Feuilleton 3 Frédéric Chopin
Le premier récital de Chopin à Paris
(26 février 1832)
Avec son professeur Louis Pierre Norblin (qui est aussi le pédagogue du violoncelliste Franchomme), Chopin peut organiser son premier récital à Paris. Le pianiste renommé Kalkbrenner, qui voit en son élève et protégé Chopin, une nouvelle étoile dont il peut tirer un nouveau prestige, apporte aussi son soutien. Actionnaire de la firme Pleyel, Kalkbrenner permet au jeune Polonais de jouer dans les salons de Camille Pleyel, au 9 rue Cadet.
Fixé en décembre 1831, retardé au 15 janvier (ainsi que les affiches imprimées l’attestent) finalement donné le 26 février 1832, le concert événement a bien lieu chez Pleyel.
Frédéric joue ses propres oeuvres: Variations sur un thème du Don Juan de Mozart et Concerto pour piano en mi mineur (à la place du fa majeur initialement envisagé). La partie de l’orchestre est tenue par un collectif composé des meilleurs instrumentistes de l’heure tels que Baillot, Vidal, Urhan, Tilmant, Norblin… qui jouent aussi le Quintette de Beethoven.
Chopin compositeur salué par Fétis
Aux côtés d’airs d’opéras chantés par mesdemoiselles Tomeoni et Isambert, de l’Opéra, Kalkbrenner interprète avec Chopin et les pianistes Stamaty (qui remplace finalement Mendelssohn), Hiller, Osborne et Sowinski, sa Grande Polonaise (oeuvre pour 6 pianos).
Le concert parisien de « Chopin de Varsovie » porte ses fruits; les applaudissements nourris confortent le jugement du vieux Cherubini, alors directeur du Conservatoire. Et le sévère Fétis, dans les colonnes de La Revue Musicale, dresse un compte rendu éloquent de la soirée: le critique reconnaît le don d’invention du jeune compositeur. Même s’il manque de structure et de liaison dans les enchaînements (« désordonnés »), le pianiste dévoile une « nouveauté des idées mélodiques », avec « âme », « fantaisie » et « originalité ». Le désordre de l’écriture fait penser pour Fétis à « l’improvisation »…
En ce mois de février 1832, un nouveau nom s’était imposé sur la scène parisienne musicale. Malgré les conseils de Fétis pour que Chopin poursuive son perfectionnement et dans le jeu et dans l’écriture, le jeune musicien ainsi révélé, cesse de prendre des cours auprès de Kalkbrenner.
Ce renom espéré et enfin réalisé, permet à Chopin de devenir le professeur de nombreuses élèves aristocratiques, souvent d’origine polonaise, ainsi les comtesses Ludmila et Natalia, puis Delphine Potocka. Il emménage dans un nouvel appartement plus confortable, non loin des grands boulevards, en juin 1832, au 4 Cité Bergère. Le tempérament du jeune compositeur et sa mine engageante en font un excellent convive, recherché dans tous les palais de l’élite parisienne. Chopin enseigne aux filles du Comte de Flahaut, à la Comtesse Thérèse Apponiy, épouse de l’Ambassadeur d’Autriche; à la Comtesse Emilie de Perthuis, épouse de l’aide de camp de Louis Philippe, avec lequel il se lie d’amitié… dans les cercles patriciens et chez les princes, on demande sa présence piquante et raffinée, estimée tout autant des musiciens tels Liszt, Berlioz (et en Allemagne, Schumann). En outre, venant garantir ses revenus, Chopin signe un contrat avec l’éditeur Schlesinger (à l’été 1832) qui ne tarde pas à lui commander plusieurs variations à partir des opéras à la mode, de Meyerbeer ou d’Hérold…
Les salons de Camille Pleyel à Paris
Aujourd’hui l’ancien appartement de Camille Pleyel, situé au 1er étage de l’immeuble sis au 9 rue Cadet est une propriété de la Ville de Paris, et abrite la Commission du Vieux Paris. La firme s’y installe dès 1828, les ateliers sont au rez de chaussée et les salons et la salle de concert du 1er étage doivent démontrer la qualité des instruments.
Les salles sont composées d’une antichambre, d’un grand salon (avec 2 baies sur la cour, comprenant de nombreux miroirs sur les murs latéraux) où se tenaient les concerts dont celui de Chopin en 1832. L’ensemble décoratif (parquet et lambris à hauteur d’appui, en chêne) a gardé son style et ses proportions du XVIIIème siècle, et les aménagements effectués à la demande des Pleyel (comme l’accès à la salle de concert depuis l’antichambre), ont été réalisés dans le style XVIIIè (dessus de porte, boiseries…)
Illustrations: Frédéric Chopin par Teofil Kwiatkowski vers 1844. Affiche du concert de Chopin chez Pleyel datée de sa seconde date reportée, le 13 janvier 1832: « Grand concert vocal et instrumental donné par M. Frédéric Chopin, de Varsovie, dans les salons de MM. Pleyel et Cie, Rue Cadet, N°9 » (DR)