mardi 29 avril 2025

COMPTE-RENDU, critique récital. ENGHIEN LES BAINS, le 13 av 2019. Tristan Pfaff / CD critique (Ad Vitam)

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BEFFA Karol douze etudes cd tristan pfaff piano critique cd classiquenewsCompte-rendu critique récital Tristan Pfaff, Enghien-les-Bains, 13 avril 2019, Chopin, Beffa, Liszt, et CD T.Pfaff/K. Beffa, (1 cd Ad Vitam). Un pianiste, un compositeur. Tristan Pfaff et le compositeur Karol Beffa étaient invités samedi 13 avril, par l’association Pianomasterclub, à l’auditorium de l’école de musique d’Enghien-les-bains. Les douze études de Karol Beffa représentent l’essentiel de son œuvre pour piano. Tristan Pfaff en a créé l’intégralité en juillet 2014, puis les a enregistrées sous le label Ad Vitam (CD paru fin 2018). Ce concert permit d’entendre trois de celles-ci extraites du second cahier, au cœur d’un programme associant Chopin et Liszt.

Tristan Pfaff interprète Karol Beffa

Une heure de musique avec Tristan Pfaff ne laisse pas sur sa faim: le choix des œuvres, et pas des moindres, et la densité de son jeu ont fait de ce concert un moment intense où l’écoute ne se relâche jamais. Construit comme un triptyque, la Sonate n°2 opus 35, dite funèbre, de Chopin en est le premier tableau. Tristan Pfaff s’y engage avec toute la force de sa sincérité, lui donne souffle d’un bout à l’autre (premier mouvement), dans une tenue cependant qui se refuse à toute effusion démesurée, à l’impudique épanchement, à la prétention d’un pathos par trop démonstratif. Les voix chantent, timbrées admirablement quels que soient les registres (scherzo), sans excès. La main gauche tire du Pleyel des accents sombres, tour à tour voilés ou coulés dans le bronze, qui jamais ne plombent le flux musical, en particulier dans la marche funèbre empreinte d’une grande dignité de ton. Voilà Chopin bien servi par la classe de cet interprète dont les moyens pianistiques que beaucoup pourraient lui envier, demeurent au service de la justesse de l’expression comme de son élégance.

DU CONCERT AU CD… Les trois études de Karol Beffa, volet central, donnent un aperçu de l’homogène diversité des douze études formant le corpus dédié au piano par le compositeur, qui occupent l’espace entier du CD récemment paru chez Ad Vitam. Au côté du pianiste celui-ci se tient assis, comme pour insuffler, au fil des pages qu’il tourne, l’inspiration à son interprète qui la fait sienne. On entend la 7ème, à l’atmosphère méditative, la 10ème « sur le nom d’Auvers », une pièce énergétique qui contraste avec ses alternés rapides, ses scansions rythmiques, ses traits articulés dans l’aigu, et ses vigoureuses octaves montantes à la basse, et enfin la 11ème, dont la référence thématique à la cinquième Valse sentimentale de Ravel nous amène dans un univers arachnéen, mystérieux au départ, qui s’épaissit et s’assombrit en son centre dans le tissu serré de ses canons, et finit énigmatique. Tristan Pfaff en fin coloriste en dessine les espaces et les lignes enchevêtrées avec clarté et subtilité, et déjoue avec le plus grand naturel les difficultés techniques, celles notamment relatives aux écarts et aux déplacements sur le clavier. L’ensemble écouté au disque donne une impression familière, d’à la fois de nouveau et de connu, tant le langage musical est immédiatement intelligible. Karol Beffa ne conçoit pas la création musicale ex nihilo: si le modèle « Ligeti » est omniprésent, il inscrit son écriture dans le fil de ses aînés, Dutilleux, Debussy, Ravel, mais aussi Reich. Cette imprégnation sert la personnalité originale de ce compositeur qui, au-delà de ses « tics » d’écriture, marque incontestablement de son sceau les pages de ces études. Tristan Pfaff, dédicataire de la douzième, la plus redoutable, signe ici un très beau disque où sa sensibilité trouve un heureux terrain d’expression.

Revenons au concert avec le dernier tableau du triptyque: la Réminiscence de Norma de Liszt/Bellini. Tristan Pfaff en traduit l’esprit de bravoure dès les premières minutes et on mesure dans cette pièce aux difficultés innombrables, le talent de ce pianiste et le niveau de sa maîtrise technique. Une interprétation éblouissante mettant en valeur au-delà du pianisme lisztien l’envergure orchestrale, les tessitures vocales, en particulier dans le médium du clavier: il timbre et fait chanter ses pouces comme personne. Quelle éloquence, quelle exaltation dans le jeu! On en est soulevé, tout comme ses mains qui semblent ne plus toucher le clavier, volent au-dessus de lui. Le bis, fugace en comparaison, n’en sera pas moins brillant, avec Étincelles de Moszkowski dans l’arrangement d’Arcadi Volodos.

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Compte-rendu critique récital Tristan Pfaff, Enghien-les-Bains, 13 avril 2019, Chopin, Beffa, Liszt — À écouter: CD Karol Beffa, Douze études, par Tristan Pfaff, piano, label Ad Vitam Records, 2018.

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