vendredi 25 avril 2025

CD, compte rendu critique. JOYCE DIDONATO : In war & peace (1 cd Erato)

A lire aussi

didonato war and peace cd review critique classiquenews inwarandpieceCD, compte rendu critique. JOYCE DIDONATO : In war & peace (1 cd Erato). LA PAIX EST-ELLE ENCORE DE CE MONDE ? Dans un récital élaboré après les terribles attentats en France, (-enregistré ici en mars 2016, après une tournée de concerts), Joyce DiDonato espère retrouver et diffuser un peu d’apaisement grâce à son chant très habité… – vrai réconfort en terres baroques : sincère, radieux, engagé. Telle une conscience personnelle saisie par l’horreur contemporaine, celle des attentats de Paris en novembre 2015, tout en recueillant la fibre tragique et noire, la diva sait aussi, surtout exprimer l’espoir de mondes meilleurs ; chanter les Ténèbres, délimiter leur périmètre palpitant, pour mieux en déduire la lumière… Tout le récital puise sa (furieuse) énergie, tendue, électrique, voix et orchestre, dans cette exaltation exacerbée, portée vers cette nécessité de la rémission… future.

 

 

 

DIDONATO-Joyce-diva-mezzo-classiquenews-review-cd-critique-cd-war-peace-clic-de-classiquenews-c_simon_pauly_berlin_2016_web_72dpi_1024pxCassandre annonciatrice du Chaos et de l’Apocalypse, la diva frénétique et expressionniste, sait sculpter les contrastes expressifs et poétiques dans 3 airs baroques napolitains qui sont des premières : de Leo et Jommelli (le compositeur dont parle Balzac dans ses nouvelles musicales). Entre tendresse murmurée et fureur déraisonnable, entre tempête et silence émotionnel, la mezzo fait étinceler son timbre cuivré et tendu avec une maîtrise manifeste : Andromaque aux angoisses maternels ; Sesto électrisé par une rage vengeresse … permettent aussi au milieu de cette surenchère radicale, la lyre sensuellement terrassée et enveloppante – d’une douceur nostalgique, du Purcell (prière pacifiste et fraternelle l’Inca Orazia, figure du pardon absolu, pourtant terrassé : quel symbole !) D’autant que la voix se fait caressante et d’une ductilité élégiaque splendide. Qui résisterait à pareille invitation au renoncement total ? Aimant le contraste, voici immédiatement, les cordes hurlantes, tendues là encore du Pensieri d’Aggrippina (Handel, 1709), mère ambitieuse, monstre et femme à la fois, dépeinte ici en un torrent presque insupportable de haine guerrière : pas de repos pour le guerrier. La guerre signifie la négation de l’humain. A méditer donc.
Enfin concluant la première partie « WAR / Guerre », voici l’ineffable abandon de la reine carthaginoise expirant, Didon mourant dans la musique, grâce à Purcell : existe-t-il dans ce contexte contemporain des victimes du terrorisme, pareille déploration à la vie, là aussi renoncement et détachement serein ?
Dans « PEACE / paix », 8 airs pareillement agencés, soignant contrastes et profondeur. Lamento, le dernier visiblement conçu par Purcell en 1695 (Lead me to some peaceful gloom de l’opéra Bonduca/Boadicée) : sens du texte, incarnation ciselée, intériorité hallucinée et ligne d’une sensualité à la fois contournée mais d’une intonation franche et claire, l’imprécation de la mezzo sublime la portée expressive,doloriste du texte ainsi ressuscité (rarement donné). Augelletti de Almirena dans Rinaldo de Handel, chant aux oiseaux, rentre idéalement dans le thème.
CLIC_macaron_2014Le coloratoure du Jommelli qui suit, rien que virtuose et exalté, conquérant, infiniment moins profond que ce qui précède (Sprezza il furor del vento d’Attilio Regolo, 1753), et d’une formulation répétitive, dépare dans ce volet pacifiste.
Frémissantes, à l’écoute des éléments qui rassérènent manifestement : les héroïnes suivantes telles Susanna (1749) chez Handel, puis Penelope chez Monteverdi (Il Ritorno, 1640), allégorie d’une harmonie enfin recouvrée, illustrent la couleur pacifiante de ce dernier volet, le mieux chantant. Le formidable relief linguistique, l’articulation naturelle de la diva baroque séduisent immanquablement, dans un récital conçu avec la sensibilité et la générosité, le tempérament palpitant de la cantatrice américaine. L’accompagnement d’Il Pomodoro a choisi de tendre la corde, parfois, jusqu’à la rupture. Face à cette nervosité constante, le muscle plus incarné, – humain, de la fraternelle diva, apaise, rassure, y compris quand elle s’emporte (mais avec tact et style). Convaincant.

_______________________
CD, compte rendu critique. JOYCE DIDONATO, mezzo-soprano : In war & peace (1 cd Erato) — Handel, Leo, Jommelli, Purcell, Monteverdi. Il Pomodoro. Maxim Emelyanychev, direction — enregistré en mars 2016 – Grand Hotel Toblach.

 

 

didonato-in-war-and-peace-cd-review-cd-critique-classiquenews-582-

Derniers articles

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img