Compte rendu, concert. Saintes. Abbaye aux dames, le 21 juillet 2017. Haydn, Mozart. Emmanuelle de Negri, Jeune Orchestre de l’Abbaye. William Christie, direction. Le Jeune Orchestre de l’Abbaye donne chaque été deux concerts pendant le festival de Saintes. Nous avons évoqué dans nos colonnes celui dirigé par Philippe Herreweghe donné le 15 juillet dernier. En ce 21 juillet, c’est le chef franco-américain William Christie qui prend la tête du Jeune Orchestre de l’Abbaye pour un second concert exceptionnel consacré à deux compositeurs du XVIIIe siècle : Joseph Haydn (1732-1804) et Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791).
Rapidement reconnu comme un brillant symphoniste, Joseph Haydn (1732-1804) a composé plus de cent symphonies. Les deux oeuvres du programme font partie du corpus de symphonies dites « de Paris » car composées après une commande de la Loge Olympique qui souhaitait que Paris soit aussi reconnue comme une « ville symphonique », aussi brillante et réputée que les cités germaniques dont les formations orchestrales n’avaient, à l’époque, pas de rivales.
William Christie dirige le Jeune Orchestre de l’Abbaye (JOA)
Le concert débute avec la Symphonie n°85, qui séduit tant la jeune reine Marie Antoinette que l’oeuvre s’est rapidement vu accoler le surnom « La reine ». William Christie adopte des tempos parfois un peu vifs, mais fait subtilement ressortir les thèmes, qu’il s’agisse d’oeuvres connues ou de musiques plus populaires, que Haydn emprunte à la musique française. Avec la symphonie n°82, « L’ours », nous entrons dans un décor plus « montagnard », certains thèmes rappelant la majesté de l’animal qui donne son nom à cette symphonie, d’autres rendant la lumière et les couleurs de la montagne sous le soleil. William Christie prend aussi des tempos assez vifs mais plaisants. L’Orchestre visiblement motivé par la présence du chef suit sa battue avec assiduité, détermination, endurance…; la réputation d’excellence de Christie quant à l’enseignement prend ici tout son sens, tant les jeunes musiciens ont su profiter de ses indications et directives dans les deux symphonies.
Si Wolgang Amadeus Mozart (1756-1791) a également composé des symphonies, c’est le génial mélodiste que William Christie a décidé de mettre à l’honneur. Ayant invité pour l’occasion Emmanuelle de Negri, révélée par Le jardin des voix (édition 2011), le chef lui donne une belle occasion de mettre en valeur des oeuvres méconnues du divin Mozart. Si l’air de concert « Voi avete un cor fedele » est donné parfois en récital, Il re pastore et La finta giardiniera sont, quant à eux, nettement moins connus. Emmanuelle de Negri maitrise la virtuosité exigeante de Mozart avec finesse, ne forçant jamais le trait. Les vocalises de l’air de concert sont chantées avec fermeté et sa tessiture terrible, assumée sans faiblesse. Il re pastore fait partie des opéras de jeunesse de Mozart qui avait tout juste dix-neuf ans quand il l’a composé. Emmanuelle de Negri chante l’aria de Tamiri ; sa sensibilité fait ressortir chaque sentiment contradictoire qui agite et tiraille la jeune paysanne : amour, tendresse, doute, détermination … En bis, la jeune soprano présente un extrait de La finta giardiniera. Tout aussi méconnu que Il re pastore, cet opéra possède pourtant de très belles pages dont fait partie l’aria de Serpetta : l’interprète y passe en quelques minutes de la colère à la tendresse, mais reste déterminée à obtenir ce qu’elle veut. L’accompagnement du Jeune Orchestre de l’Abbaye et de William Christie est tout en finesse; il fait ressortir les sentiments contradictoires des différents personnages avec précision, et sans jamais couvrir le beau soprano d’Emmanuelle De Negri. Amoureux de la voix, William Christie a travaillé avec sa chanteuse, le style, chaque note des trois mélodies qu’elle a interprété, ce sans pour autant la brider.
Chef exigeant, enseignant attentif, William Christie a développé avec le JOA tant l’aspect symphonique que l’aspect opératique, répertoires que les jeunes musiciens auront à affronter au cours de leurs futures carrières. En trois jours de répétitions avec le chef, les jeunes musiciens d’orchestre ont su tirer profit de ses conseils, donnant un concert remarquable en tous points.
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Saintes. Abbaye aux dames, le 21 juillet 2017. Joseph Haydn (1732-1804) : symphonie n° 82 en ut majeur « L’ours », symphonie n° 85 en si bémol majeur « La reine », Wolgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Voi avete un cor fedele (air de concert), Di tante sue procelle (Air de Tamiri, « Il re pastore »), Appena mi vedon (air de Serpetta « La finta giardiniera ») (bis). Emmanuelle de Negri, Jeune Orchestre de l’Abbaye. William Christie, direction.