CD, coffret. Karl Böhm : Great recordings, 1953 – 1972 (17 cd Deutsche Grammophon). Grand chef lyrique, Karl Böhm malgré son allégeance aux nazis rélise une carrière impressionnante après guère, dont témoigne ce second coffret DG Deutsche Grammophon et qui réunit les enregistrements symphoniques et concertants, de 1953 à 1972 (soit 22 ans avant sa mort). Grand défenseur avec Karajan du patrimoine germanique, orchestral et donc lyrique (ultime Tétralogie de Wieland Wagner à bayreuth de 1965 à 1967), Böhm incarne cette sobriété efficace, une réelle sensibilité au drame, un jeu d’équilibriste qui a toujours su se mettre au service de la musique. Si ses accointances national-socialistes peuvent heurter, ses dispositions comme serviteur des oeuvres suscitent l’admiration. En témoignent le contenu de ce nouveau coffret qui complète avantageusement le premier (KARL BÖHM : Late recordings. Vienne, Londres, Dresde, 1969 – 1980, 23 cd DG Deutsche Grammophon / édité en juin 2016).
Dans un son compact, ses Beethoven avec le Berliner Philharmoniker (1953, 1958, 1961 : Symphonies 3, 5 et 7) ne manquent pas d’énergie conquérante. Et la Missa Solemnis réalisé à Berlin en 1955, fait entendre un orfèvre qui recherche la poésie malgré la puissance de l’architecture (et une prise lointaine, globale, donc plus solennelle et pompeuse que celle à Vienne des Quatre Saisons). D’ailleurs, dans les Quatre Saisons de Haydn (réalisées à Vienne en 1967), le chef autrichien né à Graz, se montre fin et chambriste dans une partition dont beaucoup souligne l’ampleur un rien décorative (articulation du discours d’une indéniable finesse, détaillée et vive, avec le Wiener Philharmoniker, et une distribution convaincante dont Gundula Janowitz, Peter Schreier)…
Son Mahler de 1963 avec les Berliner et l’immense Dietrich Fischer-Dieskau (Kindertotenlieder, Rückert-lieder) marque un sommet de la période.
Mais le volet le plus intéressant, aux côtés de ses Mozart (Ein kleine Nachtmusik, Berliner 1956 : tentative réussie, saisie sur le vif, d’élégance viennoise apprise par les Berlinois), demeure son approche du Richard Strauss symphoniste (le plus grand à la fin du XIXè / début XXè, avec Mahler justement) : le coffret relève et dévoile sa finesse de conception, une attention au détail comme au souffle global. Ainsi s’affirment à nous aujourd’hui, la poésie dramatique, comme enivrée et d’une activité irrépressible : Till Eulenspiegel (avec la Staatskapelle Dresden, 1957), Don Juan (Berliner, 1963), Eine Alpensinfonie (Belriner, 1963), l’exceptionnelle Une vie de héros (Ein Heldenleben opus 40 (S. Dresden, 1957, dans une acoustique aérée, réverbérée d’une étonnante présence spatiale). Dans le cd 16, Karl Böhm se réconte lui-même (en allemand : Erzähltes leben), et complément tout aussi enrichissant, le cd 17 offre une répétition intégrale de la 9è « La Grande » de Schubert, suivi de sa performance (Berliner Phil., 1963). Une immersion dans le chaudron matriciel où un maître alchimiste affine, peaufine, cisèle encore et toujours la matière musicale. Passionnant.
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LIRE aussi notre critique complète du coffret KARL BÖHM : Late recordings (1969 – 1980), CLIC de CLASSIQUENEWS de juin 2016 / « Böhm : le poète et l’architecte ».