France Musique, le 29 novembre 2013, 16h : Alkan, portrait pour le centenaire. 2013 marque le centenaire de Verdi et de Wagner, c’est aussi celui de Charles-Valentin Alkan, leur strict contemporain ; c’est dire assez la place d’un oublié des livres et des encyclopédies de la musique, qui fut rien de moins que l’égal de Berlioz, Chopin et Liszt réunis ! Le texte au style châtié de cette biographie éclairante rappelle la figure et le tempérament hors normes d’un compositeur idéaliste voire spirituel (comme Liszt ou Franck avec lequel il partagea la classe d’orgue au Conservatoire sous la dictée du professeur Benoît). Né en 1813, mort en 1888, Alkan est ce » héros Balzacien « , au génie particulièrement précoce, remportant son premier prix de piano au Conservatoire en 1824 à seulement 10 ans!
Alkan : le Berlioz du piano et le Liszt français
L’esprit intérieur, tenté par l’obscurité mystérieuse des sons, Alkan s’écarte très vite de sa virtuosité tapageuse des débuts (celle qu’avait épinglé son maître outre Rhin, Schumann) ; le prodige comme Liszt aime questionner les ultimes limites de la forme et de l’écriture aux confins des espaces connus et des expériences rapportées. Il laisse un corpus d’une complexité porteuse d’énigmes, permise seulement par des interprètes particulièrement chevronnés, comme en témoignent les 3 grandes études pour les deux mains (1840), puis la Grande Sonate les quatre âges (1847), …
Tout en refusant Wagner, Alkan demeure pénétré par le style sérieux des Allemands, de Bach à Beethoven et Schumann. Fervent apôtre des pianos Erard, comme Liszt, Alkan favorise la diffusion du piano à pédalier (au moment de l’Exposition Universelle de 1855), s’illustre tout autant lors des séries des Petits Concerts dans les Salons Erard à Paris, à partir de 1873 et jusqu’en 1880. Une bonne partie de sa production est teintée d’une ferveur mystique manifeste, toujours accordée au diapason d’une humeur pudique et réservée (il est chargé par le Consistoire dès 1859 de collectionner les chants religieux diffusés dans les Synagogues …).
Musicien de l’idéal, anti mondain par excellence mais virtuose partout célébré et recherché (comme professeur privé), Alkan nous laisse aujourd’hui une oeuvre impressionnante à redécouvrir : ses défis pour l’interprète comme sa très haute inspiration en font l’un des génies du clavier au XIXème, aux côtés de Chopin ou de Liszt. Chopin, Liszt, Alkan : la trilogie pianistique romantique est ainsi rétablie. Double portrait du pianiste virtuose et du compositeur perfectionniste. Lecture incontournable.
Charles-Valentin Alkan par Brigitte François-Sappey et François Luguenot. Bleu Nuit Editeur. ISBN : 978 2 35884 023 1. 176 pages. Parution : février 2013.