vertiges du Britten orchestral
L’une des révélations du coffret Emi de 8 cd, heureux et première célébration par le disque du centenaire Britten 2013, reste assurément les 2 cd dédiés à The Prince of the Pagodes (le Prince des Pagodes), foisonnante partition à la nature chorégraphique et d’une exaltation qui revisite celle, débridée, ludique, à fort panache de l’atemporel et précédent: The Young person’s Guide to the Orchestra. En 1956, Britten récidive avec un débridé parfois américain (qui sonne comédie musicale) mais avec cette rigueur classique très emblématique de sa prodigieuse culture. Le ballet écrit pour Covent Garden regorge, à la façon de Tchaïkovski (modèle assumé et pour l’occasion explicitement cité) de foisonnement sonore cultivant le secret, le mystère, une série d’éclairs contenus ou libérés, source d’une formidable tension dramatique; la période est celle d’une tournée en Asie qui passe par Bali entre autres. Britten après Debussy, a la fascination pour le spectre musical déconcertant du gamelan javanais, des joyaux de résonances graves et colorées qu’il inscrit dans la matière de The Prince of the Pagodes (acte III).
Comme Debussy qui avait écrit non sans une pointe d’humour et de modestie, que le contrepoint javanais supplantait de loin celui presque trop simple de Palestrina, Britten achève cette partition méconnue en ciselant en particulier la riche palette sonore (percussions, cuivres, vents, bois…). John Cranko est approché pour écrire la chorégraphie de cette évocation orientale et asiatique d’une classe superlative: si la composition est pénible pour l’auteur, comme le seront les 22 soirées de la création à Covent Garden en 1957 (pour le premier de l’an et à sa suite), l’ouvrage est d’un lyrisme flamboyant, d’une rare et subtile palette orchestrale. L’histoire raconte comment la princesse Laideronnette, au physique ingrat rencontre le parfait amour grâce à la magie d’un serpent vert, qui l’amenant sur une île d’or aux cent pagodes, se transforme in fine, après l’avoir séduite, en un apollon irrésistible. De cette partition remarquable, le coffret propose la version de 1989, dirigée par Oliver Knussen, au moment de la reprise du ballet au Covent Garden. Le chef y saisit ce travail en détail, cette richesse époustouflante de l’orchestration. Assurément une partition majeure à redécouvrir.
Aux côtés des oeuvres de jeunesse Sinfonietta (1932), Simple Symphony (1934), Soirées musicales et Russian funeral de 1936, l’étonnant Concerto pour violon de 1939 et le trépidant Young Apollo (même année, œuvre dépréciée à torts par le compagnon de Britten, Peter Pears parce qu’il s’agissait d’un hommage à un amour antérieur du compositeur) sont de réelles incursions réussies dans l’imaginaire si original et puissant de Britten. Parmi les lectures superlatives du coffret, retenons entre autres, outres les œuvres précédentes citées: le Concerto pour piano par Andsnes (1997), les sublimes Variations sur un thème de Franck Bridge opus 10 (1988, Iona Brown), le Concerto pour violoncelle opus 68 par Steven Isserlis et Richard Hickox de 1987; la Sinfonietta opus 1 (Daniel Harding de 1997) et le déjà nommé Young Apollo (par les solistes du Birmingham orchestra et Simon Rattle, complices pleins de malices en 1982); les enchantements inspirés par Rossini (Matinées musicales opus 24 et les soirées Musicales opus 9 par Alexander Gibson en 1982); et ce sont dès le cd 1, 3 partitions majeures qui accréditent davantage encore l’immense apport de ce coffret anniversaire: Sinfonia da Requiem opus 20, les 4 préludes marins (Four Sea interludes) de Peter Grimes opus 33 … enfin The Young person’s guide to the orchestra que dirige avec finesse et sensibilité Libor Pesek à la tête du Philharmonique de Liverpool en 1989. De toute évidence voici à l’occasion du centenaire Britten 2013, le premier opus significatif apportant un éclairage nouveau sur l’immortel » Ben « . Incontournable.
Benjamin Britten (1913-1976): Orchestral works. 8 cd Emi Classics 50999 9 78160 2 7. Parution: février 2013.