C’est dans la majestueuse salle du Réfectoire de l’Abbaye de Royaumont que Willam Christie, le chœur et l’orchestre de ses Arts Florissants ont clôturé leur tournée estivale autour des Grands Motets. Une salle comble attendait religieusement l’arrivée des artistes sur la grande estrade montée en fond de la salle. Après une courte introduction orchestrale du Quam Dilecta de Rameau, la très belle voix de Rachel Redmond, jeune écossaise qui a déjà bien compris toutes les subtilités de la musique ramélienne, éblouit le public. Rachel Redmond a le don d’enchanter même avant ses première notes, on dirait que la grâce l’habite. La justesse et la souplesse de son chant sont remarquables, elle dispose d’une grande facilité pour rendre intelligible tous les ornements qui composent cette musique ; utilisant très peu de vibrato, elle arrive à nourrir les notes longues par un léger enrichissement du timbre, qui rend le texte et la ligne musicale d’une enivrante limpidité.
Rameau à Royaumont
Tous les solistes choisis pour ce concert ont été remarquables : la jeune Katherine Watson qui possède un chant bien plus dramatique, a très bien chanté la partie de deuxième soprano. Malgré une voix aussi aiguë que Rachel Redmond, elle a su assumer chacune de ses parties, avec une grande intelligence, en veloutant son timbre pour mieux servir les envolées de la soprano 1. Marc Mouillon et Cyril Auvity, deux sublimes chanteurs et complices des Arts Florissants confirment qu’ils sont des références pour le style français du 18ème siècle.
Le très jeune chanteur basse Cyril Costanzo est une belle recrue du Jardin des Voix, il possède déjà une belle présence vocale, son chant est toujours vivant et soucieux de son rôle d’accompagnateur : il faut vraiment le féliciter.
Le Chœur des Arts Florissants déploie une pâte sonore ronde et bien puissante, qui a pu remplir la vaste salle choisie pour ce concert. Le pupitre de dessus ainsi que les hautes contres ont une magnifique présence vocale. Le choix d’avoir pris tous les solistes dans les parties du chœur permet d’avoir un groupe vocal qui parfois va bien au-delà des attentes, ce choix reste tout de même dangereux, car le programme était long et les voix solistes peuvent se fatiguer en cours de programme.
La voix de Rachel Redmond est restée très précise tout au long du concert, mais pour le dernier motet du (In Convertendo de Rameau) sa puissance et souplesse avaient considérablement diminué. Dommage car l’œuvre qui clôturait le concert est sans doute le Motet le plus grandiose de Rameau, celui, -fait unique parmi les quatre motets- qu’il a retouché dans sa maturité pour un concert parisien au Concert Spirituel.
William Christie a choisi de ne pas regrouper le chœur par pupitres, mais il a souhaité séparer tous les pupitres, en intercalant voix graves et voix aiguës. Cette disposition est fort intéressante, mais non sans risque : on gagne en spatialité et on oblige à chaque chanteur de bien intégrer sa partie. Mais il y a toujours un danger d’avoir de petit décalage dans les parties ornementales. De plus, toutes les entrées fuguées n’ont pas le même impact sonore quand le chœur est organisé par un pupitre uni. Les violons n’ont pas montré une grande précision dans ce programme, malgré tout le talent et l’expérience de Florence Malgoire en violon solo : la musicienne n’a pas su enthousiasmer son pupitre ; un jeu trop uniforme règne et les prises de parole indispensable dans les mesures de réponse au chœur était trop semblables aux parties d’accompagnement.
La seule présence du Maestro fait exalter tout musicien qui aime la musique française : il insuffle une vitalité qui a fait du concert un moment privilégié. A la tête de ses troupes, le fondateur des Arts Florissants, par son engagement, sa sensibilité, ses prises de risques (inimaginables chez d’autres) demeure un modèle dans ce répertoire.
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CRITIQUE, concert. Royaumont. Réfectoire de l’Abbaye, le 11 octobre 2014. Rameau, Mondonville : Grands Motets. Les Arts Florissants. William Christie, direction.