samedi 20 avril 2024

Bourg Saint-Andéol et Lagorce (07). Festival des Cordes en Ballade, les 10 et 13 juillet 2009

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11ème édition de Cordes en Ballade

C’est la 11e édition d’un festival aux portes de la Provence (ou du Languedoc), en Ardèche du sud. Le Quatuor Debussy l’a imaginé, puis établi dans le paysage de la vallée du Rhône et des plateaux. Il s’agit essentiellement d’un travail de formation pour les jeunes instrumentistes qui aboutit en concerts et animations multiples. Impressions sur deux demi-journées sans spectaculaire mais avec transmission des savoirs devant des publics très attentifs.

La Reine des Neiges dans la chaleur de l’été
S’il n’y avait que culture du résultat et bilans chiffrés pour les festivals, ce serait grande misère bbbbdonner un satisfecit de ce côté, et surtout mesurer son action dans le domaine moins quantifiable du plaisir comme de la pédagogie fondatrice. En une demi-journée à Bourg-Saint-Andéol, « petite ville romaine et byzantine dans les crevasses de laquelle a poussé un bourg de pécheurs et de bateliers », selon Victor Hugo voyageur, on peut mesurer cela. Au cœur d’un après-midi que tempère enfin le vent du nord, en un lieu où acoustique et forme générale seront dites par euphémisme ingrates (genre salle paroissiale de cinéma, années 50), plusieurs dizaines d’enfants et de pré-ados souvent captivés écoutent un conte d’Andersen. Pour charmer ces jeunes esprits, les Debussy jouent d’abord un Divertimento mozartien, toute légèreté poétique, introduit avec simplicité souriante par « le 1er », Christophe Collette. Puis on remonte en Europe du nord-extrême avant réchauffement climatique, du temps que la méchante Reine des Neiges gouvernait tout. François Castang « récite » (son rôle de plus en plus favori) avec chaleur et habileté – mais les lointains d’une salle tout en longueur l’obligent à forcer la voix -, en contrepoint d’un conducteur de Patrick Cardy, partition astucieuse et pas du tout rébarbative, mais sans « téléphone blanc » du pléonasme musical. Les Debussy se plaisent à tisser tout cela ; derrière moi, une petite fille se réfugie dans les bras de s grand-mère, « j’ai peur ! » : gagné !

Les trois étages pour trio et quatuor
Escale à la Tour de contrôle pédagogique, au camp de base que constitue pour les Cordes un collège qui abrite la partie d’Académie (Stage pour jeunes quatuors prometteurs, menés par les Debussy). Puis promenade du public à travers les rues du vieux Bourg vers une halte dans l’un de ces hôtels particuliers – renaissants et classico-baroques – qui font le plaisir de Bourg ou de ses voisines, du nord (Viviers) et du sud (Pont-Saint-Esprit). Au « parterre », un des jeunes Trios en stage joue très pro, sérieux et harmonieux, un fragment beethovénien. Au salon d’étage, les Satie – pur produit de la formation antérieure par leurs aînés, et déjà fort lancés en carrière : Frédéric Aurier et Julie Friez, violons ; Patrick Oriol, alto ; Guillaume Lafeuille, violoncelle) éclairent d’u ne description habilement menée par leur « 1er » les chemins du 2e Quatuor de Kevin Volans, au programme ce soir. Où l’on pressent et comprend que l’œuvre de ce compositeur sud-africain devenu irlandais n’aura rien de terrifiquement ardu, mais retiendra aussi l’attention par son soubassement rythmique emprunté…. « volens nolens » à l’Afrique Noire. Puis rafraîchissements et conversations à l’étage au dessus, en un jardin suspendu d’un charme très convivial.

Cherubini, Volans et Haydn
Et c’est à la nuit venue, avec vent presque froid qui tourbillonne dans la cour – un lieu choisi ne quasi-impro, quadrilatère de hauts murs et d’arcades à l’excellente acoustique : la Cascade – que les Satie donnent la mesure de leur très haut talent. Le 2e Quatuor de Cherubini, d’abord, leur offre un havre de paix harmonieuse et d’architecture inspirée, inattendue dans sa nervosité. Dans cette réduction d’une symphonie, les Satie imposent leur sens du lointain, du pizzicato poétique, doux et étagé, leur son raréfié à la fin d’un lento lyrique, en alternance d’états successifs au bord de la rupture, ou d’une « polyphonie mélodique de timbres ». Cherubini, chaînon manquant du côté de chez Beethoven ? On devrait l’explorer davantage….Puis les Satie sont très à l’aise, heureux même, en défense et illustration de leur contemporain modéré, Kevin Nolens : leurs qualités de rythmiciens subtils font merveille dans un quatuor séduisant de la nouvelle simplicité, néo-naïveté ou post-modernité à petits pièges. Ici la répétitivité qui n’est pas celle des Américains, cryptiquement incluse en Afrique et joliment griffée par un violon dans l’aigu, touche par sa volonté énigmatique sous le piétinement un rien rabâcheur. Même superbement pris à cœur par les interprètes, cela peut aussi lasser. Et faire regretter l’autre contemporain dont les Debussy ont montré en concert à Lyon puis en festival les vertus inventives, l’Italien Luca Antignani… Un op.71/2 de Haydn conclut, ductile, volubile sans bavardage, toujours une évidente question sans réponse, avec un lento de nostalgie qui surgit puis s’apaise…

Sous la barre calcaire de Lagorce
Trois jours plus tard, changement de décor : sous l’échine calcaire de Lagorce, un de ces âpres villages au bord du plateau de Rez, qui accueille en toute chaleur et simplicité deux « jeunes talents en quatuor ». Il a fallu se replier du temple en réparation vers une banale église néo-gothique à nef unique, et ça réverbe à réveiller la statuaire saint-sulpicienne sépia-et-sable (toujours mieux que l’hyper-couleur bondieusdarde), mais on oublie cette disgrâce dès que résonnent les neuves sonorités montées de la vallée du Rhône. Avec les Equinoxe (Estelle Vaiss et Laura Daniel, violons ; Loïc Douroux, alto ; Emile Bernard, violoncelle) qui sont dans le civil et hors été enseignants de musique en Francilie, voici encore un Haydn, et du sublime, l’op.77/1. On ne peut que louer l’ équilibre sonore, le sens de la « composition continue » (selon les vœux des compositeurs du classicisme), l’unité comme le sérieux du regard. L’adagio, sommet de l’œuvre, est d’un lyrisme grave, si le presto final demeure un rien trop raisonnable, et l’ensemble impressionne par sa maturité. Avec les Agora ( Marie Salvat et Saori Izumi, violons ; Marie- Noelle Bernascon, alto ; Alice Picaud, violoncelle) qui travaillent dispersés entre Paris, Londres et…le Japon, on est en présence d’un ton parfaitement original et abouti. Un mouvement méditatif de Reger met d’abord en valeur l’ampleur de la respiration et la noblesse apaisée du discours. Puis c’est l’hommage au Maître par excellence, Debussy, dont «leurs maîtres » (de deux sessions déjà) ont aidé à dégager l’essentiel du message. Les Agora ont une justesse d’ardeur qui fait de la partition un hymne à la jeunesse d’écriture, et un grand sens de l’articulation non convenue. Tantôt une ampleur symphonique sort des instruments en contrastes parfois violents, tantôt – dans l’andantino – s’élève une prière laïque à la beauté amoureuse du monde, bouleversante comme rarement en ce lieu désormais si fréquenté qu’on en oublierait l’audacieux frémissement. Ces Agora méritent amplement la place la plus publique, et on espère que dès l’automne, ils s’ouvriront les chemins des concours internationaux.

11e Festival des Cordes en Ballade (07), les 10 et 13 juillet 2009. Bourg Saint Andéol, Lagorce. Quatuors Debussy, Satie, Equinoxe, Agora. François Castang.

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