mardi 6 mai 2025

Christoph Willibald Gluck: Iphigénie en Aulide, 1774 Opéra du Rhin, du 25 avril au 21 mai 2008

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Christoph Willibald Gluck
Iphigénie en Aulide
, 1774

Opéra du Rhin: Mulhouse, Colmar, Strasbourg

Du 25 avril au 21 mai 2008

Paris, 1774
A 60 ans, Gluck (né en 1714 à Erasbach, Palatinat) triomphe sur la scène parisienne en 1774 grâce à son opéra Iphigénie en Aulide. Avant Paris, le compositeur est une vedette admiré à Vienne où il s’est fixé en 1734, offrant déjà de superbes réalisations dans le genre seria, tel Orfeo ed Euridice (1762) puis Alceste (1767) qui l’imposent comme un compositeur officiel et aussi un réformateur de la scène: vérité accrue, dignité des sujets inspirés de l’Antiquité, ballets associés étroitement à l’intrigue (à l’exemple de l’opéra français hérité de Lully et de Rameau), surtout davantage de clarté et d’intelligibilité de l’action grâce à un chant dépouillé, à contre courant des caprices des divas et castrats, qui se sont durablement imposés à l’opéra depuis le début du XVIIIème siècle, quitte à rompre la cohérence des livrets. Mais le musicien a aussi maîtriser le genre comique, en tant que directeur de la troupe d’opéra français au Burgtheater: en orfèvre de l’action délurée, il a composé d’autres succès que sont Le Cadi Dupé (1761) ou La Rencontre imprévue (1764).

Plus de vérité
Gluck voit la pièce de Racine, Iphigénie, au Burgtheater en 1770. Quant il reçoit le livret de Du Roullet, le musicien se passionne pour le sujet: héroïque, vrai, intense et émouvant, tout à fait digne de sa conception de l » »action théâtrale ». En 1773, l’Opéra de Paris alors dirigé par Antoine Dauvergne, le fameux auteur de l’opéra comique Les Troqueurs (1753), cède aux pressions des Philosophes dont Rousseau qui défend l’idée de monter un nouveau type d’opéra: Iphigénie. Car Gluck, soucieux de renouveler la scène parisienne, a compris les débats et les querelles du parterre: en s’inscrivant du côté de Rousseau, il a fait le pari de la modernité, contre la vieille machinerie poussiéreuse et invraisemblable qu’a transmis Rameau (qui fut l’ennemi de Rousseau et qui s’est éteint depuis presque 10 ans alors, en 1764 sur le chantier des Boréades). Le compositeur venu de Vienne se met aussi sous la protection de la Dauphine qui la même année, devient Reine de France après le décès de Louis XV: la souveraine lui est d’autant plus acquise que Gluck fut son professeur de chant et de clavecin à Vienne. Paris, panier d’intrigues, se prépare à vivre de nouvelles soirées exaltées avec la création, le 9 avril 1774 d’Iphigénie en Tauride du Chevalier Gluck et de son librettiste, le très respectable Ranieri de’Calzabigi (avec lequel il a conçu son Orfeo viennois de 1762). Les deux hommes présentent à Paris, une version « orthodoxe » du mythe antique, plus respectueux et authentique que Racine car ils suppriment les personnages d’Ulysse et aussi d’Eriphile, invention du dramaturge français. Les choeurs et les ballets (divertissements) explicitent le cadre antique afin de mieux préparer l’entrée de chaque protagoniste, afin de souligner l’intensité des confrontations sur le plan dramatique. Ainsi, le quatuor Agamemnon, Iphigénie, Clytemnestre, Achille est mis en avant, comme les deux personnages complémentaires du prêtre Calchas et Patrocle (auxquels Racine par ailleurs ne donne pas d’importance). Gluck participe activement aux répétitions, réadaptant au besoin son ouvrage pour toujours plus de vérité et d’intensité. Enchaînant récitatifs accompagnés et airs nobles, prières et tragédie, l’auteur soigne la tension continue de son action. Même s’il entend atténuer le chant acrobatique à l’italienne, le compositeur veut aussi renforcer l’impact déclamatoire du texte, en particulier en s’appuyant sur l’engagement des chanteurs.

L’opéra de la Reine
Ce nouvel ordre qui entend inféoder les solistes à l’unité dramatique voulue par l’auteur, n’est pas sans susciter des frictions entre le musicien et ses interprètes, en particulier Sophie Arnould qui trouvait son rôle (Iphigénie) pas assez brillant ni suffisamment valorisant. Pourtant la cantatrice sera ensuite portraiturée sous le ciseau d’Houdon en Iphigénie… Tant d’efforts seront couronnés d’un éclatant succès (applaudissements nourris de Marie-Antoinette), à commencer aussi, logiquement par Rousseau, enthousiaste à l’idée de voir cette fusion rêvé du chant noble et naturel français avec le lyrisme mélodique des italiens. Quant à Sophie Arnould, précédemment hostile, et reconnaissant qu’il s’agissait du « rôle » de sa carrière, la soprano créera ensuite la version française d’Orphée en août 1774, en incarnant Eurydice. Une partie du parterre critique la faiblesse des ballets, si essentiels dans le goût français. Déjà se sont retrouvés autour de la Du Barry, le parti opposé à Marie-Antoinette et à Gluck: un compositeur italien va bientôt représenter les intérêts inverses de l’esthétisme gluckiste, Piccinini, qui n’arriva en France qu’en novembre 1776. Repris en 1775, Iphigénie se présente avec des ballets rectifiés (Gluck a pris compte la teneur des critiques de la création) et un dénouement plus conforme à la tradition française: Diane descend des cieux et bénit l’union d’Iphigénie et d’Achille. Ainsi améliorée, Iphigénie s’impose sur la scène française, comme un emblème de la monarchie renouvelée: le ténor haute contre, Joseph Legros (Achille) en 1775 détourne même le texte du livret pour clamer à l’auditoire, le fameux « Chantons, célébrons notre Reine! », désignant ouvertement la nouvelle jeune reine de France, Marie-Antoinette.

Version Wagner
Précisons que Wagner, alors Kapellmeister à la cour ducal de Dresde, s’empare en 1846, de l’Iphigénie de Gluck en lui faisant subir de nouvelles réfections selon son goût: Diane, devenue Artemis, dérobe aux hommes, Iphigénie qu’elle a désignée comme sa prêtresse en Tauride. Cette version chantée en allemand, à laquelle le compositeur ajoute une nouvelle orchestration, est depuis, traditionnellement adoptée dans les pays germaniques. Alors qu’en France, l’auditoire a toujours préféré Iphigénie en Aulide.

Illustrations: Nicolas Poussin: Bacchantes (DR). Portrait de Sophie Arnould (DR)

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