vendredi 29 mars 2024

Compte-rendu, concert lyrique, Montpellier, le 26 juillet 2018. Weber, Kastner : les Cris de Paris

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Compte rendu, concert lyrique, Montpellier, Opéra Berlioz, le 26 juillet 2018, Festival Radio France Occitanie Montpellier. Weber, Kastner : les Cris de Paris. Meyer/Niquet/Garde républicaine. N’était le plaisir d’écouter Paul Meyer, on est en droit de s’interroger sur la composition du programme. Le rapport entre le premier concerto de Weber et l’œuvre de Kastner semble pour le moins ténu. Or l’extraordinaire compositeur et théoricien visionnaire nous laisse une œuvre très abondante dont on ne connaît pratiquement rien. Il aurait été mieux venu d’y choisir tel air d’opéra, ou tel choeur. Bref.

Paris a tué le silence… Paris c’est l’enfer !

Seul son manuel général de musique militaire, volumineux et riche ouvrage publié en 1848, a survécu, contribuant ainsi à façonner ces ensembles d’harmonie. L’Orchestre de la Garde Républicaine, créé en 1848, lui doit certainement beaucoup.  A côté de ses opéras et de sa musique instrumentale, plus originaux encore sont ses ouvrages où recueils de compositions et histoires richement documentées se mêlent. Quelques titres : Les chants de la vie (1854) ; Les chants de l’armée française (1855) ; La Harpe d’Eole et la musique cosmique (1856) ; Les Voix de Paris [où figure la symphonie de ce soir] en 1857 ; les Sirènes (1858) ; Parémiologie musicale (1862)… Tout reste à découvrir, en particulier ses nombreux inédits.
KastnerLe concert sera diffusé sur France Musique et son image sonore sera certainement très différente de celle perçue par le public à Montpellier. En effet l‘orchestre est placé en fond de scène, de manière à dégager de l’espace pour l’évolution des chœurs des Cris de Paris. Le Paris sonore, bruyant, foisonnant des siècles écoulés totalement disparu, a fréquemment été illustré par les musiciens, avant même Jannequin. Ces cris, distinctifs des métiers, formaient un riche corpus, et furent régulièrement source d’inspiration.  Comme il le rappelle  dans  l’ambitieuse étude qui précède la partition, Georges Kastner fut devancé par nombre de compositeurs. Au XIXe siècle, à Paris, Félicien David, Clapisson, Auber, Berton et bien d’autres usèrent de ce moyen pittoresque dans tel ou tel ouvrage. Le volume édité par G. Brandus, Dufour et Cie, en 1857, porte les mentions suivantes : « Les Voix de Paris, essai d’une histoire littéraire et musicale des cris populaires de la capitale, depuis le Moyen-Age jusqu’à nos jours. Précédé de considérations sur l’origine et le caractère du cri en général, et suivi d’une composition musicale intitulée les Cris de Paris, grande symphonie humoristique, vocale et instrumentale.  Invitons les curieux à consulter l’ouvrage (sur Gallica) : nul doute qu’ils n’en tirent profit.
Les  solistes portent des noms chargés de références : Titania (…la blonde, d’Ambroise Thomas, et notre soprane l’est effectivement), le Promeneur solitaire (qui rêve, évidemment). L’humour est constant, mais il est malaisé pour l’auditeur de le percevoir dans sa richesse : l’éloignement, la diction, l’oubli ou la méconnaissance des références (Qui connaît encore la chansonnette de Nicolas Jean-Jacques Masset  « le mendiant d’amour », évidemment sans relation à Julio Iglesias ou à Enrico Macias ?), l’impossibilité de lire le texte chanté, sont de réels handicaps, qu’il était certainement possible de surmonter. Seuls tel trait instrumental, le recours à des percussions inusitées (enclume, fouet, grelots qui anticipent le Carillon de la Grand-mère, de la Grande Duchesse de Gerolstein), les interjections, les cris du petit peuple de Paris, les sonneries de trompes (en fond de salle) peuvent susciter le rire. Le sourire et, parfois, l’émotion prévalent le plus souvent. Manifestement, la musique est toujours française, quels qu’en soient les moyens. Elégante, raffinée, même dans le grotesque, claire, lumineuse. Un certain chic.
Les souriantes pièces pour harmonie, un peu désuètes, ont une toute autre tenue que les flons-flons de Benjamin Godard. La fusion, sous le vocable « Orchestre de la Garde républicaine », de l’orchestre d’harmonie et du symphonique, autorise toutes les combinaisons, de la musique de chambre à l’addition des deux groupes. Ainsi, l’instrumentation se renouvelle-t-elle à chaque numéro, avec des  inclusions pittoresques (musique de la garde, d’un régiment de cavalerie, tambours de la retraite … quatuor de trompes), avec, toujours, une invention renouvelée. La cacophonie organisée des crieurs, le premier piano contredit par les gammes du second, la fantaisie est permanente.
Le livret, décousu comme l’est la vie quotidienne, s’articule autour de trois moments (le matin, le jour et le soir) dont le seul lien réside dans les bruits de Paris.

Trois principaux chanteurs, une soprano, un ténor et un baryton, nous vaudront des airs, récitatifs et duos, généralement brefs, entrecoupés  d’interventions étrangères des crieurs, individuels ou en chœur. Lucie Edel, blonde comme Titania, dont elle porte le nom, n’intervient que dans les deux premières parties. Elle ne manque ni de voix ni de charme. Tout juste aimerait-on qu’elle articule davantage.  Arnaud Richard, solide baryton, voix bien projetée à l’articulation impeccable, n’intervient que durant la dernière partie. Seul ou en duo avec le ténor, Enguerrand de Hys, sa prestation est plus qu’honorable. Quant à son partenaire, présent durant tout l’ouvrage, il fait montre des qualités qui lui sont habituelles : la voix est bien timbrée,  sonore et claire et convient parfaitement à cet emploi. Des solistes du chœur chantent les petits rôles, où aucun ne démérite. Les interventions des chœurs puisque souvent divisés, sont autant de moments de satisfaction : pleinement engagés, au jeu comme au chant bien réglés, parés de costumes colorés assortis à leurs rôles. L’orchestre est dans son arbre généalogique et donne le meilleur de lui-même. Les pupitres sont homogènes, équilibrés, et les soli ravissants. La direction enthousiaste d’Hervé Niquet, dont le plaisir est communicatif contraste avec celle du premier concerto pour clarinette de Weber, terne, alors que le soliste, Paul Meyer déployait tous ses talents.

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Compte rendu, concert lyrique, Montpellier, Opéra Berlioz, le 26 juillet 2018, Festival Radio France Occitanie Montpellier. Weber :Concerto pour clarinette n°1 (Paul Meyer), Kastner : les Cris de Paris. Niquet/Garde républicaine/Edel, De Hys, Richard). Crédit photographique © Eric Manas

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