CD, critique. RESOUND BEETHOVEN, vol. 4. Beethoven : EROICA, Symphonie n°3 (1804), Septuor (1800). Orchester Wiener Akademie. Martin Haselböek, direction (1 cd Alpha, 2016). VIENNE, le 9 juin 1804… Inspiré par un souci d’authenticité sans prétendre l’atteindre totalement, le projet défendu par l’ensemble viennois sur instruments d’époque, Orchester Wierner Akademie poursuit son intégrale Beethoven, réalisant l’enregistrement des opus de Beethoven… dans salles et lieux qui ont accueilli chaque création. Ainsi pour l’Eroica, créée en 1804, il fallait bien cette prise in situ au palais Lobkowitz, résidence du prince Lobkowitz, commanditaire et protecteur de l’œuvre ici enregistrée en mai 2016 : le concert enregistré sur le vif se déroule dans « le hall Eroica » du palais concerné… Quelques mois plus tard, en voici la publication. Evidemment l’enregistrement respecte une certaine volatilité spatiale liée à la configuration du site historique (qui n’est pas une salle construite pour le concert). Sans savoir ce que Beethoven pensa des conditions de création, l’écoute est d’abord déconcertée par une prise globale et lointaine, qui noie certaines parties, diluant et mêlant tout le spectre des timbres intermédiaires ; puis l’oreille s’habitue à cette globalité où percent par endroits et intermittence certains timbre très caractérisé, – instruments d’époque oblige (flûte, cuivre, hautbois.…).
Entre exaltation et amertume voire désillusion, l’Eroica serait donc dédiée d’abord au héros mythique Bonaparte (exaltation), icône emblématique des idéaux de la Révolution, puis spectre renié après sa nomination comme empereur, c’est à dire tyran comme les autres (désillusion). La fureur qui se déverse tel un torrent guerrier répond bien à cette dédicace pour le général d’abord admiré : félin, sanguin, éruptif et conquérant, Beethoven en apôtre d’un nouveau langage fait ruptures et déflagrations, affirme une époustouflante volonté par le seul chant des instruments, surtout par la clarté de son développement, et la virilité équilibrée, puissante mais aussi caressante et suave de son architecture.
On connaît lecture plus acérée, affûtée, autrement mieux plus saisie comme portée par l’urgence (Immerseel, le dernier Harnoncourt). En manque de fièvre, et finalement d’une atténuation toute viennoise, parfois anecdotique, le chef Martin Haselböck se laisse souvent porter lui-même par l’éloquence naturelle des superbes instruments d’époque qui donnent chair, relief, muscles et nerfs à la partition frénétique (cet abandon reste surtout perceptible dans le premier mouvement, Allegro con brio).
La Marcia funèbre qui suit semble elle aussi, chercher son but, énoncée sur un même plan de nuances comme d’accents (et cela malgré la noblesse rugissante des cors, entre autres…). Plus agitée que réellement fiévreuse, la pulsion du Scherzo n’atteint pas l’électricité requise; en guise de résolution, en un maelström, résolument hédoniste (onctuosité des bois et vents : hautbois, clarinette, flûte…), que souligne la prise dans l’ensemble peu détaillée, le Finale séduit davantage par son abandon … quoique la tension de départ finisse par se disperser, et le tourbillon déclenché, par tourner à vide. Le propos n’est pas inintéressant pour autant car la seule beauté des timbres instrumentaux offre une vision plus sensuelle et foisonnante que bien d’autres approches sur instruments modernes, lesquelles ne pourraient prétendre atteindre une telle richesse de couleurs. Cependant, à l’inverse, le présent enregistrement montre au-delà de l’occurence dans un lieu originel, contemporain du Beethoven créateur, les limites d’une lecture sur instruments d‘époque : il ne suffit pas de diriger un ensemble de musiciens rompus à la pratique sur instruments anciens pour réussir sa lecture : l’esprit, la fièvre, la vision manquent indiscutablement ici pour réaliser une approche véritablement captivante.
Plus ancien, le Septuor (dont Schubert s’inspira pour son octuor de 1824) fait valoir les mêmes limites et attraits que nous avons identifiés précédemment : grande séduction organologie, timbres opulents, et de la part des 7 instrumentistes, un geste collectif ample, qui sait flatter, séduire et parfois s’alanguir, en miroir d’une élégance proprement viennoise, car de fait, la prise in situ, exprime parfaitement la séduction d’une soirée musicale dans un salon de l’aristocratie viennoise, celle qui comprit aussitôt le génie de Beethoven. Réussite pour le coup spatiale et sonore, même si d’après les témoignages l’unique Septuor de Beethoven eut lieu le 2 avril 1800, au Burgtheater de Vienne. Les 6 solistes savent en exprimer l’éloquente activité, flux concertant permanent à travers ses 6 séquences : la vivacité en étant le caractère premier, s’agissant d’une partition que Beethoven renia ensuite quelque peu, agacé même de sa popularité grandissante…
CD, critique. RESOUND BEETHOVEN volume 4 : Beethoven, EROICA, Symphonie n°3 (1804), Septuor (1800). Orchester Wiener Akademie. Martin Haselböek, direction. 2 cd Alpha 474 — durée : 1h30mn.