CD, critique. BERLIOZ : Roméo et Juliette (San Francisco Symph / M Tilson-Thomas, 2017, 1 cd SFS Media). Pas facile de réussir une partition emblématique du génie berliozien, ni opéra, ni oratorio, presque légende dramatique, plutôt ample poème symphonique et lyrique ( : ainsi en est-il de la création chez Hector : innover toujours des formes musicales, repousser toujours plus loin les possibilités et performances expressives de l’orchestre. Roméo et Juliette exprime ainsi la passion de Berlioz pour Shalespeare, et aussi sa facilité à inventer : l’opus 17 est donc intitulé « symphonie dramatique », précisément « symphonie avec choeur » : tout commence et tout revient au chant de l’orchestre. L’ouvrage entre la symphoniqe et l’opéra, est amorcé dès 1839 et révisée encore en … 1846. En 1827, au Théâtre de l’Odéon, Berlioz âgé de 23 ans, découvre la pièce Roméo et Juliette dont le rôle est incarné par l’actrice irlandaise Harriet Smithson : tous les parisiens romantiques en tombent amoureux dont Hector le premier qui fixe sur elle, l’ensemble de ses désirs et fantasmes les plus fous. Harriet incarne aussi Ophélie et Desdémone, dans Hamlet et Otello. Ce Festival Shakespeare impressionne Berlioz qui entend en traduire la force et la sincérité dans sa propre oeuvre symphonique. Les deux se marient finalement en 1833, pour se séparer en 1840 ; Harriet sombrant peu à peu dans l’alcoolisme.
Après le don de 20 000 francs alloué par l’altiste violoniste Paganini à Berlioz (après écoute de Harold en Italie), le compositeur français, plus à l’aise financièrement, peut en 1839 réviser sérieusement la première version de Roméo et Juliette. Il y fusionne fantaisie, intensité, nouveauté symphonique. En 3 parties et 8 mouvements, la frsque orchestrale d’un nouveau genre, évoque avec passion le climat de Vérone à l’heure des querelles entre Montaigus et Capulets. Refroidi par l’échec de son opéra italien Benvenuto Cellini, Berlioz préfère produire une nouvelle forme de spectacle musical total.
Le défi essentiel pour le chef est d’exprimer par le seul chant de l’orchestre les passions sensuelles et tragiques du couple mythique, Roméo et Juliette, aussi éperdu qu’impuissant. Ainsi les duos d’amour, de désespoir solitaire sont confiés à l’orchestre. Les instruments permettent un imaginaire sans limite, sans la frontière du mot qui tend à circonscrire toute poésie. C’est pourquoi il faut un maestro d’une précision suggestive idéale, un orfèvre, un architecte, et surtout un… poète ; capable de nuances, de phrasés, de souffle autant que d’accents. Osons dire ici que Michael Tilson-Thomas trouve des couleurs très justes, en particulier dans l’épisode central de la partie 2 (Au jardin des Capulet : la scène d’amour), ou encore la séquence II de la partie 3 (Romeo sur la tombe des Capulets)… Il manque cependant une finesse et une diversité expressive dans l’approche et l’intonation ; manque qui tend à lisser tout l’édifice et le chant orchestral, lequel finit par sonner dur, tendu, sans guère de subtilité ambivalente. Néanmoins pour un orchestre américain, peu familier de ce répertoire, saluons l’engagement et le nerf général du début à la fin, en particulier l’énergie et la détermination des cordes dès l’Introduction. Côté soliste, le mezzo charnu de Sasha Cooke porte l’extrême sensualité du premier air (évoquant les premiers transports, premiers émois des deux amants) ; son français cependant est moins intelligible que l’excellent chœur maison (San Francisco Symphony Chorus), ou que celui de son compatriote Nicholas Phan, ténor fin et racé. Une version très honnêtement défendue, et qui vaut surtout par l’engagement du chœur, et la bonne tenue du collectif orchestral californien.
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CD, critique. BERLIOZ : Roméo et Juliette (San Francisco Symph / M Tilson-Thomas, 2017, 1 cd SFS Media)
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VOIR la video sur le site du SAN FRANCISCO SYMPH ORCHESTRA / MT THOMAS
https://www.sfsymphony.org/Berlioz?fbclid=IwAR1dBMxkxWKXohq3v4w9VuaupjV6AoWmjMTFjldgcP7Q1ViSbUnQpblsVZk
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San Francisco Symphony
Michael Tilson Thomas
Sasha Cooke, mezzo-soprano
Nicholas Phan, tenor
Luca Pisaroni, bass-baritone
San Francisco Symphony Chorus
Roméo et Juliet, Opus 17
Part 1
I. Introduction and Prologue
Part 2
II. Romeo Alone—Festivity at the Capulets’
III. The Capulets’ Garden—Love Scene
IV. Scherzo: Queen Mab
Part 3
I. Second Prologue—Juliet’s Funeral Cortège
II. Romeo in the Tomb of the Capulets
III. Finale: Brawl between the Capulets and the Montagues
IV. Friar Laurence’s Recitative and Aria
V. Oath of Reconciliation
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