Dossier spécial
Bicentenaire
Joseph Haydn
1809- 2009
(1798), oeuvre testament qui fait aussi la synthèse du XVIIIè, mais pas
seulement, Haydn est aussi le père de la symphonie dite classique
(alors qu’il n’a cessé de faire évoluer le cadre dit classique grâce à
une invention constante de la forme), du quatuor à cordes…
Classiquenews.com célèbre les 200 ans de la mort du compositeur en
consacrant ce dossier spécial qui met l’accent sur les volets essentiels de son oeuvre éprise d’équilibre comme d’expérimentation…
Joseph Haydn à Vienne: 1. 1740-1761, 2. 1790-1809. S’il n’a pas composé l’essentiel de son oeuvre dans la capitale
autrichienne, Haydn demeure l’un des compositeurs les plus
emblématiques de la ville impériale. Avant Beethoven (qui fut son
élève), avant Schubert et Mahler… et comme Mozart qu’il visite alors
que l’auteur de Cosi et de Don Giovanni habite un luxueux appartement
entre 1785 et 1787, Joseph Haydn illustre de toute évidence
l’excellence de la culture viennoise: son urbanité, son indépendance,
sa spiritualité et son élégance inventive… En maître des nouvelles formes, Haydn domine la scène musicale autrichienne, c’est même un phare pour l’Europe des Lumières.
La musique de cour à Vienne au 18è siècle. Quand Haydn compose, l’époque est celle du règne de Marie-Thérèse, puis
Joseph II, et Leopold II, des monarques certes à tempérament mais dont
les affinités musicales ne sont plus aussi vives que celles de
leurs prédécesseurs, en particulier au 17è, Leopold Ier et ensuite,
Charles VI, le père de l’Impératrice Marie-Thérèse. Haydn incarne
cependant l’excellence de la culture « viennoise », -germanique-, depuis
ses fonctions comme compositeur officiel des Esterhazy, en Hongrie.
Haydn est bien le plus grand compositeur germanique du XVIIIè, quand
depuis longtemps, malgré les styles de Fux ou Schmelzer, c’était
surtout les Italiens qui dominaient le goût officiel…
Les années de maturité (1770-1809). Les dernières années de la vie de Haydn sont celles de la maturité et aussi
d’une activité surabondante: le compositeur fournit la musique pour le
prince Esterhazy, son principal patron, prépare et réalise ses séjours
londoniens, compose pour l’Espagne et Paris… Musicien européen, Haydn
rencontre Mozart (1784) et se consacre surtout à l’oratorio sur le
chemin de Haendel, découvert en Angleterre… Mais la révélation de ses
dernières années de pratique musicale et de recherche demeure sans
aucun doute les nombreux opéras composés pour la Cour d’Esterhaza: là
encore, le génie de Haydn assimile, synthétise, ose en esprit
visionnaire et original…
Les quatuors (1770-1803). Evolution de l’écriture, présentation des étapes de transformation… Comment l’ancien cycle en 5 mouvements (Cassation, divertimento, « a quattro ») devient peu à peu le quatuor rayonnant dans sa forme quadripartite, comprenant entre autres le menuet, qui se déplace de la 2è à la 3è place… Suivez la genèse du genre nouveau, inventé, refondu, retravaillé sans cesse par un Haydn aussi épris d’équilibre que d’expérimentation, de 1770 à 1803. Au total un corpus de 58 Quatuors dignes de ce nom que l’intégrale du Quatuor Festetics (rééditée et enfin achevée par Aracana) éclaire d’un geste décisif: sur instruments d’époque, recréateur, mordant, âpre, en respectant l’ordre originel des tonalités…
Les opéras. Présentation générale d’un pan mésestimé à torts de l’oeuvre de Haydn. Méconnus, sous-estimé, les opéras du compositeur des princes Esterhazy
à Eisenstadt et Esterhaza à partir de 1766 (installation du directeur
de la musique dans le bâtiment dévolu aux musiciens), méritent
assurément davantage qu’un regard de complaisante considération: défis
inédits, audaces formelles, facétie, mélange des genres,
expérimentation continue apportent la preuve que Haydn ne fut pas ce
« bon papa » conforme et passif, à l’activité décorative autant que
divertissante: le jeu de la forme, une exigence dramatique, aiguë,
constante (apprise dans les années 1750 à Vienne auprès du maître de
l’opéra napolitain, Porpora) indique la figure du défricheur,…
Discographie sélective Joseph Haydn
Superbe vague de rééditions tous azimuths et de nouveautés à suivre : fort heureusement l’année 2009 produit des découvertes voire quelques révélations, les labels s’accordent aussi en une série de rééditions majeures. Chacun republiant ses joyaux en catalogue, pour notre plus grand bonheur. Voici notre sélection des titres et coffrets désormais incontournables.
Haydn. Intégrale des Symphonies (Coffret 33 cd Decca). Certes il y a eu depuis cette intégrale sur instruments modernes, réalisée entre 1969 et 1972, les approches éruptives majeures de Nikolaus Harnoncourt, celle plus récente encore de Thomas Fey (à la tête de son impeccable et millimétrée Heidelberg Sinfoniker chez Hänssler), mais le geste lumineux et vif d’Antal Dorati, qui a aussi enregistré chez Decca l’intégrale lyrique (un autre must) se révèle éblouissante de justesse poétique. Il s’agit de la toute
première intégrale des 104 symphonies de Haydn disponible, sous la
direction d’Antal Dorati, pionnier et spécialiste du compositeur. Une
intégrale qui fait toujours référence. Geste palpitant, lecture
oxygénée souvent rayonnante, qui souligne dans le cadre classique,
l’audace et le souffle du génie expérimental… Le chef hongrois
naturalisé américain Antal Dorati (1906-1988) étudie à l’Académie Franz Liszt de Budapest, la composition avec Koday,… Il se montre un fidèle et captivant ambassadeur de cetet élégance viennoise propre à Haydn, matinée d’une verve inventive sans faute de goût… Coffret « historique ».
Haydn. The Six Late Masses : les Six dernières Messes (Coffret de 4 cd Vivarte Sony Classical)
Vivacité et ciselure instrumentale, auxquelles répond l’engagement du chœur et souvent des solistes de première qualité dont Ann Monoyios (soprano au timbre enfantin et pur), Harry van der Kamp (d’une noblesse articulée à toute épreuve), voici un corpus discographique qui remplit idéalement sa fonction : éclairer la production sacrée de Haydn à Eisenstadt, fournisseur de la musique fervente de son prince protecteur, le Prince Nikolaus II Esterhazy (4è du nom, en fonction à partir de janvier 1794). Une époque triste pour l’Autriche qui poursuit une guerre désastreuse contre l’indomptable Napoléon… La piété vaut ici rempart contre l’envahisseur français.
Les amateurs de sonorités allégées, détaillés, nerveuses apprécieront l’approche très fine et palpitante de Bruno Weil à la tête de son orchestre engagé Tafelmusik, qui dépoussière, oxygène, rééquilibre plateau et orchestre. Doxologie active et d’une sincère intensité (voix, chœur, instruments dont les bois et les vents, gorgés d’une saine énergie fusionnée). Au programme : les 6 dernières Messes donc, toutes écrites pour la fête de la princesse Maria Hermenegild, épouse de Nikolaus II, au torunat des années 1790 et 1800 : à savoir, Paukenmesse (Messe pour le temps de guerre, 1796), Heiligenmesse (ou Missa Sancti Bernardi de Offida, qui en 1796, profite de l’expérience du symphoniste, grâce ses sublimes 12 symphonies londoniennes, de 1791-1795), NelsonMesse (1798), TheresaMesse (1799), CreationMesse (1801), HarmonieMesse (1802). Série d’œuvres du Haydn mûr, expert de sa manière et de ses options musicales. Jubilante réédition. Solistes, Tölzer Knabenchor, Tafelmusik. Bruno Weil, direction. Enregistrements réalisés de 1994 à 1998. Le coffret est d’autant plus nécessaire qu’aux côtés des 6 dernières Messes, Bruno Weil enregistre aussi en complément, sur les 4 cd, nombre de partitions sacrées en plus petit format, ou d’une semblable ambition, toutes d’une égale inspiration : Salve Regina, Motets : O Coelitum beati, Insanae et vanae curae (1794), Venerabili Sacramento (1776), Mare Clausum, Te Deum pour l’Impératrice marie-Thérèse (1800), épouse de François II, très habile soprano capable de chanter la partie soliste dans La Création.
Haydn. Symphonies et Messes. Leonard Bernstein (12 cd, Sony classical)
Impulsive, instinctive, d’une richesse émotionnelle superactive, l’approche de Bernstein demeure fidèle au singulier charisme du chef américain en concert. Sa baguette respire, exulte, transpire. Jamais Bernstein ne fut aussi exalté, naturel, vif, incisif en studio (à partir de 1958, à l’époque de la Columbia). Voici déjà une première qualité de cet ensemble de 12 cd incontournable.s La sensibilité qui sait être d’une liberté parfois délirante mais toujours convaincante dans Mahler, sait mesurer, nuancer dans le cadre plus « formel » des Symphonies de Joseph Haydn, père et fondateur du genre. C’est certes un Bernstein plus polissé, plus éduqué qui s’expose ici mais non moins fervent architecte, toujours curieux et respectueux de la continuité et des temps forts de l’architecture dramatique sous-jacente. Clarté, sincérité, parfois même innocence, sont atteintes sous la baguette du mestro légendaire par les instrumentistes charmés du New York Philharmonic. Bernstein saisit la brillante vitalité des Messes : La Création certes mais surtout la Theresia Messe, fervente et lumineuse grâce entre autres, au timbre solaire et angélique de Lucia Popp (qui fit aussi la réussite du Requiem de Mozart, dans les années 1960 sous la baguetet de Boehm et de Karajan…). Version majeure sur instruments modernes. Au programme : 12 Symphonies Londoniennes, 6 Symphonies parisiennes, La Création, 4 Messes : Harmoniemesse(solistes : Judith Blegen, Frederica von Stade, Kenneth Riegel, Simon Estes), Theresiamesse, Nelsonmesse (aux dimensions opératiques avec Kenneth Riegel et Simon Estes), Missa in tempore belli (Paukenmesse). Enregistrements réalisés en 1958, 1962, 1966, 1967, 1970, 1971, 1973, 1975. Paukenmesse (1973), Nelsonmesse (1976), La Création (1966), Harmoniemesse (1973), Theresiamesse (1979).
Haydn. 7 Symphonies Londoniennes (1791-1795: 4 cd Deutsche Grammophon). Abbado s’intéresse à l’inventivité inouïe de l’écriture de Haydn
qui fut maître de l’opéra à Esterhaza: voyez cette ouverture ciselée,
et sculptée dans une matière vive et palpitante, de son opéra de la
maturité Il Mondo della Luna (1777)… Grandeur, solennité mais aussi facétie décapante: voilà un cocktail
gagnant qui défendu par Abbado et son orchestre d’une santé tonique,
redonne au Haydn de la fin, sa juste coloration: entre délire, humour,
expérimentation. Superbe coffret de 4 cd: l’approche y est nerveuse et
fluide, d’un entrain stimulant.
Haydn. 11 sonates pour piano. Alfred Brendel (4 cd Decca The Originals). S’agissant de Brendel, voici une somme incontestable et à ce prix,
incontournable pour les amateurs de style, de classe, d’inspiration, de
retenue palpitante, de mesure pudique et de vérité sentimentale. Ces 11
Sonates sont parmi les plus bouleversantes du compositeur, servies par
un fidèle amoureux, attentif, jamais débraillé ni étriqué. Quelle
esprit facétieux, léger et dansant -viennois XVIIIè-, d’une volubilité
ronde et effrénée, « ivre », de la Fantaisie H XVII n°4 (cd2, plage 9);
comment résister à cet art des nuances, de la pudeur sensible mais
éloquente, expression idéale de la litote musicale? Ecoutez l’Adagio
qui suit (même cd2): même absence de discours mais l’expression de la
vie, avec des idées originales, le meilleur d’un Haydn expérimentateur,
défricheur facétieux infatiguable.
Haydn edition (150 cd Brilliant)
Pavé
impressionnant par sa taille (premier volume de l’intégrale) mais
rassurez vous, à l’aube des commémorations innombrables de l’année
2009, année Haydn par excellence, comme célébrant aussi Mendelsshon, ce
premier coffret s’annonce à la hauteur de ses promesses (le 2ème volume
devrait couronner et conclure l’année Haydn, en paraissant début 2010):
tout d’abord saluons les 104 Symphonies (quand même « occupant » les 33
premiers cd) fort honorablement abordées par Adam Fischer aux début des
années 1990 avec l’Austro-Hungarian Haydn orchestra: finesse,
sensibilité, dramatisme… ce prélude symphonique est fort honorable
(originaire du fonds Nimbus).
Aux cotés des concertos pour piano, violon, orgue, trompette…
l’amateur retrouvera aussi avec intérêt les Messes et le Stabat Mater
dans la lecture détaillée de Frieder Bernius, les deux oratorios Les
Saisons et La Création sous la direction de Wolfgang Gönnenwein (avec
Helen Donath dans les rôles d’Hanne et Gabriel)… autres ouvrages
vocaux d’envergure qui accréditent davantage la présente édition: les
opéras comiques nourris de tendre facétie. Ainsi Die Feuersbrunst
(« L’incendie » par Frank van Koten, 1992), La Vera costanza (idem,
1990), La Fedelta premiata (idem, 1994), L’Infeldeta Delusa (Frigyes
Sandor, 1975, avec entre autres Magda Kalmar dans le rôle de
Vespina…). Autres oratorios en plus de La Création et des Saisons
déjà citées, Les Sept dernières Paroles (Nicol Matt, 2002), le trop
méconnu Retour de Tobie (Ferenc Szerkeres, 1971)…
The Scottish songs (pour William Whyte et George Thomson) son défendues
en anglais par le collectif Lorna Anderson, soprano; Jamie MacDougall,
ténor et le Haydn Trio Eisenstadt (entre autres, 2003-2008), surtout
saluons les 3 cd où Elly Ameling accompagnée par Jörg Demus au piano
(fonds Decca, 1980) interprètent avec un style et une élégance
indiscutables, plusieurs cycles de mélodies anglaises et italiennes
ainsi que plusieurs lieder. Les Quatuors sont confiés au Buchberger
Quartet (2004-2008), les Trios avec pianos au Van Swieten Trio
(2003-2005), les Trios pour baryton à l’Esterhazy ensemble (20 cd!),
l’oeuvre pour piano à Bart van Oort au pianoforte (2000-2008).
Complément très appréciable aux 150 cd audio, un cdrom digital offre
l’ensemble des livrets des opéras, oratorios, des textes des chansons
et mélodies (traduction en anglais). Une notice en français présente
les oeuvres de Joseph Haydn par genre (pianos, musique de chambre,
opéras, oratorios, etc…). Haydn edition: l’intégrale Joseph Haydn, volume 1 (150 cd + 1 cd-rom, Brilliants classics).
Intégrale des Quatuors. Quatuor Festetics (Arcana)
Evolution de l’écriture, présentation des étapes de transformation…
Comment l’ancien cycle en 5 mouvements (Cassation, divertimento, « a
quattro ») devient peu à peu le quatuor rayonnant dans sa forme
quadripartite, comprenant entre autres le menuet, qui se déplace de la
2è à la 3è place… Suivez la genèse du genre nouveau, inventé,
refondu, retravaillé sans cesse par un Haydn aussi épris d’équilibre
que d’expérimentation, de 1770 à 1803. Au total un corpus de 58
Quatuors dignes de ce nom que l’intégrale du Quatuor Festetics (rééditée
par Arcana) éclaire d’un geste décisif: recréateur (en respectant
l’ordre originel des tonalités…)

Voilà une piste nouvelle pour notre goût. C’est aussi à l’écoute
immédiate de ce disque très recommandable, ce que l’auditeur peut reconnaître: la vitalité émotionnelle
des caractères, le raffinement de l’instrumentarium indiquent
évidemment le grand symphoniste mais aussi un créateur qui reste en
digne élève de Porpora, un amoureux de la voix. Cet enregistrement de
2008 du premier opéra italien, Acide (1763) est une révélation…
Les Saisons (Harnoncourt, 2007, Bis)

l’approche de ses 80 ans (le 6 décembre prochain), le Maestro
Harnoncourt dévoile pas à pas dans chaque nouvelle réalisation, non
plus une démonstration, mais une expérience humaine avec son poids de
sentiments, sa richesse, ses sagesses, son aptitude à nous parler, en
musicien humaniste, de la condition humaine et du monde dans lequel il
vit. Magistrale. Avec Acide (lire critique précédente) les Saisons version Harnoncourt sont l’une des meilleures surprises discographiques pour cette année du Bicentenaire de la mort de Haydn.
vidéo
La maison de Haydn à Vienne
La maison Haydn (Haydnhaus) aujourd’hui absorbée dans le tissu urbain de Vienne (Autriche) était à l’origine située à Gumpendorf,
une banlieue proche du centre de la cité impériale. Haydn libéré de ses
obligations permanentes auprès des princes Esterhazy (qu’il aura servi
pendant près de 30 années à Eisenstadt et Esterhaza) s’y fixe, après
ses deux séjours londoniens, de 1797 jusqu’à sa mort en 1809.