vendredi 19 avril 2024

Charles Gounod: Mireille, 1864. Joel, Minkowski Paris, Palais Garnier. Le 14 septembre 2009

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Décevante Mireille …

Après les audaces d’un Mortier convaincu par l’opéra engagé et militant, vitrine des idées, et des polémiques souvent brûlantes, voici une production en rien provocante, décorative, qui fleure bon le doux parfum des armoires de nos grands-mères.
La mise en scène est belle (avec ses champs de blé d’où toute inquiétude est gommée, où toute menace a disparu, a contrario de ce qu’a pu peindre sur le motif l’inoubliable van Gogh… lui aussi inspiré comme Mistral ou Gounod par le paysage arlésien). La rupture de ton est brutale. Serait-ce dans notre société du bien pensant et de la pensée unique, l’indice que même à l’Opéra de Paris, scène officielle, du goût officiel, les huiles ont vaincu toute critique hier se déployant dans les mises en scène tant décriées? Finalement, les croisés de la mal-scène, les plus conservateurs, auront-ils triomphé et enterré le genre lui-même? On sait combien l’absence de vision peut être fatale pour l’art vivant. Alors cette Mireille, décorative et larmoyante annonce-t-elle une nouvelle ère du conformisme et du décoratif? On peut le craindre… Mais demeurons attentif à la suite de la programmation parisienne car d’heureuses surprises pourraient jaillir.

On nous avait dit que la musique de Gounod était heureuse (ce qui est déjà louable), mais pas seulement… avec des tableaux, inspirés du poème entraînant, dantesque, de Mistral (Mirèio, 1859), réellement prenant…
En fait de féerie et de découverte, le convenu et parfois l’ennuyeux ont eu raison d’une production sans surprises scénographiques. La mise en scène demeure descriptive et strictement décorative, le jeu des acteurs, réduit à sa plus simple expression.
Nicolas Joel, nouveau directeur du lieu, ne nous a pas servi l’éclatante surprise tant annoncée. Si Franck Ferrari (Ourrias) amoureux mais en vain de la belle Mireille offre un chant autoritaire et naturellement dramatique, si l’excellente Sylvie Brunet donne vie au personnage mystérieux et humain de la sorcière bienfaitrice Taven, … que dire de la soprano albanaise Inva Mula, dans le rôle-titre? Gestes minaudants, d’une préciosité vieille France, voix et chant surannés, articulation absente, chant continûment inintelligible (un comble pour une scène de ce niveau! Voilà qui va encore donner de l’eau au moulin des défenseurs des chanteurs français: car il existe des interprètes français sachant parfaitement chanter le rôle de Mireille…). Dans le cas d’Inva Mula, le hors sujet est permanent et pire, contredit la vérité de la partition de Gounod, dont la simplicité et la sincérité sont ainsi sacrifiées sur l’autel de la plus contestable … mignardise. La construction du rôle de Mireille, amoureuse martyr, ivre de spiritualité en fin d’action, héroïne de cette « messe blanche » dont a parlé Gounod, n’est pas respectée ou du moins si peu explicite… Inva Mula si tendre musicienne chez Verdi (Gilda) n’est pas à sa place ici. A ses côtés, le chant articulé et souvent d’une belle finesse du ténor américain Charles Castronovo (dans le rôle de Vincent) sait captiver et émouvoir…

On nous avait annoncé une redécouverte et la réhabilitation de l’ouvrage sur la première scène lyrique de France… la réalisation, de surcroît programmée sur France 3, en léger différé, est une immense déception. D’autant que dans la fosse, le chef Minkowski nous assène une leçon certes généreuse en effets expressifs mais bien peu inspirée et intérieure: la baguette elle aussi comme pour Inva Mula ne comprend pas la subtilité d’un Gounod qui sort plus trahi que réhabilité de la production inaugurale de la nouvelle saison lyrique de l’Opéra de Paris.
Voilà qui change assurément de l’ère Mortier. Mais gardons espoir car l’Opéra de Paris ne joue pas son image sur une seule nouvelle production: la prochaine nouvelle production de l’opéra Die Tote Stadt de Korngold (1920) devrait assurément relever le niveau (mise en scène de Willy Decker, à l’affiche à partir du 3 octobre 2009).

Charles Gounod: Mireille. Paris, Palais Garnier. Jusqu’au 14 octobre, à 19 h 30. Durée : 3 h 30. Compte rendu de l’opéra vu sur France 3, lundi 14 septembre 2009.

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