jeudi 18 avril 2024

CD. Coffret DECCA Sound – les années mono : 1944 – 1956 (53 cd Decca)

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decca sound monoCD. Coffret DECCA Sound – les années mono : 1944 – 1956 (53 cd Decca). Une règle en or pour tout bon amateur : quand les majors éditent un coffret de forme carrée, dîtes vous bien que parmi les titres archives ainsi réédités (et souvent remastérisés), se cachent plusieurs perles qui méritent évidemment l’achat. Le reste, même dans des interprétations moins immédiatement incontournables relève de la découverte et souvent à ce prix, l’offre est très économiquement compétitive au regard du nombre de cd contenus. Les années mono de Decca (1944-1956) se révèlent historiques et précieuses : chacun y glanera sa perle parlant à son cœur de mélomane : mais soyez certains du résultat final, au bout du chemin, vous attend l’interprétation de vos rêves. Ce que la technique encore vacillante tend à atteindre, la sensibilité contagieuse des chefs réunis ici, entre autres : Ansermet, Martinon, Kleiber père, Boult en diffuse déjà des parcelles miraculeuses…

 

 

 

1944 – 1956 : le mono Decca, de luxe !

Le son « ffrr » de Decca : une prise mono optimisée, avant la stéréo…

 

 

Ce coffret DECCA ne déroge pas à la règle ; il s’inscrit dans les précédentes rééditions particulièrement généreuses, véritables boîtes à merveilles où l’amateur ou le connaisseur détecte des perles inespérées signées par de grands chefs, d’autant mieux convaincants qu’ils défendent des œuvres parfois peu connues voire inédites et ici enregistrées pour la première fois.

Decca rééditent ainsi ses archives mono (1944 – 1956), dans son fameux son originel :  » ffrr  » ( » full frequency range recording  » : enregistrement de la bande de fréquences dans son intégralité). C’est un cycle de documents historiques qui renseignent sur les débuts de l’ingénierie de l’enregistrement : les techniques de guerre étant transférées dans les studios de la firme britannique (West Hampstead à Londres). Avec la fin de la seconde guerre, un monde nouveau s’invente, avec lui le rapport aux œuvres du répertoire, dans des dispositifs techniques certes encore perfectibles mais déjà très correctement audibles (voyer le son 1948 de la Pastorale, détaillée, oxygénée de Erich Kleiber, lire ci après), en somme il s’agit d’une histoire de l’interprétation sur près de 12 ans, doublée d’une histoire des procédés d’enregistrement. C’est la mémoire de la firme anglaise qui se dévoile ici, à l’origine de son fabuleux catalogue.
Universal music nous régale depuis plusieurs mois car avant ce coffret Decca sound, il y a eu, plusieurs précédents boîtes de rééditions (si l’on inclut aussi les compilations du groupe Universal music, Deuttsche Grammophon ou la collection Westminster legacy….), toutes aussi prometteuses dont la « Phase 4 stereo », particulièrement riche en révélation dans un son encore amélioré, plus spatialisé et même scénographié grâce au procédé multipiste propre ici aux années 1964 – 1977 (coffret Phase 4 stereo, réédition Decca de novembre 2014).

decca sound coffret mars 2015 beinoum erich kleiber solti martinon ansermet sibelius lewisDans le cas du coffret DECCA SOUND, les amateurs symphonistes pourront se délecter tout comme les amoureux du chambrisme concertant. C’est d’ailleurs l’un des plus anciens témoignages daté de 1944 qui fait reculer le temps, ressuscitant la tension palpitante des quatre instrumentistes du Quartetto Italiano dans Boccherini et Haydn (élégant et facétieux Hob.III 64), couplé avec Schumann et Verdi en 1950). Certes emblématique de la période couverte, celle des 33 tours, le son manque de profondeur, de spatialité, parfois trop sec, et droit, mais la justesse des intentions, la finesse de l’approche poétique impose une vision indiscutable (Quatuor de Verdi, à la fois souple, incandescent, intime). Ce seul cd (28) donne le ton… une boîte de pépites musicale dont la maturité et l’engagement des interprètes convainquent sans relâche.

Côté chefs légendaires, et relevant de la même décennie, ici en 1948 : vous écouterez Kleiber père (Erich, le créateur de Wozzeck et le défenseur d’un humanisme éclairé contre le nazisme…). La figure du père, écrasante / stimulante pour Carlos aborde la Pastorale de Beethoven au studio Kingsway Hall de Londres, les 24 et 25 février 1948 : la précision qui respire, l’ivresse printanière de la direction, et l’enregistrement idéalement réverbéré, avec une profondeur et une maîtrise des nuances qui montre au lendemain de la guerre, l’excellence et l’éloquence des instrumentistes du London Philharmonic Orchestra. Voilà qui égale voire surclasse (malgré le grésillement du microsillon) l’approche d’un Karajan, presque trop rutilant et artificiel, – trop calculé en esthète hyperexigeant…, à l’inverse Kleiber père retrouve une insouciance des origines qui charme et berce (écouter comment le hautbois est détaché : touche d’un pastoralisme raffiné élégantissime). Rondeur, caractère, passion : que demander de plus. Erich s’impose encore avec une 9è du même Beethoven (juin 1952 à Vienne, avec les Wiener Philharmoniker et les solistes : Hilde Guden, Anton Dermota, Ludwig Weber : une référence absolue par son raffinement tellurique, sa fièvre de grande classe et touojurs cette sensibilité à hauteur d’homme qui détaille les timbres assemblés, concertants…, cd 30).
Autre gravure toute aussi ancienne : celle d’Eduard Van Beinum de septembre 1948 à Amsterdam, donc avec le Concergebouw dans Concerto pour orchestre de Bartok : le mystère véhicule de la tension accrédite cette bande captivante.

Les perles symphoniques du Catalogue Decca

Autour de 1950 : le temps de Erich Kleiber, Knappertsbusch, Boult, Beinum, Ansermet et déjà le jeune et fringuant Solti…

Un an plus tard (après le beethovénien Kleiber père), en mai 1953, le grand Hans (Knappertsbusch enregistre dans la même Grosser Musikvereinsaal de Vienne, Wagner (ouverture de Tannhaüser et Venusberg : la respiration, le souffle, la grandeur qui palpite et sait respirer saisissent : quel chef lui aussi (et quels instrumentistes ! Quel dommage que la prise sature au niveau des tutti avec cuivres).

Propre aux début des années 1950, s’impose un futur champion toute catégorie de l’écurie Decca, Georg Solti (qui signera ensuite des intégrales Mahler, Bartok, Verdi, Wagner, mémorables pour le label, au cours des décennies 1970, 1980, 1990…) : un pilier du catalogue se dévoile ici : cd 46 (2 symphonies mozartiennes K183, K504 « Prague », surrout cycle de facéties élégantes et expressives : ouvertures de Rossini, studio de Kingsway Hall, avril 1954 et septembre 1955), cd 47 : musique pour cordes, percussion et célesta de Bartok, la Suite Hary Janos opus 35a de Kodaly en février 1955 : le mordant trépidant et la fièvre rythmique d’une précision chirurgicale portent déjà la marque de l’immense Solti. Un orfèvre horloger… doué d’un dramatisme intense et très efficace.

decca sound various-artists-the-decca-sound-the-mono-years-6-lp-set-5276404-1422860397C’est le temps aussi du chef Ernest Ansermet dont le geste à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande et du Conservatoire de Paris s’impose évidemment de 1949 à 1954 : autre pépite étincelante de surcroît dans plusieurs pièces marquantes : Petrouchka de 1949, Le Sacre du printemps de 1950 ; Les biches de 1952 ; Le tombeau de Couperin, valses nobles et sentimentales de 1953 ; six épigraphes antiques de 1953 aussi ; Le festin de l’Araignée, suite complète de 1954… C’est un bain de symphonisme étincelant, précis, lui aussi intime, palpitant et ivre de couleurs intérieures qui transfigurent ici, Stravinsky, Poulenc, Ravel, Debussy et le plus récent (et vertigineux) Roussel (enregistré au Victoria Hall de Genève, en octobre et novembre 1954) : une fièvre précise, d’une rythmique féline, d’une secrète sensualité. Ansermet est un sensuel mesuré, faussement comprimé : l’équilibre qu’il distille dans chaque partition se déroule au service de la clarté et de la transparence.

Ces années 1950, et les 5 premières années de la décade (1950-1955) démontre de la part des ingénieurs de la firme Decca, une frénésie d’enregistrement totalement ahurissante voire vertigineuse. L’oratorio symphonique Job de Vaughan Williams (par Adrian Boult, et le LPO London Philharmonic orchestra, janvier 1954, cd 10, dont la baguette exprime un dramatisme arachnéen) ; la 3ème de Tchaikovski, et les Suites L’amour des 3 oranges et Lieutenant Kijé de Prokofiev (avec le même Boult en juin 1955 et l’Orchestre du Conservatoire de Paris, cd 9 : leçon de finesse et de couleurs), s’imposent tout autant.

Au chapitre français, vous vous délecterez bien aussi des Lalo et Bizet présents : ainsi le legs aujourd’hui réestimé de Jean Martinon (récent coffret Sony classical), ici interprète de Edouard Lalo : Suites 1 et 2 de l’extraordinaire Namouna (cd38), musique de ballet d’un fini élégantissime, au wagnérisme diapré d’un raffinement ambitieux avec le London Symphony Orchestra, mai 1955. La prise de son dévoile les progrès accomplis par les ingénieurs Decca dans la grande forme : Lalo aurait-il voulu égaler l’orchestre de La Walkyrie dans l’ouverture (il est vrai dans le mythique et ample Kingsway Hall). Même enthousiasme pour le Bizaet( Petite Suite d’orchestre opus 22, et Suite de la Jolie fille de Perth) et le Chabrier (Suite pastorale, Ode à la musique, extrait du Roi malgré lui…) de Jean Fournet et son équipe française réunie en 1953 et 1954 à La Mutualité de Paris (lesquels jouent aussi La demoiselle élue de Debussy, à l’intimisme davantage symboliste qu’impressionniste (cd34).

CLIC D'OR macaron 200Là n’est pas une nomenclature complète et exhaustive de la boîte miraculeuse ; bien des surprises vous attendent : dont le cd 49, anniversaire oblige en 2015, Sibelius n°5 par Erik Tuxen et l’orchestre de la radio danoise, entre autres… Coffret événement de mars 2015 : naturellement élu CLIC de classiquenews.

CD. Coffret DECCA SOUND, 53 cd. Les années mono : 1944 – 1956. CLIC de classiquenews mars 2015. Référence Decca 478 7946

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