CD, coffret, événement, critique. BERLIOZ rediscovered (8 cd, 1 dvd Decca). Pour les 150 ans du grand Berlioz, Decca exhume les enregistrements historiques réalisés par Gardiner pour Philips. Le chef a dirigé Les Troyens au Châtelet, fait marquant de l’histoire du Théâtre parisien : Gardiner comme ses compatriotes et prédécesseurs Thomas Beecham ou Colin Davis, perpétue la flamme berliozienne depuis l’Angleterre. La noblesse nerveuse néoantique, néogluckiste ici, d’Hector continue de fasciner nos voisins abonnés au Brexit. Leur culte de Berlioz (né le 11 décembre 1803 à la Côte-Saint-André en Isère ; et mort à Paris le 8 mars 1869) prend une consistance particulière grâce à ce coffret événement, regroupant 8 cd et 1 dvd. Berlioz redécouvert désigne l’apport des instruments historiques, ceux de l’Orchestre Révolutionnaire et Romantique sous la baguette fièvreuse du Britannique John Eliot Gardiner. Depuis l’Opéra de Lyon aussi, où avec l’orchestre maison, il enregistre la Damnation de Faust, en un geste aussi concis, affûté qu’intense.
Les couleurs sont contrastées, vives, fouettées, mais mieux équilibrées qu’au concert, belle dynamique optimisée que permet l’enregistrement studio. Fougueux, Gardiner « ose » Berlioz davantage comme un révolutionnaire que comme un Romantique. Le compositeur qui se disait surtout « classique », dans l’adoration de Gluck, n’aurait peut-être pas adhérer à tant de violents accents et de trépidante sensibilité musicale : n’empêche, voici l’éloquente Messe Solennelle, première partition d’envergure d’un compositeur de 22 ans (créée en 1825), restituée dans ses équilibres spatialisés d’origine, avec ce tranchant vif et ses couleurs fauves. Voici la Fantastique (la transe volcanique et bacchique de ses épisodes finaux : la Marche au supplice et du Songe d’une nuit de sabbat), Harold en Italie et Tristia, la sublime fresque shakespearienne de Roméo et Juliette, enfin La Damnation de Faust, sommet de son inspiration lyrique et dramatique. Ici Berlioz éructe et colore, intensifie et enrichit le paysage sonore et orchestral : il réinvente l’orchestre comme Turner réinvente la peinture. En Berlioz, Gardiner voit Goya et Tintoret ; il fusionne dans le corps et l’âme du Français, le fantastique chromatique du premier, l’élan, la construction du colossal du second. Avec Gardiner, Berlioz rime avec tempête et ouragan. Chez tous les pupitres.
Même si l’on trouve d’un certain côté, l’approche de un rien trop échevelée, moins équilibrée et raffinée qu’un Davis, sa compréhension du berlioz réformateur, affûté, vindicatif grâce au relief et au timbre des instruments d’époque, demeure indiscutablement passionnant. Gardiner reste donc la valeur sûre pour cette année 2019, côté instruments anciens. Bonus complémentaire et éloquent sur la direction minutieuse et engagée de Gardiner, le DVD qui agrémente les 8 cd de ce cycle Berlioz sur instruments d’époque : à l’image, sont rétablies ainsi la Fantastique et la fameuse Messe Solennelle du « gamin » génial de 22 ans, dont certains thèmes mélodiques seront ensuite recyclés dans les œuvres dramatiques et symphonique de la maturité.
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CD coffret, événement, critique. BERLIOZ rediscovered – John Eliot Gardiner joue Berlioz – 8 cd, 1 dvd (DECCA)
Symphony fantastique op. 14
Symphony « Harold en Italie »
Tristia op. 18
Romeo et Juliette op. 17
La Damnation de Faust
Irlande op. 2
Le Trebuchet op. 13 No. 3
La Mort d’Ophélie
8 Scenes de Faust
Messe solennelle
DVD « Berlioz Rediscovered »
Gérard Caussé, Catherine Robbin, Jean-Paul Fouchecourt, Gilles Cachemaille, Anne Sofie von Otter, Jean-Philippe Lafont, Fiona Wright, Robert Tear, Helen Watts, Viola Tunnard, Monteverdi Choir, Edinburgh Festival Chorus, Orchestre Révolutionnaire et Romantique, Orchestre de l’Opéra National de Lyon, John Eliot Gardiner.