vendredi 29 mars 2024

CD, réédition événement. WAGNER : le PARSIFAL sublime et ciselé de Solti (DECCA, 1972)

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solti wagner parsifal cd critique cd review par classiquenews cd 71IKlp3X8+L._SY355_CD, réédition événement. WAGNER : le PARSIFAL sublime et ciselé de Solti (DECCA, 1972). 46 ans après son enregistrement, voici un Parsifal à la fois subtile et profond, dont le chant articulé et jamais appuyé des chanteurs, la couleur transparente, parfois suspendue de l’orchestre (somptueuse philharmonie de Berlin), la lecture affûtée défendue par le geste du maestro (alors à son meilleur car il ne sacrifie jamais l’éloquence sur l’autel de la pure démonstration)… réalisent en définitive une version de référence, légendaire même, avec celle de Karajan. Evidemment le choix des tempéraments lyriques, retenus par le chef hongrois marque profondément la vérité et la sincérité du message musical : brillent par leur humanité d’acteurs nés, au chant ciselé : le Titurel de Hans Hotter (diseur absolu), le Gurnemanz de Gottlob Frick, le Parsifal de René Kollo (dont le timbre a alors cette douceur adolescente très juste) ; l’incroyable Kundry de Christa Ludwig : sirène monstrueuse puis bête perdue, pêcheresse en quête du pardon… L’équilibre expressif, une retenue magicienne dans la direction font surgir ce miracle (cd3 / Acte III) inespéré d’un monde enfin sauvé par le pur et le chaste, celui qui sait compatir et souffrir avec chaque âme en souffrance; par son humanisme sincère.

Au moment où l’Opéra Bastille annonce une nouvelle production de Parsifal à Paris, dans une mise en scène qui ne promet pas d’être un événement (signée Richard Jones, à voir : Paris, Opéra Bastille, du 27 avril au 23 mai 2018), voici DECCA qui nous régale en rééditant en version remastérisée, la lecture du grand magicien du son spatialisé, de l’acuité des timbres, de la séduction « hongroise » en un geste d’une précision toujours très musicale : Georg Solti. A Vienne en mars 1972, dans la Sofiensaal, le maestro complète ainsi son cycle wagnérien au disque, initié de 1958 à 1964 (RING), avec le Philharmonique de Vienne déjà, dans un Ring demeuré historique et visionnaire car ce fut la première intégrale enregistrée en stéréo (faisant alors les délices des mélomanes et le succès de la firme). Chez Solti, la somptuosité sonore est toujours au service de l’intention des situations et du sens profond des scènes. Souple et intérieur, le geste sait dévoiler sans l’épuiser l’activité souterraine (psyché) qui pilote chaque être (ample monologue sur la désolation du monde et de la société des chevaliers, par Gurnemanz au début du III).

Prenons l’exemple du CD3 : D’une grâce absolue et parfois portée par un abandon languissant (chant des filles fleurs prêtes à envoûter le jeune vierge Parsifal) : la seule voix si charnelle et comme blessée de Lucia Popp parmi les créatures de séduction colore toute la séquence d’un parfum d’une humanité inouïe, distillant un charme tenace ; on comprend que l’élu doive s’armer de résistance décuplée… avant sa confrontation avec la femme fatale, Kundry, dernière illusion ourdie par le mage Klingsor). Là encore le choix des voix s’avère profitable : l’acuité expressive de Solti ciselant un duo expressif d’une grande justesse : Christa Ludwig est au sommet de sa maturité vocale / voix mémorielle, voix faussement maternelle destinée à troubler le jeune homme, un temps perdu par cette confrontation imprévue.
Solti décuple un jeu lascif, faisant miroiter les timbres (bois et cordes) d’une subtile et pernicieuse volupté : René Kollo en son timbre d’une douceur angélique exprime alors l’innocence à l’épreuve du désir naissant : c’est pourtant à l’épreuve de ce feu mordant (le baiser de Kundry) que l’élu devient Parsifal, sa conscience aiguisée, sublimée par l’expérience de la compassion, puisqu’alors ayant résisté à l’assaut de la Femme sirène (Ewig ewig von mir ! / morte, morte pour moi), le garçon comprend le sens de la blessure d’Amfortas, le roi-prêtre qui a été faible (Kundry l’a séduit antérieurement)… Parsifal ressent la souffrance de celui dont la douleur le bouleverse.
Puis c’est Kundry la souveraine pêcheresse, créature manipulée de Klingsor qui se repent, succombe face au joyau moral qu’incarne l’élu Parsifal… Un très grand moment de ce Parsifal historique, auquel Solti apporte une cristallisation sonore et musicale dans un chatoiement de couleurs et d’accents permis aussi par les excellents instrumentistes viennois. L’orchestre wagnérien, organe psychologique et émotionnel peut désormais en vagues et vertiges assumés, incarner les tourments de la culpabilité, et aussi, grand thème wagnérien, l’espérance d’une humanité meilleure.
La scène raconte ce grand bouleversement des âmes affrontées, finalement apaisées. Ce cri de Kundry (Ludwig détruite, avant l’immense Waltraud Meieer, son héritière directe) incarne la métamorphose suprême qui est à l’oeuvre : la musique porte et permet un éveil de la conscience, éclaire l’écoute par son appel à la transcendance morale et spirituelle. Solti l’a bien compris qui nuance tout l’orchestre au diapason de cette conception humaniste de l’art musical. MUST ABSOLU et évidemment CLIC de CLASSIQUENEWS du printemps 2018. A réécouter d’urgence si vous comptez aller assister au spectacle / Festival sacré, affiché à Bastille en avril et mai 2018.

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CLIC_macaron_2014CD, compte rendu critique. WAGNER : PARSIFAL. SOLTI, Vienne 1972, réédition version remastérisé 24-Bit 96 Khz. 4 cd + BlurayDisc 483 2510 DECCA. CLIC de classiquenews, printemps 2018

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