène et éclairée d’un bleu profond (dispositif acoustique en même temps qu’une belle évocation plastique) Adam Laloum et Tristan Raës ont tenu les barres de leurs pianos respectifs pour un voyage au long cours de Mozart à Poulenc, traversant Brahms et Rachmaninov. De Mozart, la sonate pour deux pianos K.448 alliait deux musiciens aux personnalités très différentes, et néanmoins en parfait dialogue: le toucher rond et chaleureux de Raës, son jeu toujours chantant, composant avec celui de Laloum, clair et vif, usant moins de la pédale. La sonate pour deux pianos de Poulenc, achevée en 1953, suivait avec ses contrastes, entre lenteur mélancolique et allure encanaillée. En deuxième partie Tristan Raës partageait le clavier d’Adam Laloum avec Brahms et ses danses, avant de regagner son piano pour la 2ème suite opus 17 de Rachmaninov: un festival de couleurs que cette œuvre sous leurs doigts, qui s’est finie en apothéose avec sa Tarentelle embrasée à la dimension orchestrale. En bis, quel bonheur d’entendre à nouveau la musique de Poulenc, avec son Élégie, magnifique de lyrisme et d’exaltation!

Le lendemain le quintette Syntonia formé de Thibault Noally (violon), Stéphanie Moraly (violon), Romain David (piano), Caroline Donin (alto), Patrick Langot (violoncelle) donnait un programme inédit et passionnant avec la soprano Maya Villanueva, puisqu’il comportait en première partie le Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy, dans sa transcription pour quintette avec piano du compositeur Benoît Menut. Suivait de Koechlin, ce compositeur contemporain de Debussy, le 3ème mouvement de son quintette, œuvre centrale du dernier CD de l’ensemble, qui notons-le, a été couronné des plus belles récompenses. L’exécution en concert n’a pas démenti ce succès. Maya Villanueva, soprano, interprétait ensuite trois mélodies de Debussy avec charme et délicatesse, en plus d’une diction parfaite, sur le superbe nuancier sonore du piano de Romain David. Le concert s’achevait sur le Quintette de Franck, que Debussy appréciait particulièrement, joué avec bel engagement.

Inviter Thomas Enhco et Vassilena Serafimova, c’est plus que céder à l’engouement – légitime – général pour cet extraordinaire duo, au sens propre du terme. C’est proposer d’emprunter les traverses du temps, c’est mettre des bottes de sept lieues pour parcourir le monde musical, de Bach à Jagger, en passant par Mozart, Fauré, la tradition bulgare, Piazzola, et tant d’autres encore. Tout cela dans un grand esprit de liberté, celui de l’improvisation, où ces deux musiciens atteignent des sommets d’excellence. Tout cela dans le mariage ô combien original et heureux des sonorités chaudes et colorées du marimba et des timbres du piano. Ce fut le « Texto concert » du samedi 12 mai, concert passerelle entre classique et jazz.

Le soir, d’autres harmonies venues d’ailleurs, avec le Concert des Lumières. On découvrait avec bonheur le talent de Keyvan Chemirami, et ses percussions traditionnelles persanes, en dialogue avec le piano de Shani Diluka. Rencontre orient-occident entre la musique de Bach, intemporelle, universelle, et la musique « savante » persane, si proches par leurs métriques bien qu’éloignées par leurs langages, sur la scène transformée en diwân, ce lieu de débats et de confrontation des idées et des cultures, matérialisé ici par les tapis persans disposés au sol. Un choix de vers de Goethe et Hâfez dits par les musiciens ponctuait les pièces pour clavier de Bach père et fils (C.P.E . Bach), et les rythmes souvent virtuoses et textures variées des zarb, santour et daf, les percussions en question, alternant ou se mariant avec le piano. Etonnant et magnifique programme, qui par sa poésie et la profondeur de son propos, autant que par l’émotion musicale qui s’en dégageait, sut toucher un public des plus réceptifs. Le bis? un texte d’Aimé Césaire et l’aria des variations Goldberg de Bach, orné d’une improvisation au daf…et d’un discret chant de mouette venu du dehors!

Le dimanche était le jour de clôture. Quoi de plus festif qu’un concert rassemblant l’ensemble, ou presque, des artistes invités au festival? La tradition y veut que celui-ci se termine par un concert-brunch, éclatant bouquet final de la manifestation. Ce fut en effet deux heures de musique bourrées de joyeuses surprises puisque le programme n’était pas écrit, présenté par Laure Mézan. Un voyage autour du monde avec des mélodies et les chansons argentines de Ginastera, la ballade pour piano du turc Fazil Say, la danse rituelle du feu de de Falla, l’esprit du nord dans un extrait du quintette avec piano de Brahms, Mare a Mare de V. Serafimova, La Chaconne en ré mineur de Bach-Busoni et pour finir, la musique traditionnelle des Balkans dans un finale survolté aux piano et marimba, avec la participation impromptue du daf!  Quelle fête!

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