samedi 25 janvier 2025

Compte rendu, concerts. Saintes, Festival estival, les 12 et 13 juillet 2015. Vox Luminis, Laloum / Sévère, Amarillis, OCE…

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SAINTES festival 2015 visuel-festival-BD-400x559Compte rendu, concerts. Saintes, Festival estival, les 12 et 13 juillet 2015. Saintes 2015. Depuis des années, la Cité musicale à l’Abbaye aux Dames de Saintes fait la preuve de son éclectisme à travers la diversité des formes de concerts présentés, souvent des programmes inédits ; à travers aussi une programmation très large qui a fait évoluer l’idée du tout baroque : si le lieu hier baptisé (de façon un peu réducteur) « la Mecque du baroque » y avait désormais sa place ou l’on pouvait écouter cantates et oratorios de JS Bach jusqu’à très tard dans la nuit, le festival 2015 fait preuve d’une ouverture musicale peu commune dans le paysage français.
Cette spécialisation a vécu et une nouvelle génération de musiciens y défend une approche régénérée des répertoires qui prolonge l’esprit d’excellence et de défrichement tout horizon de leurs aînés.

 

 

 

Les jeunes interprètes à Saintes

Cap vers l’excellence

 

Diversité, singularité et toujours, exceptionnel approfondissement des oeuvres abordées : l’occasion de constater l’intense manifestation du phénomène nous a été offerte, lors de notre présence à Cité musicale : en 2 jours (les 12 et 13 juillet 2015), pas moins de quatre programmes ont dévoilé la place des jeunes champions de ce Saintes soucieux de renouvellement mais aussi de continuité. Comme souvent le geste des jeunes d’aujourd’hui s’est forgé dans la transmission réalisée auprès des maîtres d’hier.
lionel-meunier_lrDimanche 12 juillet 2015, 19h30. Ainsi le français Lionel Meunier directeur de l’ensemble Vox Luminis nous disait avoir été formé par Hugo Reyne à la flûte à bec avant de recevoir le choc de la musique vocale en écoutant la Passion selon Saint Mathieu par Philippe Herreweghe : un électrochoc qui décida de sa vocation pour le chant;  ce soir le chef et son ensemble déploie l’arche lacrymale somptueuse de Purcell, d’une pudeur grave, déchirante (programme intitulé « Funérailles pour une reine et une impératrice »), avant de révéler le Requiem oublié de Fux (composé en 1720). La dévotion ardente et dramatique qui s’y affirme permet à Vox Luminis de faire valoir et sa flexibilité vocale, et sa grandes précision des lignes mêlées, son exceptionnelle capacité à caractériser aussi le texte afin d’y tisser avant tout un formidable témoignage humain. La cohésion sonore des chanteurs y est associée à quelques instruments (cornets et trombones par deux) offrant cette couleur majestueuse et raffinée que Lionel  Meunier inscrit dans un très subtil équilibre entre sincérité, solennité, profondeur sans omettre la lumière de l’espoir final  (libera me). Un programme passionnant de bout en bout déployant de Purcell à Fux, mille et une nuances du pleur et de la déploration… qui est aussi une oeuvre idéale pour l’acoustique finement réverbérée de l’Abbaye des Dames.

 

 

 

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Représentative de cet éclectisme, le programme de la journée du lundi 13 juillet suivant, est d’autant mieux équilibré sur le plan des formes et des personnalités affichées sous la voûte vénérable. A 11h,  récital piano / clarinette  (une première à Saintes) : Adam Laloum et Raphaël Sévère (photo ci dessus) dansent littéralement un duo sensuel et amoureux signé Borodine  (dont Raphaël Sévère a signé la transcription du violoncelle à la clarinette en la) et la sublime Sonate n°2 de Brahms.
Les deux interprètent réalisent des prouesses de nuances ciselées, vrais défenseurs d’une musique incarnée et sensible, trouvant chez Brahms en particulier une sensibilité fine et pudique qui éclaire les vertiges d’une âme tourmentée comme le jaillissement d’un lyrisme quasi innocent. La clarinette fait ainsi son entrée remarquée sous la voûte grâce à l’entente sidérante entre les deux solistes.
Mathias_Vidal_FribourgA 13h, autre première à Saintes : Cantates de Rameau sous la voûte abbatiale. Le quatuor féminin d’Amarillis accompagne le ténor virtuose et si prodigieusement articulé, Mathias Vidal. En berger Amarillis éprouvé, démuni et languissant, ou en Orphée confronté à l’épreuve suprême de la maîtrise des passions, le diseur halluciné réussit un tour de force, incarnant comme peu aujourd’hui cette flamme oratoire, cette acuité de la déclamation désormais souveraine : le jardin d’amour prend alors un fabuleux essor et de façon inédite dans la nef de l’église abbatiale. En bis, le fabuleux Vidal offre pas moins que le redoutable et dernier air de l’acte de ballet Pygmalion de 1748 : le ténor très  en voix et saisi par une fièvre dramatique semble déposer toutes ses notes aiguës à la voûte composant une constellation brillante qui éblouit littéralement l’assistance. L’opéra est rare à Saintes : ce court récital ciselé qui présentait aussi quelques Pièces pour clavecin en concert en est un jalon mémorable.


Enfin à 19h30
, rendez-vous symphonique qui rappelle ici qu’aux côtés des oeuvres sacrées, Saintes sait cultiver la fibre orchestrale en un jeu collectif qui s’offre au public, chaque été comme tout au long de l’année, grâce à l’activité des deux phalanges emblématique de la Cité musicale : le pionnier, l’orchestre des Champs Elysées et son premier « fils », vraie pépinière  de jeunes instrumentistes, le désormais reconnu « JOA » pour Jeune Orchestre de l’Abbaye : les deux phalanges sur instruments d’époque continuent de contribuer dans une large part à la redécouverte des partitions du XVIIIeme au XIXeme dans la sonorité d’époque la plus proche. Ce soir, la claveciniste Maud Gratton devenue pianofortiste aborde avec les cordes de l’OCE  (Orchestre des Champs Élysées), le Concerto n°12 de Mozart. Avouons notre semi déception face à un jeu étroit, petit, rien que méticuleux qui ne sait pas respirer ni exprimer la très délicate gravité de son andante ou le Viennois endeuillé rend hommage à l’ami disparu Johann Christian Bach (dont il cite une mélodie de l’ouverture La Calamita de Cuori).
Sans bois ni vents, l’orchestre porté par l’énergie et le tempérament fédérateur du premier violon, Alessandro Moccia (photo ci dessous), déploie de superbes tonalités entre grâce et élégance, dans l’esprit d’un Notturno.
Moccia-alessandro-violon-Orchestre-des-champs-elysees-saintes-JOA-jeune-orchestre-de-l--abbayeMais le morceau de bravoure demeure le Quatuor n°11 « serioso », dans l’arrangement pour orchestre de cordes signé Gustav Mahler. Après les Quatuor Razumovsky et le n°10 appelé « Les harpes » (1810), Beethoven change radicalement d’humeur, ouvert désormais à la tension, l’âpreté expérimentale quitte à exprimer le plus souvent une rage fécondante d’une force irrésistible. Debout (à part violoncelles et contrebasse), les cordes de l’Orchestre des Champs Elysées défendent un jeu mordant et tendu, sec parfois, aux vertigineux contrastes dynamiques. Les piliers du collectif habituellement dirigé par Philipe Herreweghe sont là dont Catherine Puig parmi les altistes (elle-même responsable pédagogique dans le cadre du développement du JOA). L’engagement, l’écoute, la souplesse dans les nuances sont assurément captivants ; rien n’est acquis, tout peut rompre, mais cette entente et la prise de risques assumée par tous les instrumentistes, partenaires familiers depuis la création de l’Orchestre en 1991, dévoilent d’indiscutables apports : une musicalité ardente qui embrase et canalise la série de défis jalonnés par un Beethoven impétueux voire rugissant. La matière sonore, pourtant compacte y est portée à une degré d’incandescence rare, avec une éloquence détaillée porteuse de raffinement. Magistral.

 
 

Prochains temps forts du festival de Saintes, 3 événements à ne pas manquer :

Mercredi 15 juillet 2015 à 19h30 : Les Filles du Rhin par Pygmalion
Jeudi 16 juillet 2015 à 22h : Il mio stato amoroso par La Rêveuse / La main harmonique
– Samedi 18 juillet 2015 à 19h30 : Concert de clôture. Intermèdes de Parsifal de Wagner par l’Orchestre des Champs Elysées, Philippe Herreweghe. Le Parsifal réalisé par les instruments d’époque de l’OCE ne serait-pas cela le Graal promis par Saintes, enfin réalisé par la Cité musicale le temps de son festival estival ?

Réservations et informations : LIRE notre présentation générale du festival estival de Saintes 2015

 
 

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