dimanche 27 avril 2025

Compte-rendu critique, piano. Bagatelle, 9 sept 2018, récital Anastasya Terenkova, piano, Beethoven, Shchedrin/Pletnev, Mendelssohn, Liadov, Rachmaninov

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Compte-rendu critique, Les Solistes à Bagatelle, 9 septembre 2018, récital Anastasya Terenkova, piano, Beethoven, Shchedrin/Pletnev, Mendelssohn, Liadov, Rachmaninov.
terenkova-A_Terenkova_photo_Michael_TerrazConnaissez-vous Anastasya Terenkova? Née en 1981 à Moscou, elle apprend la musique dès son plus jeune âge à l’École Spéciale de Musique, puis poursuit ses études au CNSM de Paris. Lauréate de plusieurs prix internationaux, elle se produit encore trop peu en France, du moins est-ce le sentiment que l’on a après avoir entendu son récital du 9 septembre dernier, au festival Les Solistes à Bagatelle. Cette jeune femme d’apparence discrète mérite que l’on s’intéresse de très près à la musicienne accomplie et inspirée qu’elle est. Loin des programmes rebattus, elle nous donna à écouter un choix d’œuvres dont le fil rouge était la variation, assorties de belles découvertes slaves. En nous ouvrant son âme, elle a su capturer la nôtre, en même temps que notre oreille attentive.
Quelle personnalité et que de qualités chez cette artiste! La finesse et la précision de son jeu dans Beethoven et ses 32 variations en ut mineur, font de cet opus une œuvre captivante, où l’attention au détail et l’imagination ne nuit en rien au tout, qui avance dans une cohérence, une évidence, au point que le passage d’une variation à la suivante parfois se laisse oublier. La pianiste sait y concilier fermeté et tendresse, ferveur et murmure, vivacité et rêverie, sans hausser le ton plus que nécessaire. Elle a pris la mesure acoustique du lieu et joue opportunément le pied léger. Il en résulte une grande clarté de timbres et de lignes, une transparence qui permet d’en apprécier toutes les subtilités. Rodion Shchendrin, compositeur russe né en 1932, s’est illustré dans la musique de ballet, et pour cause: la femme de sa vie fut la grande ballerine du Bolchoï Maïa Plissetskaïa. Mikhaïl Pletnev fit un arrangement pour piano du ballet Anna Karenine composé en 2009, dont Anastasya Terenkova joue Prologue et Horse-Racing. Vraiment deux belles pièces très contrastées: un monde de couleurs et de nuances dans l’opposition des registres de la première, une rythmicité serrée et des dynamiques conduisant au paroxysme sonore dans la deuxième. On est ébloui par tant de vigueur et d’énergie! Plus posées les Variations sérieuses opus 54 de Mendelssohn sont aussi un beau terrain d’expression pour la pianiste. Le chant y est superbement timbré sur une basse jamais pesante. Son jeu très équilibré est d’une grande élégance. Là aussi la clarté est remarquable, et la musique respire! Il fallait un intermède avant l’œuvre fleuve de Rachmaninov, Les Variations sur un thème de Corelli opus 42; c’est encore une escale en terre russe que l’artiste nous propose, avec la grâce et la délicatesse de trois préludes d’Anatoli Liadov, joués comme en préambule. Puis dans un silence d’à peine un soupir, la main suspendue une fraction de temps au-dessus du clavier se pose dans le premier accord du thème de Corelli, dans une profondeur solennelle. Si Rachmaninov en écourta souvent l’exécution, son public exprimant haut et fort des « marques » de lassitude, Anastasya Terenkova nous captive et nous tient en haleine d’un bout à l’autre des 20 variations. Écrites comme des improvisations, c’est ainsi qu’elle les joue. Suivant son mouvement intérieur, elle leur donne cette liberté de ton, suspendant parfois le temps au gré d’une phrase, d’une humeur, cela sans le moindre mauvais goût, laissant ailleurs libre cours aux élans de l’âme, dans le plus pur esprit russe. Et quelle beauté envoutante, quelle richesse du son! L’insondable nostalgie, et l’expression très retenue de la Mazurka opus 17 n°4 de Chopin offerte en bis touchent à cœur le public, qui submergé d’émotion, restera coi de longues secondes de silence avant de le briser de ses applaudissements.
Musicienne instinctive? Anastasya Terenkova l’est assurément avec ce sens qu’elle possède de l’invention du moment qui fait que l’œuvre semble naitre pour la première fois sous ses doigts. L’artiste n’en est que plus vivante, authentique et admirable.
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