CD, critique. KORNGOLD, ZEMLINSKY : Trio (Stefan Zweig Trio, ARS Produktion, mai 2018). On ne saura assez souligner le redoutable défi que représente le Trio du très jeune Korngold, dont la précocité n’égale qu’un seul avant lui : Mozart. D’ailleurs le Viennois partageait avec le Salzbourgeois, le même prénom, « Amadeus ». C’est essentiellement dans les passages très contrastés du second mouvement « Scherzo / Allegro » que les instrumentistes (jeunes) s’en tirent le mieux, exprimant ce caractère de caprice détaché, cette humeur burlesque et fantasque qui ressemble tant à la versatilité bavaroise et néoviennoise d’un … Richard Strauss. Le Trio Stefan Zweig a fait ses débuts à Vienne en 2012, ville où il s’est naturellement créé (et qui justifie le choix des oeuvres ici)… saluons le courage malgré leur faible expérience d’aborder deux oeuvres qui réclament finesse voire subtilité, maîtrise alogique et hypersensibilité expressive. L’élan, la passion, l’extase et sa parodie immédiate, les vertiges nés d’une hypersensibilité éperdue, ces allers retours permanents qui semblent faire la critique du style romantique et néobaroque (un point qui a permis au génie straussien de briller spécifiquement) composent le terreau du style si virtuose et
éclectique parfois déconcertant de Korngold, Mozart du XXè, précoce et hyper doué … à l’opéra (Somptueuse, sensuelle et vénéneuse partition de La ville morte / Die Töte Stadt) et donc en musique de chambre … comme l’atteste cet éblouissant Trio Opus 1 conçue en 1909 / 1910, (dédié à son cher « papa »), véritable synthèse de toute l’histoire romantique viennoise.
KORNGOLD, MOZART ART NOUVEAU
Si l’on manque parfois ici de séduction au 3è degré, de nuances infimes et ténues (certes si difficiles à obtenir), le mouvement III : Larghetto, fait valoir le sens de la respiration et de la ligne, donc de la profondeur et d’une nouvelle gravitas, assez délectable. C’est moins Strauss que Wagner et ses climats suspendus qui paraissent en filigrane, un sentiment d’extase encore mais inquiet et interrogatif. Ainsi se précise dans sa clarté raffinée et presque énigmatique (selon les interprètes), la passion de Korngold, singulière, à la fois classique et harmoniquement consciente des avancées de la seconde école de Vienne (Berg, Schoenberg…) ; une passion marquée par la pudeur et l’hypersensibilité qui font de son écriture le legs le plus impressionnant et le plus bouleversant après Brahms. D’ailleurs Korngold naît l’année de la mort de Johannes, 1897. On sait la précocité du jeune Wolfgang capable d’écrire entre autres son premier opéra Apollo et Hyacinthus à seulement 11 ans ! Même précocité pour Korngold à Vienne, qui élabore son Trio pour piano à …13 ans, avec une sensibilité qui égale selon nous le jeune Strauss, en raffinement, dramatisme, richesse poétique, exigence agogique… un défi pour les instrumentistes. Les trois musiciens savent en effet comprendre la très fine structure de l’opus, faussement interrompu et séquentiel, en réalité, architecturé par une constellation de micro épisodes, ayant chacun leur pulsion et couleur propre, que le geste instrumental doit unifier, rendre cohérent, envelopper. Ce qui est réalisé ici avec un panache, une imagination, réels. Le génie mordant, syncopé, délirant, lumineux, d’un Korngold frappé préadolescent par la grâce de la justesse et de la profondeur, se révèle dans cette lecture très fouillée, certes encore perfectible mais plus qu’attachante.
Chez Zemlinsky, auteur contemporain de la Secession Viennoise de 1897, – contemporain aussi de l’avènement du chef Gustav Mahler à l’Opéra de Vienne-, l’emprise de Brahms est nettement durable, plus présente encore que chez le jeune Korngold. Il est vrai que Zemlinsky fut très marqué par sa rencontre avec Johannes lors du Concours auquel il se présenta en 1896 et pour lequel en hommage à son modèle, il écrivit un Trio pour clarinette, claire référence à l’oeuvre de Brahms (Trio opus 114). Le Trio ici transcrit pour violon, violoncelle et piano est l’œuvre d’un compositeur jeune mais mûr (25 ans), beaucoup moins audacieux et imaginatif que peut l’être Korngold lorsqu’il écrit son propre Trio de 1909.
Moins sollicités en microclimats et volubilité versatile, les instrumentistes du Stefan Zweig Trio relève les défis d’une partition qui impose surtout un climat presque pesant et étouffant du fait de sa richesse harmonique. Brahmsien certes, Zemlinsky sait alléger en synthèse et en classicisme, la pâte émotionnelle. Son sentiment est plus équilibré et donc peut-être moins ambivalent que celle de son maître.
En témoigne l’admirable mouvement central (Andante, de presque 9 mn) dont l’éloquencee est celle d’une âme aussi ardente que pudique… égalant l’effusion ineffable de Brahms lui-même. Zemlinsky s’est montré digne de l’intérêt que lui manifesta le grand Johannes. Bouleversant. Très bon récital, défendu par de jeunes et solides instrumentistes. CLIC de CLASSIQUENEWS de novembre 2018.
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Présentation en allemand par l’éditeur ARS Produktion
Stefan Zweig Trio – Korngold, Zemlinsky
Mit den Klaviertrios von Alexander Zemlinsky (1871-1942) und Erich Wolfgang Korngold (1897-1957), in den Jahren 1896 und 1909/10 entstanden, vereint diese SACD Kompositionen, die – passend zur Wende vom 19. zum 20. Jahrhundert – Rückschau und Ausblick vereinen.
Das Stefan Zweig Trio wurde 2012 von Sibila Konstantinova (Klavier), Kei Shirai (Violine) und Tristan Cornut (Violoncello) in Wien gegründet. Seine an bedeutenden europäischen Musikuniversitäten ausgebildeten Mitglieder gingen als Preisträger aus wichtigen internationalen Wettbewerben wie dem Internationalen Wettbewerb der ARD München, der Melbourne International Chamber Music Competition und der Sendai International Music Competition hervor. 2013 erreichten die Musiker gemeinsam das Semifinale des Münchener ARD-Wettbewerbs, 2015 gewannen sie den Ersten Preis und den Publikumspreis beim Internationalen Joseph Haydn Kammermusikwettbewerb in Wien. Wichtige künstlerische Impulse erhielt das Ensemble durch Johannes Meissl, Avedis Kouyoumdjian und Hatto Beyerle im Rahmen der European Chamber Music Academy (ECMA).
2015 gab das Stefan Zweig Trio sein Debut in der Wigmore Hall London, 2016 tratt es zum ersten Mal im Gläsernen Saal des Musikvereins Wien auf.
Mit der Wahl des Wiener Schriftstellers Stefan Zweig zum Namenspatron ihres Ensembles bringen die drei Musiker zugleich ihre Affinität zur hiesigen Musiktradition und ihr künstlerisches Credo in Anlehnung an das charakter- und gefühlvolle Werk des Schriftstellers zum Ausdruck.
SITE SOURCE :
http://www.ars-produktion.de
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Programme :
Erich Wolfgang Korngold (1897–1957)
Trio für Klavier, Violine und Violoncello op. 1 D-Dur
1 I Allegro non troppo, con espressione | 10 : 44
2 II Scherzo. Allegro | 6 : 59
3 III Larghetto. Sehr langsam | 7 : 14
4 III Finale. Allegro molto energico | 7 : 40
Alexander Zemlinsky (1871–1942)
Trio fÜr Klavier, Violine und Violoncello op. 3 d-moll
7 I Allegro ma non troppo | 12 : 56
8 II Andante | 8 : 54
9 III Allegro | 5 : 29
LIRE la présentation du cd des TRIOS de Korngold et Zemlinsky / par le Trio Stefan Zweig sur le site de l’éditeur ARS Produktion
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AGENDA, concerts à venir : les 3 instrumentistes du TRIO Stefan ZWEIG joueront le programme de leur premier disque (Trios de Korngold et Zemlinsky), mercredi 27 février 2019 au KONZERTHAUS BERLIN GER