CD. Pergolesi / Pergolese : Stabat Mater (Yoncheva, Deshayes, Amarilis, 2016, 1 cd SONY classical). Voilà une version ambivalente qui ne manquera pas de susciter la polémique : l’orchestre sur instruments d’époque d’Amaryllis sonne parfois et dès le début, aigre, voire acide, continument allégé et comme « objectif » ; les deux voix, suaves ou « sirupeuses » à souhait, selon les avis, détonnent ou saisissant par leur forte incarnation (dont l’amplitude plus romantique, du côté de Sonya Yoncheva) : d’une sensualité embrasée pour la soprano bulgare dont on reste enivré par la ligne caressante d’un bout à l’autre ; d’une gravité parfois forcée, parfois « inaudible » chez Karine Deshayes probablement peu à son aise dans une partie plus grave que sa tessiture habituelle.
Très lyrique voire opératique, le Quam tristis s’impose par son format plus théâtral que fervent, d’autant plus investi par les deux voix. D’une façon générale, ce que réalise l’orchestre en articulation et explicitation instrumentales est démenti par la ligne des voix, peux intelligibles, plus soucieuses d’intonation (délectable), que de texte. Voilà pour l’ipression globale.
Le Quae moerebat et dolebat pour l’alto/mezzo, fait entendre les limites de la réalisation : des cordes tendues et droites bien peu complices d’une voix qui dramatise à l’excès. Même constat dans le Vidit suum pour soprano où les cordes acides semblent hurler dans un univers qui n’a rien à partager avec le moelleux sensuel de la cantatrice, – chant solitaire, hédoniste, totalement enivré par sa propre intensité.
Heureusement, à l’inverse, la séquence qui suit Quis est homo, déploie le verbe voluptueux des deux voix, enfin mieux accordées. Dans des couleurs d’un dolorisme plus finement énoncé, quoique entre les deux chanteuses, rarement concordant.
L’urgence quasi brûlée du Fac ut ardent (VOIR LE CLIP VIDEO), par ses vocalises croisées, – flammes ardentes-, accorde mieux les deux parties vocales et les cordes de l’orchestre, canalisées sur le mode d’une âpreté parfaitement tranchante, pourtant au moelleux chantant.
Le plus languissant – Quando corpus morietur, volet conclusif semble abandonner toute volonté et toute matérialité : sur le fil du souffle, plus suggestif et mieux à écoute l’une de l’autre, les deux voix réussissent la séquence la plus convaincante, par la sincérité du geste vocal, et l’atténuation poétique des instruments, comme soudainement saisi par la gravité et l’horreur du sujet sacré : le deuil et la souffrance de la Mère, au pied de la Croix où a espéré son Fils sacrifié. Dans les deux pièces de compositeurs napolitains, esthétiquement proches de Pergolesi (Mancini, Durante), les instrumentistes d’Amarilis font valoir deux qualités opérant un charme certain : flexibilité et implication. Jamais neutre, le tempérament des chanteuses et des musiciens réunis pour ce programme napolitain baroque saura séduire les fans.
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VOIR aussi notre CLIP VIDEO Stabat Mater de Pergolesi / Fac ut Ardent par Sonya Yoncheva et Deshayes
CD. Pergolesi / Pergolèse : Stabat Mater (Yoncheva, Deshayes, Amarilis, 2016, 1 cd SONY classical). Enregistré à Paris en juin 2016.