lundi 14 octobre 2024

Compte-rendu, concert. Marseille, Vieille Charité, le 5 mars 2017. Mélodie d’aèdes…

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thumbnail_Vieille_Charité 1Compte-rendu, concert. Marseille, Vieille Charité, le 5 mars 2017. Mélodie d’aèdes… Sous l’égide de Marseille Concerts, qui fête ses trente ans, infatigablement animée par Robert Fouchet, sous la rubrique Muséique, ‘Musique au Musée’, sont proposés aux mélomanes marseillais, dans des lieux patrimoniaux, des concerts raffinés, échos sonores aux œuvres visuelles exposées. Marseille, avec plus de deux-milles-six-cents ans d’histoire, prise trop souvent de vandale ivresse, se penche désormais, en son troisième millénaire, sur ce passé et, à la faveur de travaux dans le noyau de la cité antique, d’émouvantes découvertes archéologiques, modestes restes de vaisselle, dans le joyau architectural de la Vieille Charité, ont motivé une petite mais passionnante exposition, Le Banquet, de Marseille à Rome. ‘Plaisirs et jeux du pouvoir’ (jusqu’au 30 juin 2017).

 

 

 

Mélodie d’aèdes… Un régal

 

 

 

C’était l’occasion de laisser à la soprano marseillaise courant la France Isabelle Bonnadier, avec la savoureuse complicité de Laurent Vercambre, le plaisir de dresser la table musicale, le menu d’un délicieux concert dans le creux hospitalier de la chapelle ovoïde de la Vieille Charité, pleine littéralement presque comme un œuf, banquet manquant de banquettes, le public n’ayant trouvé place assise nonchalamment mais inconfortablement appuyé debout contre les murs et colonnes et, les mieux lotis, assis sur des marches ou à même le sol.
La Vieille Charité, sur les plans du génial et malheureux Pierre Puget, architecte baroque local rejeté par Versailles, hôpital au XVIIe siècle pour les indigents, aujourd’hui centre culturel et muséographique, c’est un sévère quadrilatère, un portique festonné d’arcades sur sa base, élevant deux étages d’arcades symétriques, telles des paupières rêveuses aveugles, avides de regard sur la coupole en œuf coiffant la chapelle centrale de la cour, rigueur d’épure égayée cependant par cette rare pierre rose de l’Estaque épuisée, déjà prisée par les Romains, usée aussi pour la Tourette, le clocher Saint-Laurent, les forts Saint-Jean et Saint-Nicolas, fermoirs du collier du Vieux Port : l’histoire pétrie dans la chair d’une pierre. Digne des intimistes églises romaines de Borromini par sa structure élaborée, mais dans l’élégante sobriété ornementale de la pierre nue, l’intérieur ellipsoïdal de la chapelle sous la voûte ovoïde soutenue de pilastres et colonnes cannelés adossés, est, sur les côtés, taillé d’encoches à hauteur d’homme ouvrant sur de petites galeries, telles des coulisses, et la balustrade de la tribune semble le balcon d’un faux théâtre du vrai Baroque.
Dans une encoignure jouxtant une table avec des nourritures terrestre et spirituelle (fruits, vin, livre) une mince estrade, deux pupitres, et, dans le fond des instruments de musique : un creux, un écrin pour les duettistes.

 

 

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D’Isabelle Bonnadier, chanteuse, comédienne, auteur et musicienne, je crois avoir dit, il y a longtemps, qu’elle était par, nature, gracieuse sans gracieuseté, et on lui retrouve avec bonheur ce charme intact, indéfinissable. Sans chercher à enfermer cette libre artiste dans les limites fermées d’une définition définitive, on pourrait du moins, à travers le spectacle proposé, la cerner un peu dans sa palette si diverse par le même type de formule de qualités nuancées de rien de trop qui pèse ou pose : intelligent sans intellectualisme, simple sans simplisme, même enfantin sans enfantillage (comptines) en somme, cultivé sans vain étalage de culture. Qu’on en juge : on nous sert, sans solution de continuité, avec humour et sourire, du parlé au parlé-chanté, on passe à la chanson, du rap au lyrique ; pour les musiques on vogue de mélodies grecques antiques à Dowland et Purcell, du sarao de la chacona, picaresque danse du Siècle d’Or, chacone recueillie par Cervantès, à Marin Marais, de Brahms, à Verdi, en passant par Mozart, Offenbach et son inénarrable hymne au galop du « Jambon de Bayonne », des chansons de Charles Cros à Trénet, Brel, Brassens, Gainsbourg, Ricet Barrier, et Vercambre lui-même, etc, dans un pot-pourri rieur de textes d’Euripide, Ovide, Posidonius, Alcée, pour les anciens, d’Hugo à Rilke, de Neruda à Michel Butor, Marie Rouanet, en passant par des poèmes grecs et indiens… Quant à son compère Laurent Vercambre, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il a plus d’une corde, même vocale, à son arc, frottées et pincées (même sans rire) : il passe avec aisance de la guitare espagnole à la lyra crétoise, du violon italien au bouzouki grec, au nyckelharpa suédois, sorte de vièle à clavier. Isabelle grattera aussi un peu la guitare, mais scandera certains morceaux des percussions du daf persan et du tambourin napolitain. Laurent Vercambre, véritable homme-orchestre par ses multiples dons d’instrumentiste doué et multi-primé, apporte, à la voix ductile d’Isabelle, une note, des notes, ses notes souvent, drolatiques, pimentées, contrepoint facétieux à la douceur d’Isabelle Bonnadier.
Textes et musiques, que j’ai rangés par la chronologie par commodité, étaient joyeusement dérangés, arrangés, assaisonnés, selon l’ordonnance d’un succulent menu concocté par un fil conducteur, Les Âges de la table, la TABLE ou plutôt l’autel culinaire auquel notre duo sacrifiait avec gourmandise, étant personnifiée, avec, en entrée, une « Création du monde » d’Euripide, la « Genèse », une « Cosmogonie » indienne et grecque, avec, en amuse-gueules, la « Création » récréation de l’Homme et de la Femme. « L’Enfance », on aurait voulu la retenir, bien sûr, avec sa plaisante Litanie des noms de pommes (où manquait je crois — ouf ! — la pomme d’Adam qui nous reste en travers), ses comptines et une chanson vraiment poétique de Trénet, Une noix.
On ne peut décliner par écrit, qui risquerait l’indigestion pour un petit appétit, la richesse plantureuse mais très digeste à l’audition de ce banquet, mais on retiendra la liste des fromages arrosée de l’air du vin de Don Giovanni (gaillardement au féminin) qui espère que la sienne s’allongera de l’ivresse de la danse, mais le remarquable éloge grinçant des Pissenlits (M. Boukay, M. Léguay), qu’on finit par bouffer par la racine et « À mon dernier repas » (Jacques Brel/Laurent Vercambre), apportaient une note grave, sinon funèbre, à ce terrestre et hédoniste repas, dont on se lèche les doigts.
On en reprendrait volontiers et l’on rejoint cette savante femme qui réclame au plat poète (mais moi à ces deux artistes) :

« Servez-nous promptement votre aimable repas. »

 

 

 

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Mélodie d’aèdes
(Amours, délices et cordes)
Création originale autour de l’exposition Le Banquet
au Musée d’archéologie de Marseille

Marseille, Vieille Charité,5 mars 2017

Isabelle Bonnadier et Laurent Vercambre
Mélodie d’aèdes
(Amours, délices et cordes)
Création originale autour de l’exposition Le Banquet
au Musée d’archéologie de Marseille
Marseille, Vieille Charité,5 mars 2017

Musiques : Brahms, Dowland, Marin Marais, Mozart, Offenbach, Purcell, Verdi, etc
Textes : Alcée, Butor, Euripide, Gautier, Hugo, Neruda, Posidonius, Rilke, Vercambre, etc…
Chansons : Barrier, Brassens, Brel, Cros, Ferrer, Gainsbourg,  Misraki, Trénet, etc.

 

 

 

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