Faust
Avec Faust, Gounod signe une œuvre
emblématique de l’opéra romantique à la française, sur un sujet déjà
visité auparavant par … Berlioz (la Damnation de Faust).
Fervent lecteur de Goethe, le compositeur y compris
pendant son séjour à Rome comme pensionnaire de la Villa Médicis, se
passionne pour le mythe de Faust, vieux philosophe désabusé qui s’offre
une nouvelle jeunesse en vendant son âme au diable… Et pourtant après
le manège aux illusions où le ressuscité envisageait gloire, richesse,
beauté, la peine, la désillusion le rattrape : tout sur terre n’est que
vaine ambition car l’homme est maudit. Sa lâcheté cause sa ruine et même
son amour pour Marguerite est source de souffrance et de …damnation.
Son Faust profite de la connaissance qu ‘a Gounod des avatars
dramatiques du héros littéraire: à l’opéra , le sujet gagne lui aussi
une seconde jeunesse… En particulier le personnage de Marguerite qui y
obtient deux airs somptueux.
Alors que le
Palazzetto Bru Zane vient de ressusciter une paraphrase exemplaire pour
le piano que Johann Krüger a composé par réminiscence du Faust de
Charles Gounod, l’Opéra national de Paris affiche l’ouvrage et
propose au ténor idéal dans ce répertoire, Roberto Alagna, une nouvelle
occasion d’ éblouir la scène parisienne … Il a tout pour convaincre:
la puissance et la clarté, un timbre conquérant qui confère au
personnage cette vaillance régénérée qui est pourtant blessure et
déchirement final. Roberto Alagna, qui a chanté Zandonai la saison
passée à Bastille, vient de susciter l’enthousiasme de la rédaction cd
de Classiquenews avec la parution de l’opéra Fiesque de Lalo, révélation somptueuse à inscrire au mérite de Deutche Grammophon,
et l’une des plus convaincantes prestations du ténor français dans un
ouvrage lyrique. A Paris, Roberto Alagna devrait faire toute la
démonstration de son talent dans l’articulation et l’incarnation du
chant français. Production événement.
Diffusion exceptionnelle sur
France 3
Lundi 10 octobre 2011 en direct à partir de 20h35
Roberto Alagna est le guide privilégié de ce direct cathodique, côté coulisses et côté scène
Aucun autre opéra n’est plus emblématique de l’opéra romantique à la française que Faust; créé en 1869, l’ouvrage est l’archétype de ce fantastique spectaculaire généreux en airs faciles à mémoriser, faciles à chanter après le spectacle; mais en plus d’être accessible et même séduisant, Faust de Gounod est un drame serré, efficace, d’une indiscutable intensité… La production présentée à l’Opéra national de Paris est l’événement de cette rentrée: après l’ancienne réalisation in loco conçue par Lavelli et souvent dirigé par Plasson (création en 1975), le directeur des lieux Nicolas Joel, poursuit son fil « opéra français » (après Mireille la saison passé et avec aussi Inva Mula dans le rôle-titre, mais dans Faust, la diva franco-albanaise chante Marguerite): en 2011 c’est Martinoty qui assure la mise en scène (certainement très classique et sans guère d’outrance en décalage ou relecture), avec la complicité d’Alain Lombard dans la fosse… lequel avait dirigé le Faust précédent (Lavelli) lors d’une reprise en 1988.
Pourquoi aller voir ce Faust prometteur? Pour la basse française (trop mésestimée en France) Paul Gay dans le rôle de Méphistophélès; pour Roberto Alagna dans un rôle qui lui colle à la peau tant il peut y être naturel et vraisemblable (comme ce fut le cas aux Chorégies d’Orange en 2008… avec Inva Mula, déjà, en Marguerite). Rappellons que Roberto Alagna vient de chanter un Cid non moins étincelant à Marseille en 2010; que l’opéra Fiesque que vient de publier Deutsche Grammophon pour cette rentrée 2011 doit sa « magie » restituée moins à l’orchestre un rien ronflant et pompeux (sous la direction trop emphatique de Alain Altinoglu) qu’à l’excellent Roberto qui entre autres réussit son grand monologue crépusculaire, démontrant outre ses affinités avec le romantisme français, le génie d’un Lalo illégitimement peu joué en France. Pour l’heure afin de mesurer le tempérament d’un exceptionnel soliste, à la diction exemplaire, voire inégalée à ce jour… les spectateurs parisiens et tous les autres sur France 3 pourront applaudir son engagement scénique et vocal.
Le Faust 2011 version Martinoty. Faust souffre essentiellement des nombreuses coupures réalisées sans discernement au fur et à mesure des répétitions successives à l’Opéra entre 1858 et 1869. C’est aujourd’hui une partition dénaturée, voire mutilée qui devrait encore s’imposer de nombreuses années car la version originale demeure inaccessible: Nuit de Walpurgis amputée de moitié; scène de folie du V perdue, nombreuses répliques coupées de leur suite qui leur donnait pourtant un sens crucial voire contraire à celui actuel… Les incohérences et invraisemblances sévissent toujours, continuant de diffuser l’idée d’un opéra pépère et illustratif, narratif et décoratif, guère critique ou inventif… or c’est bien tout l’inverse que révèle un examen précis de l’oeuvre; le conforme et bourgeois Gounod accentue derechef la soi disante fadeur de l’ouvrage.
La nouvelle production de Jean-Louis Martinoty devrait éclairer tout ce qui fait de l’oeuvre, un opéra du désir; désir et fantasmes d’un rat de bibliothèque qui au soir de sa vie, vieux amer et frustré, voire agnostique, ne désire plus rien de l’existence; quand suicidaire, Méphistophélès lui propose a contrario, « tout », on sent bien que ce qui intéresse le compositeur et ses librettistes (Jules Barbier et Michel Carré) c’est le portrait d’une course cynique et sensuelle, sans raison ni limites d’aucune sorte (un Don Juan romantique); ne faut-il pas dès lors y voir une cinglante critique de Gounod vis à vis de la société du XIXème siècle, source d’un ennui dépressif?
Sur la scène de Bastille, chaque tableau illustre les fantasmes du professeur régénéré: chacune des réalisations propice à satisfaire sa soif des plaisirs fait référence à sa culture livresque; en chercheur, abonné aux rayonnages de bibliothèque (dont les pans de livres servent de décor), Faust met en scène une figure dont il a lu la description dans les livres dont évidemment le … Faust de Goethe.
Ici, Faust est déjà conquis par le noir dessein de Méphistophélès: son âme est dès le début de l’action, acquise. C’est Marguerite qui est la vraie proie du diable: soumise, éperdue, amoureuse et malgré elle, et matricide et infanticide, la jeune femme paraît en héroïne de roman: crédule image d’une femme consentante (le fantasme idéal pour Faust). Mais en cours d’action, la figure prend consistance, et même conscience: elle se détourne de Faust (tu me fais horreur!) parce qu’elle a, in extremis, mesuré toute la noirceur cynique amère du jeune homme qui s’est vendu au diable… et a failli la plonger aux enfers.
Met, Toulon, Paris, Liceu: vague mondiale pour Faust
Alors que l’Opéra Bastille, affiche à partir du 22 septembre 2011, un nouveau Faust prometteur grâce à l’excellent Roberto Alagna, d’autres théâtres cèdent leur scène à une véritable vague faustéenne: Londres (Covent Garden, dès le 18 septembre: McVicar, mise en scène avec Angela Gheorghiu, Vittorio Grigolo, René Pape); Le Met de New York offre lui aussi sa vision à partir du 29 novembre 2011 (Des McAnuff, mise en scène, avec Marina Poplavskaya qui y remplace une Gheroghiu initialement prévue mais qui a décidé de se retirer d’une production dont elle ne partageait pas les options scéniques… ; aux côtés de Poplavskaya, notons la présence de Jonas Kaufmann et de René Pape); après Kaufmann/Pape, ce sont Roberto Alagna puis Joseph Caleja qui succèderont à Jonas Kaufmann pour la suite de ce Faut métropolitain. Enfin deux autres maisons européennes accueillent le chef d’oeuvre de Charles Gounod: l’Opéra de Toulon, du 7 au 13 octobre 2011; comme le Liceu de Barcelonne (présentation en ouverture de sa nouvelle saison d’une série d’extraits), du 7 au 28 octobre 2011.
Alain Altinoglu, direction
Jean-Louis Martinoty, mise en scène
Charles Gounod: Faust
Du 22 septembre au 25 octobre 2011
Paris, Opéra Bastille