samedi 20 avril 2024

Compte rendu, concert. Paris. Invalides, salle Turenne, le 23 novembre 2014. Haydn : Symphonie L’Horloge n°101. Beethoven : Romance pour violon et orchestre. Symphonie n°8. Jeune Orchestre de l’Abbaye aux Dames (Saintes). Alessandro Moccia, premier violon et direction.

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Au sein du fonctionnement pédagogique du JOA Jeune Orchestre de l’Abbaye aux Dames, le premier violon dirigeant cette nouvelle session, est un musicien accompli : il sait aussi être, le temps de cette expérience orchestrale qui réalise l’interprétation du redoutable programme Haydn / Beethoven, un maestro convaincant : tout en jouant son rôle de supersoliste, Alessandro Moccia (par ailleurs, premier violon de l’Orchestre des Champs Elysées) a à cœur de transmettre sa furie intérieure,  une maîtrise du jeu collectif qui s’appuie sur une très solide sûreté de l’archet. Classique et romantique, l’esthétique des oeuvres, dont le spectre étend une ligne cohérente de 1793 à 1811 (si l’on considère les dates de composition des deux oeuvres principales), permet à nouveau une immersion complète dans la lecture de deux Viennois déconcertants d’idées, de construction, de génie dans l’orchestration.

 

 

 

 

Initiée en Autriche en 1793, la Symphonie « L’Horloge » n°101, appartient au cycle des Londoniennes : Haydn la termine à Londres en 1794 pour la 4è saison des concerts Salomon : écrite pour flûtes, hautbois, clarinettes, bassons, cors et trompettes par deux, son luxe instrumental fait merveille dans l’effectif réuni par Alessandro Moccia : les vents et les bois à la fête portent très haut cet esprit facétieux et aussi très énergique qui traverse tout le cycle symphonique. La Symphonie L’Horloge relève d’une maturité rayonnante, riche en humour : si l’entrée frappe par son mystère diffus et comme suspendu aux cordes seules, une entrée en matière à laquelle les jeunes instrumentistes du Jeune Orchestre de l’Abbaye aux Dames offre une épaisseur immédiate et une franchise de ton propres aux instruments d’époque, la suite est pleine de rebondissements, d’idées, de contrastes desquels surgit surtout l’Andante : avec son mouvement de balancier (tout en finesse rythmique) l’oeuvre gagne un titre non usurpé. Le sol majeur accentue le caractère pittoresque du mouvement dont l’énergie annonce l’Héroïque de Beethoven : une filiation naturelle que renforce encore la perspective du concert qui comprend en fin de programme, la sublime et incandescente 8ème de Beethoven.
Tout est dit dans le final piano et comme murmuré du mouvement : les musiciens savent exprimer le souffle d’une mécanique filigranée dans son énoncé primordial, puis machinerie rugissante dans son développement, enfin horlogerie fine en sa résolution finale. Il faut infiniment de sûreté rythmique, de richesse dynamique, une cohésion collective pour réussir ce morceau d’humour et de partage instrumental. Le menuet est l’un des mieux conçus par Haydn et des plus développés, annonçant là encore l’ambitieuse Héroïque de Beethoven. Rien ne semble arrêter la prodigieuse énergie ni la plénitude sonore des jeunes musiciens dans le final Vivace avec entre autres son fugato piano (pour les cordes seules) si subtilement écrit : une prouesse d’inspiration qui montre à nouveau le génie de Haydn dans l’écriture symphonique à l’extrémité du XVIIIème.

Moccia Alessandro_Moccia_0.previewExcellent pont entre classicisme et romantisme, l’ancrage esthétique de la session de travail dont le concert découle, prolonge les fruits classiques de Haydn par l’énergie conquérante du Beethoven le mieux inspiré… On ne saurait concevoir de succession plus cohérente : un apprentissage magnifiquement élaboré et l’expérience d’un passage particulièrement formateur pour les jeunes instrumentistes.  La Huitième Symphonie de Beethoven opus 93 en fa majeur est un sommet de trépidation rythmique (superbe carrure de l’Allegretto scherzando ou second mouvement dont le sautillant mécanique n’est pas sans rappeler, clin d’oeil délectable, l’allure de balancier distingué de L’Horloge qui a précédé) ; c’est un massif irrésistible de concision, d’énergie lui aussi, calibrée dans un cadre chorégraphique qui affirme le tempérament impétueux de Ludwig. Ecrite à l’été 1811, la partition est créée en 1814 : son caractère souriant, lumineux, d’une respiration positive doit beaucoup à la rencontre entre Beethoven et la cantatrice berlinoise Amélie Sebald dont le charme et la présence profitent manifestement à l’inspiration du compositeur. Les jeunes instrumentistes portés par la conviction continue et la détermination de plus en plus explicite de leur chef et premier violon, emportent la vivacité et le charme de la « petite  » symphonie de Beethoven, en particulier dans le dernier mouvement dont la durée égale la somme des trois précédents.

violon moccia alessandro mocciaL’intensité électrisante et immédiate des tutti, si finement projetée par le collectif des instruments anciens, la verve sans limite, le feu d’un ensemble très engagé, les couleurs des timbres particulièrement maîtrisés (flûtes, hautbois, bassons), la fine arête des cuivres (cors et trompettes) accomplissent ici l’élan facétieux d’un Haydn déjà ambitieux et imprévisible. L’arc tendu et viril d’un Beethoven conquérant et amoureux n’en gagne que plus de tonicité communicative. Superbe programme défendu par un collectif enthousiasmant. Le JOA Jeune Orchestre de l’Abbaye aux dames (ex Jeune Orchestre Atlantique) poursuit à travers ses sessions d’orchestre, son cycle d’accomplissements exemplaires. Le concert apporte davantage qu’une formation déjà gratifiante, c’est aussi une passerelle habilement conçue et partagée pour le dépassement de chacun au sein du groupe.

Compte rendu, concert. Paris. Invalides, salle Turenne, le 23 novembre 2014. Haydn : Symphonie L’Horloge n°101. Beethoven : Romance pour violon et orchestre. Symphonie n°8. Jeune Orchestre de l’Abbaye aux Dames (Saintes). Alessandro Moccia, premier violon et direction.

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